L'enfance saisie par le prisme d'une caméra n'est-elle qu'une succession de clichés ? L'essayiste Carole Desbarats et l'écrivaine Anne Terral détaillent d'autres visions de l'enfance, portées par des cinéastes soucieux de proposer des représentations sincères de ce premier âge de la vie.
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Entends-tu rire l'océan sous les chatouilles des bateaux?
Souvent, lorsqu'un après-midi se fait plus silencieux qu'un autre, j'ai la sensation que tout cela n'est qu'un mauvais rêve. Un mauvais rêve que je pourrais effacer en fermant simplement les yeux, comme un rideau de scène descend sur le dernier acte d'une tragédie (et les comédiens sourient aussitôt face au public reconnaissant, innocent de chaque mot prononcé, de chaque geste accompli durant la représentation). J'ai même le sentiment que tu ne vas pas tarder a venir me chercher a la sortie du théâtre et que notre vie d'avant va reprendre exactement la ou elle s'est arrêtée. Une illusion qui ne dure jamais trop longtemps.
Il fallait commencer de vivre. Du moins commencer d’oublier le désastre d’une vie qui n’en était plus une. Je savais que je ne pourrais le faire dans le monde ordinaire. Il me fallait trouver un paysage adapté aux circonstances, à celles de mon esprit en mal de rien. Quelque chose de plus fort que mon seul désarroi m’avait alors poussée à répondre à cette annonce. Comme si on m’avait désignée pour accomplir une mission dont j’ignorais encore la teneur.
J'ai chaud, les jambes en chamallow, avec les yeux qui tournicotent (ah, si je pouvais en avoir deux autres sur les côtés et puis trois derrière la tête!). Ma main gauche picote, ma main droite est toute moite. Pourvu que je ne rencontre pas cet ami de papa, le barbu à lunettes, qui me serre toujours la main pour me dire bonjour "comme à une grande", il dit "parce qu'elle est bien grande, cette petite", il ajoute.
Réussi à sortir (sortir d’où, sortir de là, de lui, de moi), à m’en sortir, à me faire la belle, la belle vie, je ne sais pas dire ça en termes comme il faut, mais j’ai réussi. Longtemps on pense qu’on n’en sera jamais capable, on pense que seule une force inouïe dont le destin a oublié de nous gratifier le jour de notre naissance pourra nous aider à échapper à ça, on pense que le courage, il est pour tous les autres sauf pour nous. Et puis, tout à coup, il y a ce quelqu’un.
Sans vous, ma vie est un ravin.
Ravin pris de vertige, ravin dont les parois se fuient.
Et ces parois sans vous,
sur lesquelles glisse votre absence,
ne permettent en rien aux minutes qui passent de conserver leur rythme ordinaire.
Heures plus qu’insurmontables.
Ça se dérobe là.
Nous n’avions pas fait les difficiles, nous avions peut-être déjà renoncé. Aux heures passionnées et confiantes ont succédé des échanges quotidiens plus tumultueux. Les disputes, nombreuses, viennent obscurcir les soirées passées dans notre appartement où je reste de longues journées à étudier la littérature française. Et j’assiste, souvent désemparée, aux crises de mauvaise humeur de celui qui se révèle têtu, coléreux et irritable. Car je suis, selon lui, trop vive, peut-être trop vivante, tandis que je le découvre sombre, mélancolique, perfectionniste à l’extrême, peut-être à côté de la vie. Nous ne nous ressemblons pas autant que nous le pensions. Et nous commençons à souffrir de déjà mal nous aimer, nous découvrant à nu, affrontant notre soudaine réalité.
Je prends goût à la vie qui est désormais mienne. Sous la pluie, il faudrait aussi pouvoir courir entièrement nue. Se défaire des liens, des regrets, des nostalgies qui poussent comme du chiendent. Il faudrait aussi pouvoir briser d’un entrechat l’armure qui nous contient.
Mais à ces catastrophes, on n’y croit jamais vraiment, on se dit toujours qu’elles ne sont pas pour nous, qu’elles n’arriveront qu’aux autres, nous serons épargnés, et on regarde la télévision avec une peine mêlée de pitié, de compassion aussi.
Avec cette culpabilité de subir sans rien dire, cette hantise d’aller me révéler, dénoncer, raconter ce qui n’est plus vivable, les accès inexpliqués, la terreur rivée en moi jusqu’à me rendre incapable de pleurer, même sous les coups, jusqu’au choc de la porte qui claque, la fissure au plafond de la chambre s’aggrave sous l’effet de ce choc et lorsqu’il rentrait de son travail, mon mari, en pestant pour une raison que j’ignorais encore mais que je ne tardais jamais à connaître, je me demandais à quelle sauce j’allais bien pouvoir être mangée ce soir-là. Et je savais que les heures suivantes seraient les pires. Seul son sommeil pourrait m’en délivrer.