Ce livre, pour lequel je dois remercier l'éditeur et Masse Critique, est en fait double.
Sont réunis ici Dévoration, puis Torquato, deux récits très différents mais liés par un fil ténu.
Le premier est l'histoire, épistolaire, d'un fils et de son père. Ce dernier est un ancien nazi, collaborateur belge officiellement mort mais réfugié en Normandie avec une jeune nazillonne. Son fils, qui a fréquenté les meilleurs universités s'est tourné au désespoir de son géniteur vers l'histoire de l'art et aimerait bien tout avouer, ne plus revoir ce monstre, dévorateur (en référence au tableau de Goya où Saturne dévore ses enfants pour n'avoir pas à lutter contre eux). Il vivote en travaillant pour son compagnon dans une galerie d'art.
Tout se passe en trois jours et deux lettres qui disent tout.
Le second récit est celui d'une rencontre entre un homme de culture, ayant travaillé jeune sur
Le Tasse qui lors de sa mise de côté ("pré retraite") en profite pour suivre le trajet de vie de l'auteur italien de la mythique Jérusalem Délivrée. Rejetée comme lui, par une société complexe et politique, pleine de trahisons et de complot, mais aussi par un père compliqué (seul lien entre les deux romans), Torquato Tasse erre en Italie recherchant de quoi vivre et un protecteur... Pourchassé par l"inquisition, jugé fou, mis au ban par l'inquisition pour de sombre raisons politiques, son destin n'est pas brillant et sa Jérusalem lui aura couté sa vie.
Notre narrateur suis ce trajet en voiture, retraçant pour nous la vie de l'auteur.
Mélange entre introspection, exploration historique, érudition déguisée, Torquato est un voyage discret qui permet d'aborder sous un angle différent cet immense auteur classique. Hervé Sempoux pousse jusqu'à faire se rencontrer le médiéval et le moderne dans une sorte de songe, mi-réel mi-fantastique...
Deux romans donc, à l'écriture sobre, très simple, qui cache une grande documentation mais dont le rythme n'est pas folichon. J'ai bien aimé Torquato, pour le côté historique de la chose, alors que j'ai moins aimé le truc freudien rejet du père je deviens homo. Point de poésie là dedans, une lecture facile mais pas enivrante.
Une lecture nous est proposée à la fin du livre par
Ginette Michaux, qui éclaire un peu, donne des clés, mais ne m'a pas fait fondamentalement changé d'avis sur ces deux romans.