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3.67/5 (sur 30 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Audrey Gloaguen est une réalisatrice et romancière française.

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Bibliographie de Audrey Gloaguen   (1)Voir plus

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Citations et extraits (7) Ajouter une citation
Cheveux gris coupés court et costume impeccable, l’immense homme filiforme contemple les jardins de l’hôtel de Beauvau depuis sa fenêtre, tout en réfléchissant. Derrière lui, trois clones frais émoulus de l’ENA attendent la parole divine, le cul posé sur des fauteuils curules en noyer. À son arrivée au ministère, Zimmerman a aimablement mais fermement demandé à ce qu’on redécore entièrement son bureau. Il a demandé au Mobilier national de changer les canapés rouges Andrée Putman commandés par son prédécesseur et a fait installer des fauteuils Directoire et un bureau Louis XV.
— Les journalistes sont-ils déjà au courant ? interroge Zimmerman.
— Pas encore, monsieur, répond un jeune blond tout en plaquant sa mèche sur le côté. Mais ça ne saurait tarder. Nous sommes à la veille de Noël, les gérants des boutiques sont devant le centre commercial et commencent à s’impatienter.
Deux coups secs contre la porte, un homme pressé entre.
— Ah ! lance Zimmerman. Installez-vous, je vous prie. Comme disait le grand Charles, c’est la chienlit ici.
— À l’usine Lesieur de Coudekerque-Branche aussi, répond le collaborateur qui parle avec assurance et se targue d’être le bras droit de Zimmerman. Mais les deux cents CRS que vous avez demandés sont en place. Ils ont déjà interpellé trois hommes qui commençaient à jeter des parpaings et des bombes de peinture. Depuis ce matin, il y a cent cinquante salariés excédés devant l’usine. J’ai eu en ligne le correspon- dant de RTL sur place. Il a tout de suite fait le rapprochement avec l’histoire de la prime.
— Bien évidemment. Il ne faut pas être grand clerc pour savoir que cela ne pouvait pas passer. Refuser une prime de Noël à ses salariés tout en annonçant des bénéfices record juste après, quelle idée. Et les RG, qu’en disent-ils, s’il vous plaît ?
— Selon leurs informations, les salariés préparent une action pour ce soir. Il y a soixante mille litres d’huile sur le site. Il est possible qu’ils veuillent y mettre le feu.
— Une friterie géante, dit Zimmerman toujours enclin à faire un peu d’humour. Les Lesieur sont en capacité de faire la même chose que les New Fabris. Il nous faut prévoir des renforts.
— Les New Fabris ? demande le bras droit de Zimmerman.
— Allons bon, vous ne vous souvenez pas de cette histoire chez l’équipementier automobile New Fabris, en 2009? L’usine était en liquidation, les salariés avaient disséminé plusieurs bouteilles de gaz sur le site et menaçaient de tout faire exploser. Avec les millions de litres d’huile sur le site de Coudekerque-Branche, il n’est pas impossible que les Lesieur aient une idée similaire.
— Je m’occupe des renforts CRS. Sinon, à Toulouse, ça ne se calme pas non plus chez Continental. Et deux autres sites viennent aussi de débrayer, à Foix et à Bessens.
Zimmerman aspire une grande bouffée de vapeur sur sa cigarette électronique.
— Eh bien très chers, annulez vos réveillons, se lamente- t-il en recrachant une odeur de menthol.
— Ça y est, monsieur ! s’exclame un petit brun qui se lève d’un bond et tend le doigt vers le plasma de droite.
… Sur le parvis de la Défense, c’est la stupeur. Ce matin, trois personnes ont été retrouvées pendues dans le centre commercial des 4 Temps. Selon toute vraisemblance, il s’agirait d’un suicide collectif mais aucune piste n’est écartée. Le SDPJ de Nanterre a ouvert une enquête. Nous reviendrons évidemment sur cette information dans les heures qui viennent.
Zimmerman se met à faire les cent pas, tire sur sa clope électronique furieusement. Arrêter de fumer à soixante-huit balais, quelle hérésie.
— Des grèves qui éclatent un peu partout et maintenant un suicide collectif. Une poudrière, voilà ce que c’est, messieurs. Si les journalistes venaient à vous interroger sur l’affaire de la Défense, je vous enjoins d’en rajouter sur les problèmes personnels de ces suicidés. Ce n’est pas très glorieux, je vous le concède. Mais nous devons à tout prix éteindre le feu. Qui est chargé de l’enquête, côté police ?
— Un certain commandant Nowak du SDPJ de Nanterre, répond le bras droit de Zimmerman. Un homme pas commode mais efficace, selon ce qu’on m’a dit.
— Vous appelez le préfet, s’il vous plaît, et vous lui dites de tenir ce Nowak. Je souhaite que cette histoire soit rapidement tirée au clair. Ce dossier est prioritaire. Je vous remercie, messieurs.
La brochette de fonctionnaires s’est levée. Germain Zimmerman bouillonne. Sa peau luit, ses pores recrachent le curry ingéré lors du repas de la veille et rejettent l’angoisse accumulée ces derniers mois. Il se regarde devant l’immense glace au-dessus de la cheminée, se trouve laid et peu présentable, soulève un bras, l’air contrarié. De larges auréoles de transpiration se sont formées sur sa chemise.
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22 décembre – 3h05
GÉOLOCALISATION : rue Marcel-Dassault, Boulogne-Billancourt IDENTIFICATION : Forest Lo
La sonnerie du téléphone lui colle une décharge à la poitrine. Il sursaute, regarde en l’air. La vieille horloge murale en formica indique 3 heures passées. J’ai dormi combien de temps, un quart d’heure à tout casser, bordel ces perms de nuit sont interminables, se lamente-t-il. Forest Lo a pris l’habitude de fractionner son sommeil sur ce canapé crasseux récupéré par l’association. Seules ces siestes éclair lui permettent de tenir le coup toute la nuit.
Il secoue la tête comme un personnage de cartoon, s’éclaircit la voix avant de décrocher.
— Bonsoir, bienvenue chez les Samaritains.
—...
— Si vous avez besoin de temps pour parler, je reste à
votre écoute...
La pendule orange des fifties résonne dans la pièce plongée
dans la pénombre. Le temps prend son temps et la trotteuse
trotte. Parfois, l’aiguille s’arrête sans raison, ouvrant un trou dans l’espace-temps pour mieux précipiter l’homme solitaire vers les ténèbres. L’aiguille justement s’est arrêtée sans raison et les larmes ont commencé à tomber dans le combiné.
— Oui, laissez tout ce chagrin sortir, murmure Forest Lo. Voulez-vous me dire quelque chose à présent ?
— ... Je... je les ai tués !! hurle soudain la voix à l’autre bout du fil. Tous, je les ai tous tués !!
Forest Lo fouille dans sa mémoire, tente de se souvenir de ce que l’association lui a appris. Technique pour rassurer un mec voulant se loger une balle dans le carafon, hors de propos. Technique pour apaiser un type dépressif, hors sujet également. Technique pour assurer face à un meurtrier, rien. Il a beau froncer les sourcils, se gratter le front nerveuse- ment, Forest Lo ne trouve rien dans son cerveau en bordel.
À l’autre bout du fil, il entend l’homme pleurer en silence.
— Qu’est-ce que je vais devenir, qu’est-ce que je vais devenir..., répète la voix.
— Je suis sûr que tout va s’arranger, tente Forest Lo pour gagner du temps. Racontez-moi.
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22 décembre – 8 h 07
GÉOLOCALISATION : parvis de la Défense, Puteaux IDENTIFICATION : Jan Nowak
Le commandant Jan Nowak a toujours aimé faire ça. Remonter le col de sa veste en cuir noir, comme le fait tout bon flic de série B se les pelant en arrivant sur une scène de crime au petit matin. Il gèle à pierre fendre sur le parvis de la Défense. Le vent s’enroule autour des immenses tours. On n’entend que ça, le vent siffler. Des flocons cinglants l’accompagnent en giflant à l’horizontale.
Les cheveux noirs de Nowak ont disparu sous une pellicule blanche. Imperturbable, serrant fermement son trois-quarts de flic, le commandant marche au cœur de cette nuit qui s’entête. Quelques cols blancs accros à leur job en ce samedi matin bravent eux aussi la tempête. Un jeune barbu façon hipster hâte le pas avec ses baskets équitables. Direction la tour Neptune-Allianz abritant les nouveaux maîtres de l’univers : les assureurs.
Nowak devine au loin l’immense « quatre » lumineux cerclé d’un néon rose fluo et une trentaine de personnes massée devant le centre commercial des 4 Temps. Tel un brise-glace, Nowak fend la foule sans prendre la peine de s’excuser. Pas le genre du Polonais. Il montre sa carte de commandant sans un mot. La photo a figé sa quarantaine. Quelques pattes-d’oie au coin des yeux, à force de les plisser et de défier ses congénères.
Un gardien de la paix s’empresse d’ouvrir le cordon de sécurité pour le laisser passer. Dans le sas d’entrée, le commandant sent un souffle chaud se plaquer contre lui comme une chatte en chaleur. Cette matinée va être exceptionnelle, il le sait. L’excitation le saisit, comme chaque fois qu’il devine que des corps glacés vont s’offrir à lui.
Il croise d’autres flics, n’adresse la parole à aucun. Il n’aime personne et personne ne l’aime. Sauf les femmes, avant de le connaître. Avançant lentement dans les allées, il s’attarde sur quelques vitrines, surtout un magasin de lingerie. La mode des guêpières lui plaît énormément. À côté, une boutique propose des coques pour téléphone portable ; le commandant se demande comment on peut vivre en ne vendant que des coques pour téléphone portable. Il prend son temps, veut savourer avant d’atteindre la scène. La première vision va être un choc, l’extase.
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22 décembre – 3 h 05
GÉOLOCALISATION : rue Marcel-Dassault, Boulogne-Billancourt IDENTIFICATION : Forest Lo
La sonnerie du téléphone lui colle une décharge à la poitrine. Il sursaute, regarde en l’air. La vieille horloge murale en formica indique 3 heures passées. J’ai dormi combien de temps, un quart d’heure à tout casser, bordel ces perms de nuit sont interminables, se lamente-t-il. Forest Lo a pris l’habitude de fractionner son sommeil sur ce canapé crasseux récupéré par l’association. Seules ces siestes éclair lui permettent de tenir le coup toute la nuit.
Il secoue la tête comme un personnage de cartoon, s’éclaircit la voix avant de décrocher.
— Bonsoir, bienvenue chez les Samaritains.
—…
— Si vous avez besoin de temps pour parler, je reste à votre écoute…
La pendule orange des fifties résonne dans la pièce plongée dans la pénombre. Le temps prend son temps et la trotteuse trotte. Parfois, l’aiguille s’arrête sans raison, ouvrant un trou dans l’espace-temps pour mieux précipiter l’homme solitaire vers les ténèbres. L’aiguille justement s’est arrêtée sans raison et les larmes ont commencé à tomber dans le combiné.
— Oui, laissez tout ce chagrin sortir, murmure Forest Lo. Voulez-vous me dire quelque chose à présent ?
— … Je… je les ai tués !! hurle soudain la voix à l’autre bout du fil. Tous, je les ai tous tués !!
Forest Lo fouille dans sa mémoire, tente de se souvenir de ce que l’association lui a appris. Technique pour rassurer un mec voulant se loger une balle dans le carafon, hors de propos. Technique pour apaiser un type dépressif, hors sujet également. Technique pour assurer face à un meurtrier, rien. Il a beau froncer les sourcils, se gratter le front nerveusement, Forest Lo ne trouve rien dans son cerveau en bordel.
À l’autre bout du fil, il entend l’homme pleurer en silence.
— Qu’est-ce que je vais devenir, qu’est-ce que je vais devenir…, répète la voix.
— Je suis sûr que tout va s’arranger, tente Forest Lo pour gagner du temps. Racontez-moi.
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Un suicide collectif dans un centre commercial, c'est du jamais-vu. Une pensée étrange vient de lui traverser l'esprit. En ce samedi 22 décembre, Nowak a l'impression de voir une guirlande de Noël composée de corps humains. Dans ce temple de la consommation où l'on célèbre la joie d'acheter pour mieux faire oublier la tristesse des comptes en banque, cette guirlande-là ne fait pas très bon effet.
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Sur sa carte professionnelle, il est écrit que Manhattan est journaliste. Il serait plus correct de mentionner qu'elle est une ouvrière fabriquant du sujet « flic » au kilomètre sur la ligne de production. Elle passe sa vie à filmer des flics sans intérêt, pour les diffuser sur des chaînes sans intérêt, dans une boîte sans intérêt, Storm production.
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Il y a vingt ans, il a été l'un des premiers dans l'Hexagone à créer une boîte de production audiovisuelle. Machine à cash immédiate. Parce que le patron de Storm, le commerce, il l'a dans le sang. Il vendrait des capotes à un moine. Un vendeur doublé d'un authentique péquenaud.
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