Citations de Antonio Gramsci (57)
Le pessimisme de la raison oblige à l'optimisme de la volonté.
Quand tu discutes avec un adversaire, essaie de te glisser dans sa peau. Tu le comprendras mieux et tu finiras peut-être par t'apercevoir qu'il n'a pas tout à fait tort et même qu'il se pourrait bien qu'il ait raison. J'ai suivi quelque temps ce conseil des sages. Mais la peau de mes adversaires était si repoussante que j'en ai tiré la conclusion suivante : il vaut mieux être parfois injuste que de ressentir une nouvelle fois encore un dégoût tel qu'on s'évanouit.
Nous sentons le monde, alors qu'auparavant nous nous contentions de le penser.
Cette lumière que les hommes avaient cru voir irradier depuis l'au-delà, ils comprirent qu'en réalité, elle irradiait depuis leur conscience, de leur volonté, de leurs œuvres même.
Jésus et des millions d'hommes
Cette remarque se rattache à un critère de méthode plus général : il n'est pas « très scientifique » ou plus simplement « très sérieux » de choisir ses adversaires parmi les plus stupides et les plus médiocres ou encore de choisir parmi les opinions de ses adversaires les moins essentielles, les plus occasionnelles et de donner pour certain qu'on a « détruit » « tout entier» l'adversaire parce qu'on a détruit une de ses opinions secondaires ou incidentes, ou qu'on a détruit une idéologie ou une doctrine parce qu on a montré l'insuffisance théorique des champions de troisième ou de quatrième ordre qui la défendent. D'autre part « il faut être juste avec ses adversaires », en ce sens qu'il faut s'efforcer de comprendre ce qu'ils ont réellement voulu dire et ne pas s'arrêter, non sans une certaine malignité, aux significations superficielles et immédiates de leurs expressions. Tout cela bien sûr, si on se propose pour but d'élever le débat et le niveau intellectuel de ses lecteurs, et non pour but immédiat de faire le vide autour de soi, par tous les moyens et de toutes les façons. Il faut se placer du point de vue suivant à savoir que le militant doit discuter et soutenir son propre point de vue au cours de discussions qu'il peut avoir avec des adversaires capables et intelligents et pas seulement avec des interlocuteurs frustes et sans préparation que l'on peut convaincre par la méthode « autoritaire » ou par la émotion ». Il faut pouvoir affirmer et justifier la possibilité de l'erreur, sans pour autant faillir à la conception qu'on défend, car ce qui importe n'est pas tant l'opinion de telle ou telle personnalité, mais cet ensemble d'opinions qui sont devenues collectives, un élément social, une force sociale : ce sont ces dernières qu'il faut réfuter, en s'attaquant aux théoriciens les plus représentatifs qui les exposent, à ceux-là mêmes qui sont les plus dignes de respect en raison de leur haute pensée et même de leur désintéressement immédiat, et sans bien sûr penser qu' on a pour autant « détruit » l'élément social et la force sociale correspondants (ce qui serait du pur rationalisme du genre siècle des Lumières), mais qu'on a seulement contribué : 1. à maintenir et à renforcer dans ses propres rangs l'esprit de distinction et de scission ; 2. à créer le terrain permettant aux siens d'absorber et de vivifier une véritable doctrine originale, correspondant à leurs propres conditions de vie.
Nous nous retrouvons devant le même problème auquel il a été fait allusion un mouvement philosophique est-il à considérer comme tel seulement lorsqu'il s'applique à développer une culture spécialisée, destinée à des groupes restreints d intellectuels ou au contraire n'est-il tel que dans la mesure où, dans le travail d'élaboration d'une pensée supérieure au sens commun et scientifiquement cohérente, il n'oublie jamais de rester en contact avec les « simples » et, bien plus, trouve dans ce contact la source des problèmes à étudier et à résoudre ? Ce n'est que par ce contact qu'une philosophie devient « historique», qu'elle se purifie des éléments intellectualistes de nature individuelle et qu on fait du « vivant ».
Il lui faut se maintenir constamment en état de saisir que ce sont les rapports sociaux qui constituent le monde de l'activité humaine, la praxis, avec ses limites. Il s'agit de comprendre que ce monde a toujours des limites qui sont les limites de la pensée.
Les éléments singuliers de la vérité dont chacun peut être porteur, doivent se synthétiser dans la vérité complexe et être l'expression intégrale de la raison.
Mais l'esprit de l’Évangile n'a pas su se transformer dans la forme moderne de la solidarité et d'une organisation civile désintéressée.
Chaque matin, à me réveiller encore sous la voûte céleste, je sens que c’est pour moi la nouvelle année.
Le vieux monde se meurt, le nouveau est lent à apparaître, et c'est dans ce clair-obscur que surgissent les monstres.
Si tu y réfléchis bien, toutes les questions de l'âme et du paradis et de l'enfer ne sont, au fond, qu'une façon de considérer ce fait élémentaire : chacun de nos actes se transmets chez les autres selon sa valeur, en bien ou en mal, passant de père en fils, d'une génération à l'autre dans un mouvement perpétuel.
A Giuseppina Marcias
J'ai l'impression que les anciennes générations ont renoncé à éduquer les jeunes générations et que ces dernières commettent la même erreur; l'échec retentissant des anciennes générations se reproduit à l'identique dans celle qui semble dominer à présent. Songe un peu à ce que j'ai écrit et réfléchis à la nécessité ou non d'éduquer les éducateurs...
(pp.26-27)
J'ai pensé que tu ne connaissais peut-être pas les lézards : c'est une espèce de crocodiles qui restent petits toute leur vie.
(p.46)
Durant mes premiers mois ici, à Milan, un gardien de prison me demanda ingénument s'il était vrai que, si j'avais tourné casaque, je serais devenu ministre. Je lui répondis en souriant que ministre était un peu trop, mais que j'aurais pu être sous-secrétaire à la poste ou aux travaux publics, vu que de telles charges étaient attribuées aux députés sardes dans les gouvernements. Il haussa les épaules et me demanda pourquoi je n'avais en conséquence pas retourné ma veste, en se touchant le front du doigt. Il avait pris ma réponse au sérieux, et me pensait fou à lier.
(p.22)
L'indifférence opère puissamment à travers l'histoire. Elle opère de manière passive mais elle opère. C'est la fatalité ; c'est ce sur quoi on ne peut pas compter ; c'est ce qui bouleverse les programmes, qui renverse les plans les mieux construits ; c'est la manière brute qui se rebelle contre une intelligence et vient l'étrangler.
à chaque fois qu'affleure, d'une manière ou d'une autre, la question de la langue, cela signifie qu'une série d'autres problèmes est en train de s'imposer : la formation et l'élargissement de la classe dirigeante, la nécessité d'établir des rapports plus intimes entre les groupes dirigeants et la masse populaire-nationale, c'est-à-dire de réorganiser et l'hégémonie culturelle.
Ces négligences, ces compromissions, ces faiblesses, ces petitesses : autant d'avatars de l'indifférence qui appellent autant de réactions : la colère, le courroux, le dépit, la rancune, l'exaspération, le chagrin, la rage.
Deux conditions semblent donc devoir être réunies pour éprouver l'affect de l'indignation : être spectateur (1) d'une injustice (2).
«Je hais les indifférents. Je pense que vivre, c'est résister. Il ne peut y avoir seulement des hommes, des étrangers à la cité. Un homme ne peut vivre véritablement sans être un citoyen et sans résister. L'indifférence, c'est l'aboulie, le parasitisme et la lâcheté, non la vie. C'est pourquoi je hais les indifférents.»