puisque lucas était à l’école et betty
en congé,
je me suis laissée pleurer devant la télé. le temps passe mais
il m’arrive encore de me sentir humiliée
je profite alors de cet état pour prendre une photo dans ma tête. dans quelques temps
je regarderai cette image et
elle me rendra triste
car elle me rappellera qui je suis réellement
et le fait de ne pas avoir d’autre option que d’être moi-même et
de devoir continuer à vivre malgré tout.
le soleil levant
est un minuscule spectacle de temps, de beauté un océan
qui bientôt redevient ce que ciel que l’on connaît
bien mais au seuil du ciel
du matin, les premiers rayons dans les sillons de la lune,
c’est pour eux qu’il faut garder les yeux
ouverts, ils nous enseignent un courage jamais vu ailleurs. la
guerre
la mort
la violence tout cela se passe mais le soleil se lève par-dessus tout
cela sans se soucier de savoir qui est mort
hier.
je ne lui avais pas dit
pour
la nuit
où Pedro était venu
chez moi,
je
n’ai pas réussi à le dire
(à personne.)
- et le cri ?
- quel cri ?
- monsieur luis m’a dit qu’il y avait eu un cri quand carla est morte
- ah, le cri, je ne sais pas, peut-être
qu’il est resté
- où, dans le mur ?
- oui, dans le mur.
- et carla elle est restée où alors ?
ma mère m’a dit que carla
demeure morte en dessous de la terre que c’est
la maison des morts mais que le ciel
aussi, mais le ciel
garde le vivant de la personne, cette chose qui
ne meurt jamais, ce n’est pas ce qui nous manque de la personne
non, le manque c’est de l’amour et il appartient aux vivants,
je parle de cette chose vivante qui reste dans les morts,
et que ma mère appelle :
- l’âme.
pleins de clés et de règles
sur le comportement à adopter dans un
ascenseur
alors que de la fenêtre on voit dans la rue
un groupe de gens vautrés dans des poubelles qui leur font office
de lits, ils mangent
des papiers
pour avoir la sensation de mastiquer autre chose que la faim et
meurent de peur et
d’abandon
à l’intérieur des immeubles rien ne
témoigne de l’existence de ces personnes, puisque personne
ne s’exprime sur les ordures devant la porte ou sur les
gens malades,
dans un coin près de la boutique
un gigantesque chien noir
me fixait du regard, j’ai d’abord cru que c’était un
cochon
il avait dans les yeux
les stigmates de l’abandon, et des plaies ouvertes
répandues sur tout le corps, certaines plus fraîches
que d’autres.
malgré tout c’était un chien silencieux dans sa douleur
et qui ne semblait pas
si
triste au-delà de cette douleur.
adulte au marché
j’aimais palper les Fruits
chacun avec son propre poids, son propre
parfum, quand om me laissait faire je croquais directement dans la
mangue
encore crasse,
les tons jaunes des ananas et des
bananes étaint tellement jaunes parmi
les autres, le rouge
des pommes, le rouge
des tomates me faisait de moins en moins
Peur
= je vais t'appeler Courant d'air.
ai=je dit,
en ouvrant
la voiture
par la porte
arrière.
Courant d'air s'y engouffra,
prenant toute la place sur la banquette.
je payais l'essence un sourire aux lèvres.
- vous emmenez vraiment l'animal, madame ? demanda
le pompiste.
de la tête je fis signe que oui.
une fois à la maison j'ai dit à Courant d'air
- on est arrivés.
il tendit l'oreille
et donna un coup de queue
dans le vase
qui s'explosa sur terre.
- laisse, je vais nettoyer.
pour
la nuit
où Pedro était venu
chez moi,
je
n’ai pas réussi à le dire
(à personne.)