Churchill, un point sur une carte, devenu point de fuite de toute les perspectives, point continuellement en ligne de mire, devenant obsession, puis destination.
Un magnifique récit intime, sur l’enfance et ses rêves, sur l’impossible fidélité qu’on leur doit et sur le monde qui n’ambitionne que de les piétiner.
Après avoir tant attendu ce voyage, au point d’en avoir perdu le goût et le sens, le narrateur se voit coincé là-bas à attendre de pouvoir rentrer chez lui.
c’est un récit initiatique aux multiples facettes, tant intimes que politiques, géographiques qu’historiques.
Avec beaucoup d’humour et d’érudition (sans nullement en faire étalage) le narrateur nous conte son enfance, sa passion des cartes, puis son obsession pour Churchill, petite bourgade de l’extrème nord du Canada, dans la région de Manitoba, petit point sur une carte. Il nous raconte alors son voyage jusque là-bas, l’histoire du lieu, son passé criminel, sa géographie, son présent tout aussi peu reluisant. Son travail d’écriture, de recherches. Ce lieu peut il être objet de littérature ?
Il nous parle aussi de ses désillusions à lui, ses doutes, ses regrets et ses déceptions. Sa mutation également, passant du doux rêveur un peu naïf (qu’il me pardonne) à l’observateur lucide du monde et de ses sombres desseins. Vous y apprendrez par exemple à connaître les Dénés Sayisi, «autochtones» déplacés pour les besoins économiques du colon, jouant encore et toujours la même partition coloniale, qu’on l’interprète sur n’importe quelle partie du globe.
L’écriture de Anthony Poiraudeau est subtil et délicate, efficace jusque dans son économie. Un livre court mais paradoxalement dense, ou vous croiserez Glenn Gould et Julien Gracq.Une belle réussite aux décidément audacieuses Éditions Inculte.
Je n’ai pas encore lu le précédent roman de l’auteur, Projet El Pocero, mais je compte bien réparé cette faute de goût prochainement.
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