- Les mots n'appartiennent pas aux médous, ils sont à tout le monde. Se méfier des mots, c'est se méfier de l'humanité.
- Et accepter leurs pouvoirs, c'est accepter nos limites.
-Le temps! répéta-t-il en se tournant vers la mer d'un air songeur. Il est si mystérieux! On pourrait croire que grâce à des machines comme celle de Herbert, on arrive à le dominer, mais c'est faux. C'est lui qui commande! On ne peut échapper à ses pièges, on est des jouets entre ses mains!
- Je voulais te donner ça, lui dit l'homme.
Il avait enfin trouvé ce qu'il cherchait et lui tendait un paquet enveloppé de chiffons. Martin le prit et extirpa des tissus miteux un objet rectangulaire, lourd et rêche au toucher. Il le regarda avec répugnance.
- C'est un livre de papier ! s'exclama-t-il, incapable de se contenir. Pourquoi me le donnez-vous ? Je n'en veux pas ! Vous ne savez donc pas qu'ils sont interdits ?
- Tu n'aimes pas lire ? demande l'inconnu en haussant les sourcils
- Bien sûr que si ! C'est même ce que je préfère au monde.
...
Quel genre de société punissait ses membres les plus respectables et les plus doués pour récompenser la stupidité et la lâcheté? Cela lui échappait. Pour lui, le monde était sous l'emprise d'une violence absurde et gratuite. Voilà pourquoi plus rien ne le surprenait.
Malgré son statut de chercheuse émérite dans le domaine de la génétique marine, elle n’avait pas exercé depuis des années. Elle subvenait aux besoins de sa famille en traduisant de l’anglais et en écrivant des scénarios de jeux de rôles. C’était une activité assez lucrative, mais elle aurait préféré retravailler dans sa spécialité... Toutefois, ce n’était pas le pire. Pour son plus grand malheur, cela faisait sept ans qu’elle n’avait pas vu son mari, détenu dans l’une des prisons interétatiques qui tournaient en orbite autour de la Terre. Elle ne savait même pas au juste où il se trouvait ni combien de temps durerait sa peine... Vivre dans l’ignorance avait aigri Sophia Lem.
Il avait toujours rêvé d’en voir et de gagner une entrée pour visiter l’aéroport de la capitale de l’Europe dans l’un des tirages au sort que les grandes corporations organisaient pour les étudiants ! Son souhait avait été exaucé au-delà de toutes ses espérances. À présent, il se trouvait dans les jardins d’embarquement réservés aux voyageurs munis d’une invitation ou d’un passeport spécial, prêt à s’envoler avec l’élite de la société pour assister à un spectacle qu’aucun de ses proches n’avait jamais vu. Il n’osait pas y croire. C’était pourtant la réalité.
Au début, le goût piquant des crabes leur fit échanger des regards soucieux, mais ils s’y habituèrent vite et prirent plaisir à détacher la chair savoureuse des carapaces. Sélène, en particulier, paraissait adorer ce mets exotique : elle mordillait les pattes avec une concentration franchement comique et ne les reposait dans son assiette qu’après en avoir extrait tout le jus.
Cet inconnu trouvait normal qu’on ne puisse pas lui implanter de dispositif neural d’émission et de réception des données alors que tout le monde en avait un. De même qu’il était on ne peut plus normal d’être condamné à dépendre des ordinateurs externes, de son cahier électronique, par exemple, à une époque où plus personne ne les utilisait.
La prédiction du vieillard s’était réalisée. Il avait eu un rêve, un rêve « fabriqué » ou tout au moins suggéré par le roman qu’il venait de lire. C’était un songe très bizarre, d’une précision singulière. Il s’était soudain retrouvé au cœur d’une vieille forêt, au milieu d’arbres centenaires et de ruines d’anciens temples de style oriental.
Malgré tout, dans de nombreux cercles spécialisés, le bruit a couru que nous élaborions une machine à remonter le temps. Aujourd’hui, plus personne n’en parle parce que tous ont cru à un échec. Il y a encore quelques minutes, je le croyais moi aussi, jusqu’à ce que vous m’interrogiez sur la clé du temps.