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Citations de Auguste Angellier (76)


Le deuil.


Le soleil est tombé dans les flots ; une barre
De lourds nuages gris qui pèsent sur la mer
S'allonge à l'horizon, et lentement s'empare
Du ciel où disparaît un reflet pâle et vert.

Un âpre vent se lève, annonçant que l'hiver
Avec ses ouragans et ses froids se prépare ;
La houle dure a pris une teinte de fer,
Sauf où blanchit un flot qui se dresse et s'effare.

Sur l'immense surface où tombe la nuit froide,
Égaré, seul, perdu, flotte un canard sauvage ;
Tantôt, battant de l'aile, il lève son cou roide

Comme pour voir au loin, puis inquiet il nage,
Ou plonge et reparaît pour se dresser encore ;
Les siens l'ont oublié ; la mer se décolore.
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Le balcon sur la mer.


Ma demeure est bâtie au bord de la mer grise ;
Les grèbes, les pétrels et les blanches mouettes
Entrecoupent leurs vols parmi ses girouettes
Dont les flèches de fer criaillent dans la bise ;

Du côté de la mer, le lichen la recouvre ;
Un lierre la revêt du côté de la terre ;
De ma porte je vois la lande âpre et sévère ;
Mais c'est sur les grands flots que ma fenêtre s'ouvre.

Si parfois je regarde, un bref instant, l'espace
Parsemé de dolmens, dominé de calvaires,
Où, parmi les genêts sans fin et les bruyères,
Çà et là un bosquet de chênes se ramasse ;

Si j'écoute, un instant, le son faible des cloches
Arriver jusqu'à moi d'un village invisible,
Aux jours de brume douce où la mer plus paisible
A suspendu son bruit farouche entre les roches ;

Je passe de longs jours et les nuits presque entières,
Appuyée au balcon d'où j'aperçois la houle,
Dont l'ondulation sans repos se déroule,
Sous des nuages lourds ou des clartés légères.

Je vois l'âpre combat des vents contre les lames,
Les vagues se dresser, se courber et reluire,
Les courants d'un vert pâle où de l'argent s'étire,
Et des flots gris jouant avec des flots de flammes ;

J'écoute une musique incessante et profonde,
Les lents soupirs traînant et mourant sur la grève,
Le courroux que le choc des falaises soulève,
Et l'émoi dont la mer enveloppe le monde.

Et surtout je regarde, à l'horizon, les voiles
Qui passent en rayant le ciel de leurs cordages,
Ô voiles, rentrez-vous de vos lointains voyages ?
Cinglez-vous vers des cieux semés d'autres étoiles ?

Et, toujours appuyée au balcon solitaire,
Mon cœur vit dans la brume où l'horizon expire,
Car celui que j'attends partit sur un navire,
Et ne reviendra pas du côté de la terre.
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La Saint-Valentin
À Léopold Lacour.


Février vient, c'est la Saint-Valentin,
Février vient, il fait rougir les saules,
Et, sous les rais d'un soleil argentin,
Encor frileux découvre ses épaules.

Dès qu'au ciel gris, c'est la Saint-Valentin,
Dès qu'au ciel gris, un peu d'aube prochaine,
Un pli d'argent et de jour indistinct
Ont soulevé les ombres sur la plaine,

Tous les oiseaux, c'est la Saint-Valentin,
Tous les oiseaux, rouge-gorges, fauvettes,
Merles, geais, pics, tout le peuple mutin
Des moineaux francs, les vives alouettes,

Se réveillant, c'est la Saint-Valentin,
Se réveillant, et secouant leurs plumes,
D'un fou désir et d'un vol incertain
Se sont cherchés dans les dernières bruines.

Dans les buissons, c'est la Saint-Valentin,
Dans les buissons, les lierres et les haies
Où le houx vert offre un rouge festin,
Dans les roseaux, les halliers, les coudraies.

Dans les vieux murs, c'est la Saint-Valentin,
Dans les vieux murs, pleins d'heureuses nouvelles,
Ce fut des cris, des chants, un bruit lointain
De gazouillis et de battements d'ailes.

Tous échangeaient, c'est la Saint-Valentin,
Tous échangeaient, en palpitant de joie,
Maint propos tendre ou leste ou libertin,
Après lesquels il faut qu'on se tutoie.

De temps en temps, c'est la Saint-Valentin,
De temps en temps, se détachait un couple ;
Et tous les deux avaient bientôt atteint,
Pour y causer tout seuls, un rameau souple.

Puis ils cherchaient, c'est la Saint-Valentin,
Puis ils cherchaient les branches élevées
Ou l'humble touffe où blottir leur destin,
Et faire un nid aux futures couvées.

Et tout le jour, c'est la Saint-Valentin,
Et tout le jour ce fut des mariages,
Conclus sans prêtre et francs de sacristain,
Et dont les lits sont les premiers feuillages.

Voici le soir, c'est la Saint-Valentin,
Voici le soir, sortant de ses repaires
L'ombre a rampé vers le soleil éteint :
Tous les oiseaux sont endormis par paires.
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L'acceptation


Je te vis dans un rêve après un triste adieu :
Tu marchais dans les plis pesants et magnifiques
D'une robe en velours d'un plus céleste bleu
Que celui des glaciers ou des flots atlantiques.

Quand vers l'orient clair jaillit un premier feu ;
Une gorgone d'or aux cruels yeux tragiques
L'agrafait à ton cou, mais un doux désaveu
Descendait de tes yeux azurés et pudiques ;

Derrière toi luisait une mer de lapis
Dont les flots étages montaient comme un parvis
Vers un grand ciel limpide aux bleuâtres splendeurs ;

Tu tenais dans tes mains de frais myosotis,
Sans me dire un seul mot tu me tendis ces fleurs,
Et j'y plongeai mon front pour y cacher mes pleurs.
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Deuxième Voix.


Sur les toits pendent les glaçons,
Mais le soleil les fera choir ;
L'Hiver est chose transitoire,
Le Printemps prendra sa revanche ;

Les rayons battront les buissons ;
Aux eaux claires de l'abreuvoir,
Les troupeaux libres viendront boire,
Sous un ciel couleur de pervenche ;

Lors, les cœurs auront des chansons,
Lors, les cœurs reprendront espoir,
Et célébreront la victoire
Des bourgeons sur la neige blanche !
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Première Voix.


La neige tombe à gros flocons ;
Par dessus nous, le ciel est noir ;
La terre, autour de nous, est noire ;
La lourde neige seule est blanche ;

On entend huer les faucons,
Dans les murs croulants du manoir ;
La sorcière est à son grimoire ;
Et le corbeau dort sur sa branche ;

Le gel sème Pair de frissons,
Dieu ! qu'il est triste de s'asseoir
Seul au foyer, quand la mémoire
Sur le puits du passé se penche !
...
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Decenter mori


J'ai la mort en moi, non la mort lointaine,
Celle qu'on suppose et qui doit venir,
Mais la mort déjà fixée et prochaine,
Et je sais le point dont je vais périr.

Elle est là, je sens son travail paisible
Qui jusqu'à présent n'est pas douloureux,
Mais dans quelques mois deviendra terrible ;
J'en ai vu mourir, je mourrai comme eux !

C'est un peu de poids, de tension, de gène,
Une peine brève, un tiraillement,
Un peu de douleur sourde et souterraine,
Suivie aussitôt d'assoupissement ;

C'est peu, ce n'est rien, pas même une entrave,
Pourtant cette peine a je ne sais quoi
De dominateur, de vital, de grave,
En quoi se pressent le grand désarroi ;

Un outil mortel en moi fait son oeuvre,
Et je sais le temps que prend pour finir
La main qui le tient et qui le manœuvre ;
J'ai quatre ou cinq mois encor pour mourir ;

J'ai quatre ou cinq mois à pouvoir encore
Entendre le rire et les mots humains ;
Je pourrais compter ce que chaque aurore
Me laisse de jours vivants dans les mains.

Déjà l'Univers s'éloigne et recule,
Je le vois confus comme un fond de mer ;
C'est moi qui répands le lourd crépuscule
Où l'immensité des choses se perd.

Je porte en moi-même une nuit profonde,
Qui sera sans fin, et dans peu de temps
Débordant de moi couvrira le monde ;
Je la sens emplir mon être : j'attends !

Non pas sans révolte et sans amertume
Je mourrai ; j'aimais la lumière, l'art,
Les hommes auxquels le cœur s'accoutume,
Les fêtes toujours neuves du regard ;

J'avais essayé de me faire une âme
D'un peu de bonté, d'un peu de savoir ;
C'était, je le veux, une pauvre flamme
Mais où s'épurait l'éclat du Devoir.

Redoutable instant ! Tomber de la cime
Où le Je se sait, et crée un vouloir
Ainsi qu'un cristal, dans l'ignoble abîme
De l'inconscient et du néant noir !

Surtout, je ressens la sombre colère
Du forfait par qui périt emporté
L'être qu'a sacré l'auguste mystère,
Le sublime effort d'avoir existé !

Je ne souffre encor que par la pensée
De l'adieu prochain qui va s'accomplir ;
Mais dans quelques jours sera commencée
L'agonie affreuse où je dois finir.

Je sais ce qu'elle est ; elle est effroyable ;
Le plus long supplice et le plus cruel
Auprès d'elle est doux ; je ne suis coupable
Que d'être né homme et d'être mortel.

J'essaierai pourtant d'avoir du courage,
De serrer les dents, de garder mes cris,
Je suivrai la mort à son sombre ouvrée,
Cachant ma défaite avec mon mépris.

Si je meurs ainsi que je le souhaite,
J'aurai sur ma lèvre un rictus d'orgueil,
Quand le menuisier clouera sur ma tête
Le couvercle obscur et lourd du cercueil.
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Crépuscule sur la grève


La mer, ce soir, est taciturne,
Lourde, lisse, lasse, immobile,
Comme de l'huile dans une urne ;
Et, dans le ciel déjà nocturne,

Un puissant nuage est tranquille.
L'horizon est voilé de brume,
Qui dort dans un fond gris et rouge
Où la fin du jour se consume ;

Sauf lorsqu'une étoile s'allume.
Rien, au ciel, ni sur mer, ne bouge.
Seule dans l'immense étendue
De la silencieuse grève.

Une femme, de deuil vêtue,
Paisible comme une statue,
Sur un rocher assise, rêve.
Son front sous son voile se penche ;

Ses mains, sur ses genoux croisées,
Tiennent entre elles une branche,
Et sa robe aux plis noirs s'épanche
Jusqu'à toucher les eaux bronzées.

La nuit, qui monte du rivage,
De ses crêpes sombres la voile ;
Bientôt de l'immobile image
Rien ne reste que le visage,
Qui semble toucher une étoile.

Puis il s'efface ; et rien n'exprime
La tristesse qui s'accumule
Au dernier instant qui supprime
La figure étrange et sublime,
L'âme humaine du crépuscule.
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Le printemps …


Les bourgeons verts, les bourgeons blancs
Percent déjà le bout des branches,
Et, près des ruisseaux, des étangs
Aux bords parsemés de pervenches,
Teintent les arbustes tremblants ;

Les bourgeons blancs, les bourgeons roses,
Sur les buissons, les espaliers,
Vont se changer en fleurs écloses ;
Et les oiseaux, dans les halliers,
Entre eux déjà parlent de roses ;

Les bourgeons verts, les bourgeons gris,
Reluisant de gomme et de sève
Recouvrent l'écorce qui crève
Le long des rameaux amoindris ;
Les bourgeons blancs, les bourgeons rouges,
Sèment l'éveil universel,
Depuis les cours noires des bouges

Jusqu'au pur sommet sur lequel,
Ô neige éclatante, tu bouges ;
Bourgeons laiteux des marronniers,
Bourgeons de bronze des vieux chênes,
Bourgeons mauves des amandiers,
Bourgeons glauques des jeunes frênes,
Bourgeons cramoisis des pommiers,

Bourgeons d'ambre pâle du saule,
Leur frisson se propage et court,
À travers tout, vers le froid pôle,
Et grandissant avec le jour
Qui lentement sort de sa geôle,
Jette sur le bois, le pré,
Le mont, le val, les champs , les sables,
Son immense réseau tout prêt
À s'ouvrir en fleurs innombrables
Sur le monde transfiguré.
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Vanités


Hélas ! combien de fois j'ai déjà vu le cierge
S'allumer tristement auprès d'un cher cercueil,
Et suivi l'huissier noir qui frappe de sa verge
Le pavé de l'église aux tentures de deuil !

Notre existence brève est une étroite berge,
Et nous des naufragés sur ce rebord d'écueil ;
À chaque instant, un flot en prend un qu'il submerge :
Et nous nous déchirons dans la haine et l'orgueil !
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Doux air mélancolique…


Doux air mélancolique et suave qui passe
En lambeaux déchirés épars dans ces grands vents,
À leurs rugissements monstrueux tu t'enlaces,
Et glisses dans leur voix tes soupirs décevants ;

Car à peine on saisit, dans leur fureur, les traces
De tes frêles fragments, éplorés ou fervents,
Et ta pauvre douceur, mêlée à leurs menaces,
Fuit à peine entendue en leurs torrents mouvants.

Et pourtant elle est plus que la tempête énorme
Qui l'a prise en chemin, la disperse et l'enlève,
Car elle donne une âme à sa clameur informe,

Elle en fait la détresse où se débat un rêve ;
Et cet accent humain qu'il emporte transforme
En chagrin l'ouragan qui hurle sur la grève.
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Séparation


Ainsi donc tu t'en es allée ;
Tu suivis, sans te retourner,
La pâle et jaunissante allée
Qu'Octobre allait découronner !

Je vis s'éloigner ta démarche,
Qui vers moi se hâtait jadis ;
Mes yeux, plus tristes à chaque arche
De rameaux déjà déverdis

Dont allait s'accroissant l'espace
Qui nous séparait pour toujours,
Admiraient cependant la grâce
De ton corps souple aux fins contours.

Ô doux corps de lait et de neige,
Toujours languissant et frileux,
Toujours priant qu'on le protège,
Doux corps d'albâtre lumineux,

Ô doux corps, digne du Corrège
Par l'exquise et molle lueur
Qui vêtait, comme un sortilège,
Sa grâce lente et sa blancheur !

Il s'éloignait hors de moi-même,
De mes bras déserts évadé,
Me laissant un front toujours blême
Un cœur toujours dépossédé.

Tu marchais la tête penchée ;
Le regret, peut-être, un instant,
De notre tendresse arrachée,
Ralentit ton pas hésitant ;

Et peut-être même une larme
Tremblait-elle en tes chers yeux bleus,
Au moment où mourait le charme
Dont nous aurions pu vivre heureux !

Ah ! peut-être un regard rapide,
Un seul, t'eût remise en mes bras,
Et rendue à mon cœur avide ;
Mais tu ne te détournas pas !

Tu marchais la tête penchée,
Sur le jaune et fauve tapis
Dont l'avenue était jonchée,
Sous les grands ormes assoupis ;

Je t'ai jusqu'au bout regardée
Dans la brume et dans le lointain,
Voyant ta forme dégradée
Flotter dans l'air plus incertain,

Jusqu'à l'âpre minute obscure,
Où, dernier adieu des adieux,
Le point d'or de ta chevelure
Mourut dans les pleurs de mes yeux.
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Sonnet


" Où es-tu ? ", disait-elle, errant sur le rivage
Où des saules trempaient leurs feuillages tremblants ;
Et des larmes d'argent coulaient dans ses doigts blancs
Quand elle s'arrêtait, les mains sur son visage.

Et lui, errant aussi sur un sable sauvage
Où des joncs exhalaient de longs soupirs dolents,
Sous la mort du soleil, au bord des flots sanglants,
S'écriait : " Où es-tu ? ", tordant ses mains de rage.

Les échos qui portaient leurs appels douloureux
Se rencontraient en l'air, et les mêlaient entre eux
En une plainte unique à la fois grave et tendre ;

Mais eux, que séparait un seul pli de terrain,
Plus désespérément se cherchèrent en vain,
Sans jamais s'entrevoir et sans jamais s'entendre.
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Les caresses des yeux sont les plus adorables ;
Elles apportent l'âme aux limites de l'être,
Et livrent des secrets autrement ineffables,
Dans lesquels seul le fond du coeur peut apparaître.

Les baisers les plus purs sont grossiers auprès d'elles ;
Leur langage est plus fort que toutes les paroles ;
Rien n'exprime que lui les choses immortelles
Qui passent par instants dans nos êtres frivoles.

Lorsque l'âge a vieilli la bouche et le sourire
Dont le pli lentement s'est comblé de tristesses,
Elles gardent encor leur limpide tendresse ;

Faites pour consoler, enivrer et séduire,
Elles ont les douceurs, les ardeurs et les charmes !
Et quelle autre caresse a traversé des larmes ?
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