Encouragée par l'effervescence sociologique et féministe actuelle des éditions divergences et piquée par les idées profondes d'écrivaines du cru telles que Verónica Gago, bell hooks, Irene et bien d'autres, j'ai reçu ce livre avec un certain engouement. Les premières pages dédiées à ce "feminist gaze" qui joue des coudes avec le "female gaze" d'Iris Brey, riches en références, peut-être même en arguments, m'ont happée...
Pourtant, mon intérêt a peu à peu cédé la place à la déception, le principal hic étant, selon moi, d'ordre stylistique. La voix de l'auteure est puissante et affirmée. Sa capacité à argumenter est indéniable et sa curiosité est contagieuse. Mais ce petit pincement d'irritation ressenti dès le début de ma lecture s'est transformé en un franc malaise à mi-chemin. En substance, rien que je n'aie pas déjà emmagasiné au fil des ans chez Michelle Perrot, Linda Nochlin, Peggy Phelan, Christine Planté ou même Laure Adler, pour ne citer qu'elles de mémoire, ici drapé d'allures de manifeste un brin ridicules. Disons que l'on concédera une certaine forme de synthèse et d'actualisation à l'ouvrage si on passe outre une assurance un peu péremptoire, relevée de tentatives de complicité et de malice artificielles.
Ce malaise m'a suivie tout au long de la lecture, jusqu'à la conclusion où j'ai pété un rire en consultant une note de fin... où l'auteure fait référence à sa propre thèse en prétendant qu'elle y démontre le fonctionnement de la métalepse, rien que ça! Cette auto-promotion était, en quelque sorte, le noeud de tout ce qui me chiffonnait depuis le début, ce sentiment gênant de trop-plein de soi, plutôt déplacé dans un contexte idéologique.
Il y a un travail indéniable, une sorte de vision en gestation, mais une écriture qui veut dominer au lieu d'accompagner, et des défauts qui agacent ma sensibilité de lectrice et mon propre engagement. Son rapport à la sororité, claironné et pourtant tout relatif, par exemple. Pensée pour toutes les femmes pas assez "bizarres" à son goût qu'elle balaie d'un revers de main de son "admiration" (ouais mesdames, on en est là). Tout cela malgré un nombre alarmant de relectrices et de relecteurs cités en fin d'ouvrage. J'ai eu la sensation désagréable de renouer avec le féminisme blanc bourgeois des années 2000, ce qui, faut-il se tuer à le dire, n'est pas une bonne nouvelle.
Commenter  J’apprécie         82
Ce texte de la chercheuse Azélie Fayolle entreprend de parler de la notion de "feminist gaze" à travers l'exemple d'œuvres écrites par des femmes ou dans leurs essais et tracts féministes.
L'édition avec ses caractères assez grands et ses chapitres courts est agréable. Le début du texte est assez prenant. Néanmoins, venue pour la stylistique à cette lecture, je n'y ai pas trouvé autant que j'aurais aimé même si la question de l'énonciation du "je" féminin, des voix ou de l'écriture inclusive sont abordés. J'aurais également aimé plus d'analyse de textes littéraires or l'autrice parle beaucoup des textes écrits par des féministes. De fait, elle le dit elle-même, elle aborde ici principalement la stylistique au sens large de portée politique.
Par ailleurs, j'ai tout de suite été frappée par le ton très assuré et un peu péremptoire d'Azélie Fayolle comme cela a été relevé dans la critique précédente. Etant donné le titre "Pour un feminist gaze", ce ton fait echo à celui employé dans un manisfeste mais cela m'a un peu gênée notamment quand on aborde une problématique aussi vaste. Néanmoins, j'ai quand même globalement apprécié cette lecture qui comporte des passages très intéressants.
Commenter  J’apprécie         30
Un livre qui encourage la curiosité, ouvre des pistes et démontre par l'exemple, en évitant l'écueil de l’essentialisation, à quoi peut ressembler la création des femmes (au pluriel, toujours au pluriel)... On entend et on sent derrière Michelle Perrot, Linda Nochlin, Peggy Phelan, Christine Planté, peut-être même Laure Adler, tant mieux... Une belle synthèse et des échappées humoristiques qui rendent l'ensemble très agréable à lire.
Commenter  J’apprécie         00