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Citations de Brice Torrecillas (15)


Faire corps. Rester groupés pour lutter contre les menaces.
Le code de conduite peut paraître quelquefois pesant, comme on me l'a confié avec une certaine gêne. Difficile sinon impossible de sortir du rang, de mettre en avant sa singularité. Celui qui essaie de vivre selon des normes qui n'épousent pas exactement celles du village risque à tout moment d'en payer le prix. En poussant le bouchon un peu loin, on doit être Colliourenc avant d'être soi-même.
En revanche, les gens venus d'ailleurs qui seraient tout prêts à respecter le règlement ne pourront jamais vraiment s'intégrer. J'ai entendu ironiser sur ces anciens touristes qui s'installent ici pour leur retraite ou pour changer de vie. C'est vrai qu'ils sont un peu ridicules dans leurs tentatives effrénées de parler le catalan sans parvenir à gommer leur accent lyonnais ou parisien, de danser la sardane comme des petits chiens savants. Tant d'efforts si mal récompensés... Les artistes jouissent bien sûr d'un statut particulier (on sait ce qu'on leur doit et dans leur cas le processus s'inverse, tout peintre est un peu de Collioure, quand bien même n'y aurait-il jamais mis les pieds) mais si on accueille les autres avec hospitalité, si on les respecte pour ce qu'ils sont, ils resteront toujours des étrangers. Avant d'ouvrir leur manuel du parfait petit Catalan, pourquoi n'ont-ils pas ouvert simplement les yeux ? Ils se seraient aperçus qu'on ne devient pas Colliourenc, on l'est par la naissance. Le contraire des anchois, en somme : ce n'est pas la préparation qui importe, c'est la provenance.
On peut le regretter. On peut aussi tenter de comprendre. Leur identité a subi tellement de coups que les Colliourencs se méfient même des caresses.
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Reste la question que je n'ai jamais su résoudre. Après l'amour, lorsque j'entoure Hélène de mes bras, est-ce pour la protéger ou pour me raccrocher à elle ?
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« Les Colliourencs ne sont pas stupides, ils ont fini par comprendre que ces curieux bonshommes pouvaient les aider à aimer encore plus leur village, à le regarder différemment. À présent ils savent qu’une plage peut être rouge, un ciel vert et violet, qu’ils ne vivent pas dans un décor de carte postale mais bel et bien dans un tableau de maître. »
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« Je voudrais qu’on n’oublie pas René. C’est lui qui m’a livré l’âme de Collioure. Il aimait son village au point que j’ai du mal à les distinguer l’un de l’autre. Je voudrais parler de René. Je voudrais parler de Collioure. »
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Les gens qui trouvent la vie de couple monotone sont des bœufs. Des rustres incapables de percevoir les mille et une nuances qui distinguent un être en surface et en profondeur, qui le rendent au fil du temps différent de lui-même, et lui-même cependant. Des abrutis qui s’ennuieraient en regardant la mer.
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Une chanson m’accompagne toujours. Je me promène à Toulouse ? Le « Ô mon país » de Claude Nougaro résonne dans ma tête. Je croise une femme aux cheveux gras ? Une voix me souffle : « Tu t’laisses aller ». Trop de monde dans la rue ? Je suis « emporté par la foule ». Pour moi, toutes les salades de fruits sont « jolies, jolies », toutes les mers ont des reflets d’argent, tous les oiseaux vivent d’air pur et d’eau fraîche, toutes les Annie aiment les sucettes et tous les légionnaires sentent le sable chaud.
Je complète aussi les paroles que j’entends. Un ami commence : « Elle m’a dit... », et j’enchaîne : « ... d’aller siffler là-haut sur la colline », alors qu’il se plaint des reproches de sa sœur. « Il pleut... » constate un voisin ? Ce ne peut être que sur Nantes, ou bien dans ma maison car toutes les tuiles s’en vont. Ma vie est une comédie musicale, même si cette manie me pèse quelquefois. Je me sens assez fêlé pour fredonner « Je suis mala-a-a-de... » à l’annonce de mon cancer.
« Si tu retenais aussi bien tes maths, tu serais Einstein », grince régulièrement mon père. Mais je ne veux pas être Einstein, moi. Je veux être chanteur. Art majeur ou art mineur, ce n’est pas mon problème. Entre les mots, les notes et les modulations de la voix, la chanson possède l’arsenal nécessaire pour exprimer tout ce qu’un être humain peut éprouver. Quand je me sens mal, chanter me permet d’aller mieux. Quand je me sens bien, chanter me permet de partager ma joie. Il faudra que j’en parle à mon père : je me demande quelle chanson a entonné Einstein quand il a découvert son E = MC2.
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« Je ne pourrais pas dire que j’ai appris à aimer Collioure puisqu’elle m’avait conquis sur-le-champ (elle : le féminin m’est venu tout naturellement. Chaque ville a un sexe et je sais que Collioure est une femme. Sa tenue de combat n’y change rien ; Collioure est une Jeanne Hachette, une Jeanne d’Arc…). »
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« Sale caillou, le René. À manier comme le camion du Salaire de la peur. Le genre de type capable d’exploser en public mais également de battre froid durant des mois voire des années le pauvre bougre qui avait osé lui déplaire une seconde. »
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« Une boîte aux lettres sur une tombe. La preuve est faite que les poètes ne meurent jamais. »
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* …ce détail m’a frappé, toutes les femmes fermaient leurs yeux comme dans un baiser véritable… J’arpente toujours seul ma galerie de sourires, suivant ces femmes à la trace, décelant dans leurs estampilles tous leurs signes particuliers.
Je les retrouve, je les retiens. Suspendu à leurs lèvres, je sens la chaleur de leur haleine, moelleux de leurs baisers. Je les entends soupirer, me murmurer des mots intimes.
Aussi nombreuses soient-elles, elles ont toutes été respectées, et je sais qu’elles le savent puisqu’elles m’ont décerné le label rouge, le certificat d’authenticité. Une maîtresse sans maquillage ? Je n’y ai jamais songé.

* Il y a cette garce qui, dans la chambre d’hôtel, au moment des adieux, baise votre chemise blanche comme elle collerait un timbre sur une enveloppe à l’adresse de votre épouse.

* - Comment tu me trouves ?
-Belle.
– Belle comment ?
- Comme un mensonge.
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En face de moi, au beau milieu du salon, Salima se tient sur une chaise cannelée, adoptant la position du violoncelliste, buste droit, jambes ouvertes, et complètement nue.
Tel un petit phallus, un bâton de rouge à lèvres se promène sur ses mamelons. Les tétons dressés se couvrent d’une teinte amarante. Un sein et puis l’autre… Salima colorie les aréoles en prenant soin de ne pas dépasser. Satisfaite, elle gonfle sa poitrine.
Elle me tend le tube mais, incapable de parler, je refuse l’invitation d’un hochement de tête. Alors Salima cambre les reins, écarte davantage les cuisses, dirige la main vers sa vulve dont elle maquille les grandes lèvres – on dirait qu’elle se masturbe.
Le tube de rouge roule sur le tapis. Ses bras ramenés le long du corps, elle demeure immobile durant plusieurs minutes, livrée à mon regard. En ce qui la concerne, ses yeux se sont fermés ; exceptionnellement, aucun fard n’irise les paupières. Nulle trace de pigment sur sa bouche, sur ses joues…
Seuls son sexe et le bout de ses seins ont été décorés, et c’est bien simple : on ne voit qu’eux.
Salima est plus nue que nue. Ses attributs rehaussés par le maquillage semblent gorgés de sang, et sans doute, sous l’effet du désir, le sont-ils réellement, tout comme mon pénis.
Un animal sophistiqué. Le paradoxe éclate. Sublimée, la chair est devenue obscène. Crêtes des coqs, jabots des dindons, fesses des babouins : les images les plus triviales éclosent dans mon esprit. En même temps, le corps de Salima m’envoûte comme jamais, et jamais ne m’a paru si mystérieux. Je fixe la vulve fardée, bordée d’une mince frange de poils, et bientôt m’envahit l’impression étrange de contempler un œil, d’être moi-même contemplé.
Je finis par baisser la tête.
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« Nous vous remercions de votre cassette qui n’a hélas pas retenu l’attention de notre comité d’écoute. En vous souhaitant bonne chance dans la suite de vos démarches, nous vous prions d’agréer l’expression de nos sentiments les meilleurs. »
Ces salauds n’ont même pas écouté.
Ou peut-être que si. Comment savoir ? CBS, Polydor, Tréma, RCA… Au fil des jours, les lettres se suivent et se ressemblent. Seules de menues différences apparaissent dans la formulation : « Nous n’avons pas été séduits » ou « pas été convaincus », « Nous regrettons de ne pouvoir envisager une collaboration », « Votre travail ne correspond pas à l’optique de la maison »… L’expression « Musicalement vôtre » semble particulièrement appréciée pour indiquer qu’on peut aller se faire foutre. Uniques traces humaines, mon nom au stylo bille après le Monsieur de l’en-tête. Ainsi que deux traits qui barrent le Madame et le Mademoiselle quand on y a pensé.
Personne n’a jugé bon de m’expliquer ces refus. Mes chansons ont-elles inspiré un rejet unanime ? De l’indifférence ? S’est-il trouvé une bonne âme pour les défendre ? Ont-elles failli être retenues ? Quels sont leurs atouts, leurs défauts ? Une lettre type est une lettre anonyme dont les acteurs ont inversé leurs rôles. L’expéditeur est connu, c’est le destinataire qu’on ignore.
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Quand le magnétophone daigne enfin s’arrêter, j’écarte mes mains de la guitare comme si elle était chauffée à blanc. Bouche sèche et front moite, j’entends déjà les sifflets, les huées, les « Va te coucher, minable ! », je sens les fonds de verre qu’à défaut de tomates on va me jeter à la figure. Encouragés par le DJ, les gens m’applaudissent et mon oncle me félicite comme si de rien n’était.
Personne ne m’a écouté. Je ne vois pas d’autre explication. Le patron pioche un billet de cent francs dans la caisse. Il est temps de regagner mon lit où le souvenir du désastre m’empêche de trouver le sommeil. Tournant toute la nuit dans mes draps, je revis encore et encore chaque seconde de ces horribles moments, et je n’ai qu’une envie : c’est de recommencer.

A La Paloma, une autre discothèque où trois troufions imbibés de gin tonic viennent jouer les choristes dans mon dos. Au Newlook, un bar américain où j’assure la première partie d’une strip-teaseuse. Dans une MJC, où les cours de danse rock de la salle adjacente recouvrent ma voix. Sous les arcades d’un centre commercial de quartier, pour son inauguration qui donne lieu à cinq jours de braderie et à un cocktail offert par la pizzeria 0 Sole mio. À Cahors, en compagnie d’un chanteur de charme de quarante-six ans qui va casser la baraque, assure son attachée de presse, et dont je n’ai plus jamais entendu parler. Dans la Salle de la Piscine, à Toulouse, lors d’un rassemblement d’Amnesty International où je dois succéder à un réfugié zaïrois venant de décrire les tortures qu’il a subies en prison. Au foyer rural de La Sauzière-Saint-Jean où, pour une fois, c’est moi qui dispose d’une première partie, l’Accordéon club gaillacois. Dans des maisons du temps libre. Des maisons familiales de vacances. Des maisons de quartier. Des hangars ou des granges rebaptisées cafés-théâtres, cafés-concerts, cabarets ou music-halls. Des festivals que personne ne connaît mais qui détrôneront très bientôt le Printemps de Bourges, juré, craché. Des foires économiques dont les véritables vedettes sont des tronçonneuses, des motoculteurs, le dernier break de Peugeot, Mister Cassoulet ou Miss Cabécou. Je chante n’importe où, n’importe quand, face à n’importe qui, dans des conditions la plupart du temps exécrables. Je ressemble à ces militaires en manœuvres qui rampent dans la boue. Après tout ça, triompher à l’Olympia me paraîtra une broutille.
D’ailleurs, je l’aime bien, cette boue. Ou plutôt je l’oublie très vite, dès que ma bouche s’ouvre pour chanter. L’organisateur est un crétin doublé d’un incapable, j’ai dû me changer dans un placard à balais, la sono qui sert d’habitude pour le loto des chasseurs crache comme un tuberculeux, le public se compose d’une dizaine de personnes dont trois gosses qui courent en hurlant dans les travées, rien n’y fait, sur scène je prends un plaisir fou. Bien sûr, avant de la rejoindre je me découvre les symptômes d’une dizaine de maladies graves et je pense mourir quand le présentateur prononce mon nom mais, dans le fond, je l’attends avec impatience, ce trac qui m’écrase la poitrine, me verse de l’acide dans le ventre. Il signifie que quelque chose d’important va se passer.
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Les rêves n’ont pas de prix. Même les plus démunis finissent par rassembler l’argent, vingt-cinq ou trente mille francs pour l’enregistrement d’un quarante-cinq tours, jusqu’à dix millions de centimes pour l’album. Une fois les musiciens réglés au lance-pierre, de larges bénéfices dans la tirelire de Baraka. Pas la moindre promotion, trois ou quatre cartons de disques qui se battent en duel dans un placard…
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- On encourage Boris…Les remières notes de la bande-son éclatent. Oui, je rêve de succès depuis un temps où l’interprète de Quand la musique est bonne n’était connu de personne, et le moment est peut-être venu de réaliser ce rêve. En empoignant le micro, j’ai une pensée reconnaissante envers Marianne. Son initiative m’a extirpé d’une gadoue moins glamour que celle de Pétula Clark. Cette soirée représente une occasion en or pour ma carrière. Loin de la tiédeur de mes derniers spectacles, je vais montrer de quel bois précieux mon talent est fait.
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