Claire Holroyde

Il n'existait pas de langue, de figure de style, de citation, de métaphore ou de poésie pour dire l'annihilation de toute vie connue.

Rien ne représentait un danger plus grand pour la pérennité d'une vie complexe sur Terre que les collisions cosmiques...rien, en dehors des humains, bien entendu.

Que se serait-il passé si Rivka avait choisi l’un des innombrables garçons juifs sympathiques que sa mère lui présentait à chaque fête de famille ? Sa mère bouillonnait d’impatience. Voilà une femme qui avait épousé un brillant avocat avant d’avoir l’âge de pouvoir boire de l’alcool. « A ton âge j’étais mariée et j’avais deux enfants », lui disait-elle sans cesse. La mère de Rivka ne comprenait pas la valeur d’un amant qui vous enfièvrait le cœur. Elle ne comprenait pas que l’on puisse vouloir s’envelopper dans quelqu’un et dans quelque chose de trop merveilleux et de trop fou pour durer.

― Je ne suis pas sûr que les choses aient tant changé que ça. On a juste arrêté de faire semblant d'être civilisés, c'est tout. On a perdu nos manières policées et nos gadgets électroniques, mais on a toujours été des animaux, au fond. On luttait encore les uns contre les autres pour la survie – on le faisait juste selon un ensemble de règles plus complexes et plus subtiles. Je veux dire, je n'ai jamais tué personne avant UD3, mais ça ne signifie pas que je n'avais jamais eu envie de le faire.

Si sa voix était un vin, elle aurait eu des notes à la fois d'Europe centrale et d'Europe occidentale vieillies dans plusieurs décennies de fumée de tabac.

La comète UD3 arrivait en seizième position, juste après le club de foot de Manchester City. Visiblement, la mère de Jack n’était pas la seule à ne pas suivre les nouvelles.

– On ne te prendrait pas tout ton temps, lui promit-elle. On pourrait aller voir un spectacle en matinée puis te retrouver pour le dîner. Ça fait longtemps qu’on est pas venus en ville…

– Il faut que je te laisse, maman. Avec tous ces vols, je suis complètement crevé.

C’était vrai. Sur certaines choses, sa mère ne discutait pas. Jack lui dit qu’il l’aimait, ce qui était tout aussi vrai, et raccrocha.

Alors que sa voiture arrivait à Seward, Jack fit une dernière recherche Google. Certains des articles qu’il avait lus dans l’avion renvoyaient à un document officiel publié plusieurs années auparavant par le précédent gouvernement. Jack tapa quelques-uns des mots dont il se souvenait et cliqua sur la première proposition qui s’afficha : National Near-Earth Objects Preparedness Strategy. Le premier lien le renvoya vers une page non disponible sur le site actuel de la Maison-Blanche – supprimée indéfiniment, comme de nombreuses autres pages.

Au bout du compte, la civilisation moderne ne s’effondra pas à cause d’une comète, mais à cause de sa menace.

Tu n’es jamais le seul, dit-il doucement. On se dit toujours qu’on a tout le temps .

Elle vit la hache avant d’entendre le fracas du verre brisé. Un par un, les hommes pénétrèrent dans l’immeuble en grimpant par la fenêtre. Quand les cris commencèrent, Rivka s’effondra sur le sol et se boucha les oreilles.

Tout est entre nos mains, et l’avenir est devant nous. A nous de décider.