Un chevreuil court dans mon sang
vers il ne sait quelle clairière
vers il ne sait quel fusil
Et l'or levé à ses sabots
est un rire de forge allumé dans le noir
(" L'arbre à paroles")
L'amoureuse
Besoin de lui
comme d'un champ
sarclé chaque matin
Dedans mes jours
il a tout mis
Le pain et le sel
la levure admirable
l'épice et le jasmin
Mes mots vont dans sa bouche
caresser l'ineffable
Il lève en moi le bleu
qui n'a point de maison
Sa voix dort dans ma voix
comme une déraison
qu'effeuillerait mon âge
Et je suis sans chemin
si ne suis son voyage
"L'infinie perte
De l'aube
Nous tentons de la recueillir
Dans nos horloges pressées
Alors qu'il suffirait
D'ouvrir les mains du cœur
Et les fenêtres de nos maisons."
Doublure
extrait 1
Chaque matin je me dis au revoir.
Je sors de moi et tourne la clef dans la serrure.
Celle qui s’en va, inquiète et lourde, n’a rien à voir avec celle qui reste, altière et sereine.
Au bout de longues heures, elles se retrouveront, n’auront rien à se dire, dîneront face à face, se coucheront côte à côte, avec si la mémoire est bonne et la main secourable, un poème entre elles deux.
/Arpa, 133-134, Octobre 2021
Quand le jour se lave
Dans le vent du poème
Les mots renaissent
Comme des moineaux.
(Revue Arpa)
Bascule
Toute nue, le matin, je m’pèse. Ai-je grossi ? Maigri ? Maintenu, en dépit des excès, mon poids plume ?
Je pèse tout : mes os, mes yeux, mes viscères, ma lymphe, mon sang, mes brumes, j’pèse mes mots, petits ou gros, mots composés, décomposés, surcomposés, mots doux et non dits, fins et fous, mots croisés non dérivés, mots dérivés non croisés, mots éponges et boucliers, mots courants dans mes mollets, mots cernés de délicieuses parenthèses, mots régionaux et sans valise, mots largués dans le foutoir de la mémoire, mots légers qui n’ont pas dit leur dernier mot, mots d’enfant qui n’ont rien d’historique, jeux de mots parfois plus lourds que mots d’ordre, j’pèse tout, de la racine de mes illusions à la pointe de mes lexiques, j’pèse jusqu’à mon âme et mon esprit, et tout ça me pèse évidemment : trop d’sel, trop d’sucre, trop d’gras, trop d’absolu, mais ce qui pèse le plus dans la balance, c’est le sens éminemment secret de la vie.
/ Décharge n°188, 2020
Déconvenue
Elle espérait s'arrêter sur le seuil.
Il n'y avait pas de seuil.
Elle espérait frapper à la porte.
Il n'y avait pas de porte.
Alors elle voulut rebrousser chemin,
mais il avait disparu.
Doublure
extrait 5
Chaque matin, tu me touches et me dis viens…
Viens dans les couleurs qui nous appellent et nous refondent.
N’attendons pas que le jour tombe, que se fanent les pivoines ni que s’enrobent de vécu les à-peu-près du destin…
/Arpa, 133-134, Octobre 2021
Elle vit
dans l’iris que tu respires
dans le muscat que tu croques
dans le château dont tu n’as pas la clef
Ton désir est un nid où tu loges sans peur
Labyrinthe
Se perdre
dans le huit aérien de l’amour
dans la joie orange des alizés
dans le cristal bleu d’un labyrinthe
Se perdre
et pouvoir réinventer
le chemin de la plénitude
L’amoureuse
Besoin de lui
comme d’un champ
sarclé chaque matin
Dedans mes jours
il a tout mis
le pain le sel
la levure admirable
l’épice et le jasmin
Mes mots vont dans sa bouche
caresser l’ineffable
Il lève en moi le bleu
qui n’a point de maison
Sa voix dort dans ma voix
comme une déraison
qu’effeuillerait mon âge
Et je suis sans chemin
si ne suis son voyage
Le poème
Le poème
a dénoué son cri dans ma gorge
Sur le sommier du rêve
un livre s'est éteint
Est-il déjà l'heure de partir
de s'abandonner aux monstres qui
déglutissent à notre place ?
Pourtant un mot parfait l'univers
quand il le tient dans sa paume
PESER
Ce soir nous dinerons de restes Nous vivrons à l’étroit nous
penserons peu dépenserons moins encore n’ayant sou qui
vaille en poche forcément cousue Nous pèserons quelques
noms très communs au coin de deux minutes éclair
Économisant les gestes il nous viendra peut-être un désir
généreux mais nous l’avalerons bien vite Les vitres
dessineront de faibles embellies embrochées par la nuit
fatalement rapide Et nous consumerons nos cris à la muette
afin que rien de fort ou de miraculeux ne nous arrive par un
furieux hasard
Lettre à un ami
Il neige mon ami
sur la banquise de mon cœur
Il grêle mon ami
sur le gel de mes douleurs
Il pleut mon ami
sur la mare de mes soucis
Quand donc seras-tu là
pour repeindre ma nuit ?
Prise aux rets de la lumière je suis ce paysage
au vrai de ton regard
colline autant que mer sommet autant que val
Voyager en nous pacifie nos doutes
Je réponds toujours présente quand tu me cherches
au détour de ce que nous fûmes
quand tu me veux simplement pour toi seul
Lorsque je serai nue …
Lorsque je serai nue dans le poème
Il vous semblera peut-être
Qu’une ombre aura tatoué mes rides
N’y touchez pas Elle vous mordrait
Mettez-vous à chanter un lieder
Un psaume une complainte
Ôtez à votre tour un à un vos vêtements
Puis couchez-moi dans le terreau de vos prières
Île que l’on sabre
Palais amoureux
Aubade pour un homme unique
Impressions de nuit à naître
Chaque fois une autre histoire
Mon amour
J’ai pour abri ton nom
J’ai pour île ton ardeur
Nos pas nous mènent au même fleuve
au même dénuement
Nos paumes avent par cœur
les oraisons secrètes les palpations fertiles
Toi tu as pris le large en mon prénom de femmes
Le livre s’écrira sans page déchirée
Nos ventres sont berceaux de notre destinée
Alter ego
Tu me parcours
et me transgresses
et deviens lors
autre moi-même
alter ego
vertigineux
plus feu en moi
que flamme
dans la braise
Aimer
J’apprends par cœur le verbe aimer dit l’amoureuse Je le pratique avec les sources J’en souffle le feu sur la cendre pour réveiller le Temps mortellement touché J’en bassine les draps somptueux de l’enfance J’en sers de longues friches à labourer céans Il coule comme un vin de Cahors dans mes veines Y viennent boire les amants de toujours
J’apprends par cœur le verbe aimer dit l’amoureuse et le pose partout sur la beauté du monde sur vos hanches parfaites à la faille de votre cou au nid de vos aisselles Ange-baiser qui peuple de ses ailes l’envie d’une caresse et d’une légèreté.