Direction le Japon. Ce roman graphique s'inspire d'un fait divers : en 2008, à Fukuoka, un homme a découvert qu'une femme dormait à son insu dans le placard de sa maison, depuis un an.
Shimura-San, 56 ans, météorologue, mène une existence réglée à la lisière de Nagasaki jusqu’au jour où il s'aperçoit que des aliments disparaissent de son frigo. Ébranlé, il installe une webcam qu’il active de son lieu de travail. Et là, stupeur : une femme mange dans sa cuisine! Ni une, ni deux, il appelle la police, l’intruse est arrêtée, la presse est avertie.Doutes, remords et interrogations existentielles s'installent alors.
Nagasaki, adaptation du roman français d’Eric Faye, est la première bande dessinée d'Agnès Hostache. Nagasaki n'est cependant pas le lieu ou s'est déroulé l'incident: peut-être est-ce un clin métaphorique à l'onde de choc suscitée par la bombe?
Durant ma lecture, je me suis demandée qui, au fond, était la vraie victime. L’homme violé dans son intimité par cette femme? La femme sans domicile fixe rejetée par la société?
Dans ce roman graphique psychologique et haletant découpé en quinze scènes, l’autrice analyse le fait divers d’abord du point de vue de l’homme, puis de celui de la femme. Grâce à une narration omnisciente, elle maintient l’intrigue dans une tension permanente jusqu’à la fin très poignante, qui permet de comprendre certaines choses.
Surtout, elle livre un témoignage précieux sur la solitude: l'épuisement moral d'un homme vide depuis longtemps et traumatisé par cette invasion, mais aussi la situation dramatique de cette femme sans travail, sans toit, sans famille au final de cette « femme sans » qui rêvait juste de se remettre des bosses et des bleus de l'existence.
Dans une écriture pleine d’humanité, elle égratigne au passage notre société qui en manque, notamment avec les passages sur le robot et les conséquences de la crise de 2008.
Coup de cœur pour le graphisme si fin et poétique: la maison bento, l'œilleton de la prison, les zooms sur les objets, les aliments, les lieux, les gestes, les polices d'écriture différentes en fonction des protagonistes.
Une lecture qui secoue. Bravo.
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J'ai beaucoup aimé cette bande dessinée adaptée du roman éponyme d'Éric Faye. Nous y découvrons ici un fait glaçant adapté d'une histoire vraie : imaginez que quelqu'un vive chez vous à votre Insu ? Oui cela fait froid dans le dos, même s'il s'agit d'une dame inoffensive.
J'ai beaucoup aimé les dessins et les couleurs utilisées que j'ai trouvés originaux, ainsi que la façon dont l'illustratrice a agencé les cases.
J'ai trouvé très intéressantes diverses réflexions évoquées dans l'histoire : le poids de la solitude (personne ne s'inquiète de vous, d'où l'idée du quinquagénaire d'avoir un jour un robot pour s'occuper de ses funérailles), la difficulté de retrouver un travail à partir d'un certain âge, la monotonie du quotidien, etc. J'ai trouvé très réussi l'impression de mal-être qui s'accroît peu à peu chez notre personnage principal, sa sensation de ne plus se sentir chez lui. Et j'ai également apprécié que la parole soit donnée à cette femme qui a vécut tant de temps cachée, sans autre solution que de violer l'intimité d'un autre.
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Déroutante et magnétique, cette histoire tirée d'un fait réel m'a laissé une saveur toute particulière. L'intrigue se passe à Nagasaki, dans l'appartement d'un célibataire d'une cinquantaine d'années. Profondément ancré dans ses habitudes, cet homme vit chaque journée comme la précédente, de façon millimétrée. Aussi, lorsqu'il découvre un jour qu'il manque un yaourt dans son frigo son sang ne fait qu'un tour et une profonde angoisse le prend... Il décide d'installer une webcam dans sa cuisine et d'observer heure après heure la pièce depuis son lieu de travail en journée. Ce qu'il découvre a de quoi surprendre!
Un roman graphique adapté du roman éponyme d'Eric Faye (que je n'ai pas lu, mais cela ne saurait tarder), contemplatif mais aussi très riche. Un de ces livres qui laissent une trace de leur passage.
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Nagasaki, ce n'est pas que la guerre et les bombes, lecteur…
Quelle solitude, quelle mélancolie se dégage de ce roman graphique, lecteur ! L'anonymat urbain se mêle à la consistance d'un cœur solitaire, et c'est triste à pleurer. Le crayon, anguleux, les couleurs, émoussées, les formes, cubiques, s'ingénient à traduire le quotidien terne, morne d'une intimité sans charme. Et c'est là que se noue le drame de cette intrigue, lecteur, dans le frigo, dans les placards parfaitement organisés, rayonnés, qui font peur tant ils sont ordonnés.
Et si quelqu'un vivait, à ton insu, chez toi, lecteur ? C'est possible, tu crois ? Être humain, ombre ou fantôme, c'est la folie qui te guète dans ce cas.
Agnès Hostache retranscrit le vide intérieur avec talent, la pudeur et l'intimité avec brio, la peur avec justesse… mais c'est justement le fondement de ces impressions mêlées qui m'a gênée aussi dans ma lecture, une impression globalement d'insipide, une torpeur moite, une indicible sensation qui m'a mise mal à l'aise tout du long… Peut-être parce, au final, on y comprend qu'il serait plus simple de vivre avec un robot qu'avec un être un être humain…
Et toi, t'en dit quoi, lecteur ?
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Un graphisme original, doux, différent. Une narration surprenante puisque qu'à la mitan on glisse subtilement du point de vue du premier personnage (un homme installé dans la société ) à celui du second (une femme déstabilisée par la société) .
Cette histoire vraie est absolument émouvante. Nous voici face à nous même -notre histoire, celle des autres- et face à cette "société-système" campée sur le droit, les lois. Heureusement, notre humanité peut encore parler, parfois dans l'urgence.
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L'histoire est dingue : un homme découvre via une webcam qu'une femme vit dans sa maison quand il part au travail. Adapté d'un roman d'Eric Faye, qui lui-même s'était inspiré d'une affaire qui avait défrayé la chronique au Japon, Nagasaki met en image la solitude. Un homme seul avec sa routine & ses habitudes face à cette femme qui a peur du regard des autres et s'est exclue volontairement de la société. Deux êtres vivant sous le même toit. Ils avaient tout pour s'entendre poliment. Deux colocataires. Seulement l'homme ne sait rien de cette intruse et cette découverte viole son intimité. Elle qui souhaitait juste survivre dans son coin va faire la une des médias pour son acte. Un roman graphique aux couleurs apaisées, aux lignes droites pour un acte défiant toute limite. Agnès Hostache s'empare du sujet avec sagesse, livre un message d'amour & politique. le monde se remplit d'humains à un rythme effréné mais la solitude n'a jamais été aussi présente.
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Tout en pudeur et en délicatesse, ce roman graphique raconte comment deux vies, deux êtres que rien ne devrait lier, peuvent partager la même solitude, le même toit, sans jamais se croiser, et lorsque l'occasion leur en est donnée, peut-être sans jamais se comprendre . Cette histoire, incroyable et en même temps tellement représentative de notre monde, ne laisse pas indifférent ; en refermant ce livre on ne peut que s'interroger sur notre rapport à l'autre, à celui que l'on croise sans le regarder. La subtilité des sentiments qui animent les deux personnages, et la façon dont ils sont transposés à travers le texte et le dessin, est remarquable, et laisse une grande place et une grande liberté d'interprétation au lecteur. A lire, et à méditer, sans hésiter.
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Super ! On ne lâchera pas. Ce manga qui n'est pas écrit par un Japonais mais par une française (on dirait). L'histoire est incroyable : écrite d'abord par Éric Faye et Grand prix du Roman de l'Académie Française 2010. Je regrette que la fin soit un peu abrupte - mais je me suis fait une fin à mon usage personnel qui me convient mieux et chacun peut en faire autant.
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Je ne connaissais pas du tout le thème de ce roman graphique, avant de me plonger d'une traite dans cette lecture qu'on ne peut pas lâcher une fois démarrée. Il narre un fait divers au Japon.
Le lecteur suit le quotidien bien réglé, sans vague, un peu terne, mais sécurisant d'un fonctionnaire, à la vie bien banale. Lorsqu'il soupçonne que chez lui, des éléments ont bougé ou ont disparu débute une nouvelle étape. Est-il devenu paranoïaque ? ou bien ses craintes et impressions sont-elles fondées ?
Dans cet ouvrage, j'ai apprécié le traitement graphique, tout en couleurs pastel, avec un style rappelant la délicatesse japonaise. J'ai aussi apprécié le texte tout en subtilité et en profondeur, qui permet de comprendre et de rentrer dans l'intimité des personnages.
J'ai trouvé poétique le traitement psychologique des deux personnalités phares de l'histoire.
Il reste des zones d'ombre, qui ne viennent pourtant pas entamer la frustration du lecteur. Car il plane dans cette histoire une épaisseur que chacun est libre de s'approprier, sans pour autant peser sur les non-dits et tout ce qu'il reste d'inconnu.
Une lecture très appréciée donc.
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E.2027 - Un titre intriguant pour une plongée dans une Bande dessinée envoûtante autour d'une villa moderne et de son histoire.
Une unité d'esprit entre les images, le texte, les personnages, le récit, la composition, les couleurs...tout est captivant !
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J'avais lu le livre "Nagasaki" d'Eric Faye il y a quelques années, et cette BD m'a donné envie de redécouvrir l'histoire, puisque la BD est adaptée du roman.
J'ai été un peu surprise par le graphisme qui peut paraître presque enfantin, mais qui finalement est très sobre et retranscrit bien, je trouve, cet univers très japonais. En revanche, j'avais ressenti plus d'émotions en lisant le roman... Avec l'image, l'histoire est vue sous une autre dimension, et même si l'on se sent dans un univers feutré, je n'ai pas ressenti autant le doute ou la peur du narrateur.
Cette BD permettra peut-être aux lecteurs de découvrir le roman original ou de découvrir un univers et un graphisme original.
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Un roman graphique comme je les aime !
Agnès Hostache transforme un simple fait divers japonais en une histoire intrigante teintée de simplicité et de bienveillance.
Une pause lecture qui fait sourire et qui fait devenir maniaque pour certains ;)
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E.1027 aurait pu être un numéro de vol pour un ailleurs,
Il s'agit d'un entrelacs d'initiales pour désigner une emblématique villa moderne construite en bord de mer, en 1926 sur les hauteurs de Roquebrune.
Une villa qui depuis, inspire le milieu de l'architecture notamment.
Dans cette adaptation du roman de Célia Houdart, tout un monde lointain, la villa E.1027 est interdite d'accès. Des scellés judiciaires ont été posés. Gréco, une femme âgée revient en proximité de la villa comme hantée ou guidée par ses souvenirs. Un matin, elle découvre que les cadenas ont été arrachés.
L'autrice illustratrice et architecte d'intérieur offre un récit graphique aux teintes éclatantes et parfois abstraites ce qui lui confère une atmosphère singulière, telle une rêverie picturale. L'illustratrice propose aussi des pleines pages avec juste du texte qui marque tantôt un début de chapitre, une respiration au récit, une pensée poétique.
Un album graphique singulier et original.
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