Citations de Anne Terral (36)
Serrez-moi dans votre main, rangez-moi dans votre sac, pliez-moi au creux de votre valise.
J’irai partout où vous irez et je me tairai
et vous ne saurez même pas que je suis là.
Oubliez-moi vite.
Je jouais déjà avec le feu et le feu m’avait brûlée mais je savais qu’il y avait pire que le feu alors je continuais à jouer. Et je me moquais bien de tout. Feu à volonté, feu à volonté, je répétais.
Une femme comme vous doit voyager et voir du pays. Une femme comme vous doit voir ce que d’autres ne voient pas. Une femme comme vous doit dépasser les limites, les limites du domaine mais aussi les limites du monde.
Mais il faudra bien un jour cesser la mascarade et ôter ce costume qui me fait muette autant que paralysée. Il faudra bien un jour arrêter le spectacle, désobéir au destin tout tracé.
Finalement, est-ce que les garçons trop gentils ne sont pas les pires garçons qui soient?
Oui, c'était cela. Pour la première fois, il pressait entre ses doigts la pulpe de mon estomac, mais aussi celle de mon âme et de ma chair tout entière, alors même que rien n'était annoncé.
Lorsqu’on veut bien croire au rythme du monde, il est inutile de chercher à modifier ou à freiner ce qui pourrait être l’indice d’un changement. C’est comme vieillir. On ne peut pas y échapper. Rien ne sert de vouloir reculer ce qui, de manière irrémédiable, surviendra, qu’on le souhaite ou non.
Courir, je sais ce que c’est. On devine rarement ce qui peut surgir au détour d’un chemin, qui peut nous emboîter le pas, nous suivre et nous poursuivre, j’ai appris ça par le passé, vous comprenez. Ne pas se fier aux apparences. On ne sait jamais et jamais rien.
Et puis, au bout de quelque mois, il y a eu ce soudain mercredi.
Ce jour là, je n'avais rien demandé. Rien demandé, vraiment. Et pourtant. Le banc dehors, toujours. Le gris dedans, aussi.
...
Et pourtant.
Ce jour là, il y a eu un bouleversement de l'ordre des choses.
- Ce travail fait ma gloire et l'honneur mon seul bonheur. Puisse le monde comprendre mon oeuvre et tout l'amour que j'ai placé au coeur de chacune de ces merveilleuses pierres...
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Chacun songe à sa vie qui défile, à son amour, au repas du soir à préparer, aux leçons à faire réciter, chacun se bat avec ses soucis ou se détend avant l’arrivée. Le roulis berce et hypnotise. On tente de ne pas s’endormir, de rester vigilant, la fin du voyage est proche. Certaines se brossent les cheveux et se remaquillent ou se parfument en s’observant dans un miroir de poche. Tandis que d’autres lisent une lettre qu’elles n’ont pas eu le temps, le matin même, de décacheter.
Le temps s’effiloche, les saisons ne sont qu’une et je sens se barder ma conscience d’une écorce dont l’épaisseur se fait chaque jour plus importante. Bientôt, pas même un coup de hache ne pourra l’entailler.
Entre toutes les beautés qui s’exposent à leur regard, quel détail emporteront-elles avec elles ? Quelle richesse, parmi toutes les richesses dont leur a si souvent parlé leur famille au cours de ces récits que, depuis toujours, font grand-mères, mères, tantes et cousines à l’heure du coucher des petites filles, quelle richesse retiendra leur attention ? Dire qu’elles ont toutes attendu près de vingt ans pour que s’incarnent ce soir ces rêves de manoir qui ont empli chacune de leurs nuits et débordent aujourd’hui.
La neige n’a pas de voix ni d’oreilles, la neige comble, la neige couvre, la neige efface et dissimule. La neige n’est pas curieuse. La neige se tait.
...j’ignorais ce qu’était exactement une « intendante ». Mais le terme m’avait séduite. Il évoquait ces femmes qui régissent le monde à leur idée et le prennent en mains. Des mains qui vont vite, des mains qui arrêtent ou autorisent, des mains qui dirigent et caressent, des mains qui décident des choses de la vie. Je voulais moi aussi posséder de telles mains pour modeler enfin la matière première de mon existence.
En rentrant chez moi à la fin de la journée, j'ai le coeur qui bat vraiment plus vite, je me sens en colère, je claque la porte de ma chambre, et je voudrais disparaître sous mon lit avec tous mes trucs et mes machins, et je voudrais oublier Simon, ce trop gentil-gentil garçon!