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Citations de Akli Tadjer (336)


Les Allemands ont des bombardiers d’une redoutable efficacité, des Stuka. Rien que le nom fait frémir. Quand il pleut trop pour creuser, on réquisitionne des chevaux dans les fermes ou on use les heures à laver notre linge, à jouer aux cartes, au ballon. Certains jouent à la guerre comme des enfants.
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Ce qui abîme autant que la déprime, c’est l’oisiveté, l’ennui, la lassitude. On se sent inutiles. Chaque matin, c’est la routine. Garde-à-vous, lever des couleurs, puis on tire, une paire d’heures, sur des cibles déjà criblées de centaines d’impacts de balles avec nos fusils Lebel, des vieilles pétoires d’avant le déluge, disent les plus vieux d’entre nous.
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La guerre tue les rêves de jeunesse mais pas seulement, elle te mine de l’intérieur, c’est la déprime. Trouver la force de lutter contre elle pour ne pas sombrer dans la folie est une épreuve de chaque instant. Jusqu’à présent, cette force ne m’a jamais fait défaut parce que je veux vivre pour te retrouver.
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On a demandé à couper du bois dans la forêt en lisière de la caserne pour alimenter la chaudière. On nous l’a interdit au prétexte que la fumée des cheminées nous signalerait à l’ennemi. On nous a juste permis d’allumer des braseros dans la cour. C’est à n’y rien comprendre, les Allemands sont à une centaine de kilomètres, derrière la ligne Maginot, cette muraille que les grands chefs à képi nous assurent infranchissables.
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Il y a de tout dans ce régiment, des Marocains, des Tunisiens, des gens de chez nous et d’autres hommes venus du monde entier, des Noirs d’Afrique et des Antilles, des Indochinois, des Malgaches et des Français, une centaine pas plus, anciens repris de justice. Nous sommes tous semblables par le destin qui nous a réunis dans cette caserne triste comme une nuit sans lendemain, pourtant nous ne nous mélangeons pas. La culture, l’histoire, la langue sont autant d’obstacles qui nous sont insurmontables. Certains ne parlent que le créole ou un patois français incompréhensible, qui nous obligent à communiquer avec eux par gestes de muet.
Depuis mon arrivée en Lorraine, le ciel ne cesse de pleurer. Et ça caille ; c’est une expression d’ici pour dire qu’il fait très froid.
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La France. Pour Zina, elle se résumait à Paris, sa capitale. Elle y voyait ses magasins de couture, ses coiffeurs pour dames, ses grands boulevards avec ses restaurants où l’on vous servait des plats aux noms exotiques – bœuf bourguignon, sole meunière, paupiettes de veau. Elle y voyait ses librairies et ses écrivains qui nous donnent à rêver, à voyager, à réfléchir, à espérer.
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— Adam Aït Amar, donc. Tu comprends le français ? Tu sais lire, écrire ?
J’ai gardé le silence.
Il n’a pas insisté et a enchaîné en sabir. Ce langage de colon, mélange de français, d’arabe, de kabyle auquel s’ajoutait de l’espagnol, de l’italien ou du maltais, c’était selon.
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Zina, ma douce épouse de quelques instants, sauras-tu me pardonner un jour de t’avoir fait croire que rien ne saurait arrêter notre amour ?
Sauras-tu me pardonner un jour de tout le mal que je t’ai fait ?
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Ainsi, « akham » s’employait pour désigner aussi bien une maison, un chalet, une masure. Quand l’électricité, l’automobile, le chemin de fer, le téléphone ont pénétré nos contrées, nous n’avions pas d’équivalence pour traduire ces mots de la modernité française. Nous les avons bricolés à notre sauce. « Tricité », « taumobile », « chimin di fer », « tilifon » et d’autres mots tout aussi risibles à prononcer ont fait leur apparition dans nos conversations. Force était de constater que ce nouveau vocabulaire nous renvoyait à notre ignorance, à notre archaïsme, à notre médiocrité.
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Comme elle me souriait, je suis passé de ses yeux à sa bouche. Comme elle me prenait la main, j’ai déposé d’autres baisers sur sa bouche, sur son nez, sur son cou. Comme elle était lascive, ma main s’est aventurée entre ses cuisses. Elle l’a repoussée, gentiment. Elle refusait de faire la chose à la sauvette, dans cette grotte, comme si nous étions des gens de la préhistoire. Elle voulait que nous la fassions une fois notre union célébrée par un homme de religion.
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Elle avait peur que son père, son frère, les hommes de main du caïd El Hachemi fassent irruption à tout moment pour briser ce bonheur qu’elle n’espérait pas vivre un jour. Puis elle a fait table rase de cette sombre perspective et a dit qu’elle se sentait légère comme les cigognes venues du bout du monde qui traçaient des arabesques dans les ciels de notre enfance avant de repartir par la mer, nous laissant prisonniers de notre terre, de nos liens familiaux, de nos coutumes ancestrales.
 
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Avoir vingt ans, ça n’existe pas chez nous. Je suis vieux de toutes les humiliations dont j’ai souffert depuis l’enfance.
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À lui, le Français à qui je devais de savoir compter, lire, écrire, à lui qui m’avait offert mon premier cahier de classe, à lui qui m’avait fait aimer les enquêtes du commissaire Maigret que je dévorais sans compter mes heures, à M. Grandjean, je ne pouvais mentir. Je lui ai confié que je partais pour ne pas me soumettre. J’ai parlé de ma mère emportée par le typhus sans que j’aie pu la soigner parce que je n’avais pas assez d’argent.
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 Il faut du caractère pour dire non à la guerre, mais il te faudra davantage de courage pour affronter les épreuves à venir. Si je ne suis plus de ce monde à ton retour, ta maison, elle, sera toujours là à attendre son maître. Qu’Allah le clément et miséricordieux et Mohammed ,notre prophète, que le salut soit sur lui, éclairent tes pas, Adam.
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Imaginer Zina déflorée par le fils du caïd El Hachemi la nuit de noces, imaginer Zina liée à cette famille de féodaux, imaginer Zina sans moi m’était insupportable. J’ai pris son visage entre mes mains et j’ai juré qu’elle ne serait jamais son épouse.
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Le regard halluciné, il imitait le bruit des bombes explosant çà et là puis il se perdait dans un charabia dans lequel se mêlaient des mots d’allemand, de kabyle, d’arabe, de français. Quand il n’avait plus de voix, il ânonnait le nom de son sergent et ceux de ses frères d’arme morts au champ d’horreur.
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Le vétérinaire qui ne tenait pas à parler le sabir avec elle avait insisté pour que je sois présent.
Elle s’était résignée.
Pour la première fois, j’avais vu le corps nu de mon père. Sa peau était grise, flétrie, gaufrée du tibia à la cuisse. Son torse était si desséché que je pouvais compter ses côtes. J’avais honte de le penser mais égoïstement, à ce moment-là, j’avais espéré qu’il meure pour qu’il ne souffre plus et que nous soyons délivrés de ses accès de démence qui nous terrifiaient.
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Elle m’a renvoyé un regard lourd de mépris avant de faire demi-tour. À peine franchi le portail, elle a fouillé dans son portefeuille enfoui sous sa robe, et elle est revenue sur ses pas. Elle m’a tendu une enveloppe bistre frappée de l’oriflamme tricolore que lui avait donnée le facteur, la semaine dernière, pendant que j’étais à El Kseur où j’achetais du matériel de construction. Elle avait oublié de me la remettre parce qu’elle n’avait plus toute sa tête, s’est-elle justifiée.
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Nous étions nés, avions grandi, fait les quatre cents coups ensemble. Il était le grand frère que je n’avais pas eu. Sa famille, la plus pauvre de Bousoulem, vivait dans un taudis de gravats et de tôles.
La raison de cette infortune ?
Personne ne voulait embaucher son père, pas même pour garder des chèvres. On le disait envoûté par la maladie du Sheitan. Il vous parlait et soudain il était pris de transes, se roulait à vos pieds les yeux révulsés, la bave aux coins des lèvres et la bouche de travers, poussait des râles d’agonisant.
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On encourait la cravache pour vol, état d’ivresse, dégradation de biens publics. Pour l’adultère, le viol, l’attentat à la pudeur, c’était la peine la plus infamante qui soit chez nous : le bannissement du village à vie. S’agissant des crimes de sang ou des différends avec les roumis, seuls les juges du tribunal étaient compétents pour sévir.
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