30 janv. 2023
Rencontre en ligne Un endroit où aller du 25/01/2023 avec Arnaud Rozan pour son roman "Mémoires de maisons blanches", paru aux éditions Plon.
Il est interviewé par Nathalie Couderc.
Les Irlandais avaient dû aussi affronter la haine. La haine de ceux qui vous regardent d’un œil malveillant, parce que vous êtes un immigré, pauvre, causant avec un fort accent, et surtout parce que vous êtes catholique. Le Ku Klux Klan les avait longtemps pris pour cible et leur tendait parfois encore des guet-apens. Un bon Américain se devait d’être protestant.
Je suis ailleurs
Je suis d'autres rêves
Je suis une ville blanche
Je suis le temps qui arrondit le ventre
Je suis le temps qui s'accélère
Je suis le vertige
Je suis la glace qui craque
Je suis l'accouchement
Je suis un cri
Et ?
Sous les pierres, les temps se superposent
Je suis entre toutes ces lignes.
Les herbes envahissaient, elles étreignaient la rue, à ce point où on les dit folles. Elles s'enflaient de la houle. Les fleurs étouffaient, seules les orties survivaient. Les ronces rampaient et donnaient chaque jour un peu plus d'épines. Le petit peuple hantant ces alentours avait d'autres soucis que d'entretenir cette terre et de s'y ouvrir des chemins.
L'histoire attend, elle reviendra.
Elle se réincarne ailleurs, dans un autre espace et dans un autre temps. Ce qui être séparé demeure uni. Le passé se détache du corps comme un bras arraché, il dérive ensuite, parfois des siècles, mais il finit par revenir au centre.
Le temps : l'empereur Osei Kwadwo affirme que l'or de son trône s'est dispersé comme des grains de sable et qu'il a le devoir de les rassembler pour résister aux Blancs. Il exige des quantités d'or toujours plus grandes. Mais l'empereur le voudrait-t-il qu'il n'en amasserait jamais assez. Le trône authentique est d'une autre substance, l'or afflue des rivières et son trône ne brille pas plus
Le pouvoir des Blancs est sans limites. N'ont-ils pas franchi l'Océan ? Ils viennent de l'au-delà, ils peuvent prendre beaucoup, ils veulent de l'or, ils veulent de tout, mais ce qu'ils recherchent de plus précieux, ce sont nos corps.
Ils possèdent des lances de feu qu'une poudre noire rend toutes-puissantes.
De l'existence, il me reste désormais toi, Annansi et mes cheveux blanchis par la peur ; elle me consume un peu plus tous les clairs de lune, mon cœur se voile de l'augure funeste du kpanlango.
Dans ma vieillesse, tu es mon seul présent. Si tu pars, je pars avec toi.
Nous mourons une fois pour toutes lorsqu'il n'y a plus personne pour se souvenir de nous.
C'est ainsi qu'il avait commencé lui-même à se défendre de l'eau, en se noyant d'abord, comme son père, comme le père de son père, et comme tous les hommes ici qui tiraient leur substance des fonds.
Sur la lagune, la croûte de sel réverbérait une lumière implacable.
Annan devait apprendre à la traverser.
L'épreuve se renouvela, plusieurs matins.
Depuis le meurtre du Pasteur *, chaque jour, à la tombée de la nuit, les rassemblements virent à l'émeute, les détonations affolent les beaux quartiers de Wilmington. Mais ce soir-là les rues sont éteintes. Les hommes en colère mis à l'épreuve par la mer de neige, aucun ne cherche à braver les lames écrasantes du gel. La rage ne leur tient pas assez chaud.
Le voisin a sonné pour apporter du bois. Il a dit au passage qu'il était ravi du silence revenu. Il remercie le ciel. Il ne supportait plus les explosions, les sirènes hurlant sous son balcon, l'atmosphère de guerre civile. « Cette bonne neige va nous refroidir tout ça. »
Joe n'aime pas l'entendre ainsi jubiler. S'il en avait le pouvoir, ce type rayerait les Noirs de la surface de la terre.
Joe a pris le parti de ne jamais le reprendre, il change de sujet.
* Martin Luther King
Sous le pavé, des entrailles digéraient la férocité d'un âge obscur. Ici avaient marché en file des milliers d'esclaves, enchaînés par fournées depuis l'embouchure de Chesapeake. S'il est un lieu où jamais autant d'hommes n'avaient abordé fers aux pieds, c'était bien celui-ci.