La vie n'a de sens qu'en elle-même.
Sa beauté est un coup d'aile sur la paille du fleuve
un chant qui saigne au bord de quelques nuits
et retourne au miroir.
Les couleurs et les parfums de ses chemins allaient enfin me permettre de comprendre ce qu'on n'a jamais compris de lui : la vérité de sa mélancolie. Si je faisais correspondre à chacune de ses années une semaine de ma vie à moi, même son souffle deviendrait le mien. Savoir est donné à tous ; sentir, non.
C'est drôle, les désastres de la mémoire. On se promène avec une musique en tête pendant des mois, mais on a tout perdu des couleurs et du parfum d'alors. On a beau se dire que ce temps avait ses droits, le déclic ne se produit plus. Et puis un matin, le mal, le bien, tout est là, à partir d'un détail.
Malgré le danger, plus sensible ici que nulle part, les odeurs, les tissus, les entrelacs de la pierre parlaient d'un ailleurs fascinant et rebelle. Sortie de la mer avec des morceaux d'Orient accrochés à sa robe, enrichie de butins parfois inavouables, Venise continuait à rêver de l'ennemi.
Le capharnaüm où je vis, tour à tour me hérisse et m'enchante ; il y circule un défaut de sens analogue à celui qui m'habite. Je ne suis guidé par aucune certitude. Pourquoi ceci plutôt que cela, je m'étonne toujours qu'on puisse répondre à cette question.
Combien de temps pour faire un homme, quel miracle que deux s'accordent !
Chez un poète, les visages et le timbre des voix se perdent vite ; mais ils reviennent, inattendus, en rêve, c'est là le meilleur.
Personne n'a dit avec une telle détresse l'enivrement de l'âme qui passe dans une autre et en revient brisée.