Alex Bévimo

Les sonates de Mozart sont connues pour être parmi les plus difficiles à jouer, notamment celle-ci, parce qu’elle offre un panel impressionnant de techniques, des alternances de rythmes, des changements de doigtés et de vitesses… C’est exactement ce dont j’ai besoin pour me vider la tête, mes doigts ne frôlent plus les touches, ils les martèlent et mon corps tout entier ondule au rythme des changements d’accord et de puissance. Sans relâche, je mets mes dernières forces dans ma musique, jusqu’à tomber de fatigue.
En ce vendredi matin, j’ai droit à un réveil qui colle parfaitement avec le reste de ma semaine. Des rayons de soleil traversent la baie vitrée pour atterrir directement sur mes pauvres yeux. En grimaçant, je jette un coup d’œil à l’horloge accrochée au mur, il est à peine sept heures du matin, je laisse retomber ma tête sur l’accoudoir et m’accorde encore quelques minutes avant de bouger. Je crois que je me suis un peu laissée emporter cette nuit, j’ai joué jusqu’à quatre heures du matin, mes bras tremblaient quand je me suis affalée sur le canapé à côté du piano, je n’avais même plus la force de remonter jusque dans ma chambre.

On peut dire ce qu’on veut sur Dave Jones, il a quelques défauts et niveau famille il est loin d’être au top, mais quand il s’agit de savoir si quelqu’un ment, il n’y a pas meilleur que lui, c’est un requin dans son domaine, il faut bien le lui accorder. Finalement, il reporte son attention sur Liam :

Ma réflexion est interrompue par un nouveau message, je me redresse et passe mon bras par-dessus Liam pour réussir à attraper mon téléphone posé sur la table de nuit à côté de lui, tout en lâchant un flot d’injures, ce qui le fait sourire et ouvrir les yeux.
— C’est la première fois qu’on se réveille ensemble et j’adore ça, t’es un mélange de douceur et de délicatesse, c’est génial.
— Si tu veux un truc doux et délicat achète-toi un putain de lapin !

Ses mains passent de chaque côté de mon corps pour aller s’appuyer sur le rebord du plan de travail derrière moi, il se penche légèrement et sa bouche se retrouve à quelques centimètres à peine de la mienne. Je sens que je rougis face à sa fossette et surtout, face à cette proximité. Mon cœur s’emballe, j’ai terriblement chaud tout à coup. Nos regards s’aimantent et pendant quelques instants, j’oublie où et qui nous sommes.

Je viens vraiment de faire un genre de rêve érotique dans lequel Liam jouait le premier rôle ? En même temps, le fait qu’il ne dise quasiment rien aurait dû me mettre la puce à l’oreille, ça ne pouvait être qu’un rêve, enfin un cauchemar… Enfin un rêve parce qu’il ne parlait pas, mais un cauchemar parce que… Enfin bref, on va éviter les siestes en plein soleil, visiblement ça ne me réussit pas !

Je me secoue mentalement, avant de passer à la seule autre fille de mon âge dans ce jardin, elle se tient justement à côté de lui, Gina la junkie. Une camarade de classe à moi, avec qui je m’entends « moyen bof », elle incarne à la perfection tous les clichés de la poupée Barbie grandeur nature, quoique plus vulgaire et beaucoup plus peroxydée.
Du moins c’est mon avis…

Certaines personnes n’aiment pas avoir un public, moi ça ne me dérange pas, j’ai déjà fait des dizaines et des dizaines de récitals au piano, alors ce n’est pas gratter quelques notes sur une guitare devant Liam Evans qui va me faire flipper. Je me lance donc avec Hotel California, de The Eagles.Simple et efficace.

Ça fait maintenant trois ans qu’ils sont ensemble, pas de mariage en vue, je crois qu’aucun d’eux n’a envie de retenter sa chance avec ce contrat archaïque ! Mais au bout d’un an de relation, ils ont décidé d’acheter une maison ensemble, un endroit neutre pour tous les cinq.

Oui, je sais, c’est moche de mentir à une petite fille… Enfin, de mentir tout court, mais en même temps je ne me voyais pas lui dire que j’étais en train de baver devant son grand frère, alors que je n’arrête pas de raconter à tout le monde que j’ai envie de l’étrangler.

Certains prennent de la coke, moi ma drogue c’est la musique, j’ai toutes mes playlists sur mon téléphone, on y trouve de tout, du classique au hard rock en passant par de la pop et évidemment, j’ai toutes les chansons Disney, j’assume à deux cent pour cent !