Te séduire, te trahir de
Clara Oz : https://www.amazon.fr/Te-s%C3%A9duire-te-trahir-Clara-ebook/dp/B07DPSKVYS/ref=sr_1_1?s=books&ie=UTF8&qid=1531731837&sr=1-1&keywords=te+s%C3%A9duire+te+trahir
(épisode 4)
– Bon, j’ai besoin de toi. Tu veux bien jouer les figurantes, on est en manque, là.
– Moi aussi, je suis en manque, se pâme-t-elle exagérément. Mais d’amour ! Amy, j’en ai marre, toutes mes copines sont en couple ! Je suis la seule célibataire de notre bande. Je vais finir seule, vieille et ridée.
– Tu adopteras des chats. Ils sont très gentils. Et hyper câlins. La « ronronthérapie » est presque reconnue ! tenté-je de la réconforter.
– Je suis allergique aux poils de chat.
– Ah. Des tortues, alors ? C’est chou, les tortues !
– Nan ! s’exclame-t-elle. Elles me font peur avec leurs gros yeux.
– OK… Des poissons rouges ?
Eva frissonne dès que nous sortons de l’hôtel. Instinctivement, j’ôte ma veste pour la poser sur ses épaules en attendant de héler un taxi.
– Non, ce n’est pas la peine, objecte Eva.
– Tu as les lèvres toutes bleues. Et je ne voudrais pas priver Mark de sa nouvelle créatrice, dis-je, acide.
Elle lève ses grands yeux pailletés sur moi, ouvre la bouche, la referme.
– Impossible, affirme-t-elle. J’ai du rouge à lèvres de compèt ! Si mes lèvres étaient bleues, tu ne t’en rendrais même pas compte.
– Le froid ne te fait pas perdre ton humour, ris-je, tout en lui ouvrant la portière de la voiture jaune.
C’est tellement drôle !
– Euh non, ça ne l’est pas ! rétorqué-je, telle une vieille femme faisant la morale à un adolescent indiscipliné.
– Oh si, ça l’était, je vous assure, affirme-t-il avec un air canaille. Vous m’avez fait ma journée.
– Pardon ?
– Et vous croyez vraiment que vous auriez pu effrayer mon cheval ? Vous avez vu sa taille ? Et… la vôtre. Vous êtes un petit oiseau, comparé à lui ! Un tout petit moineau aux plumes bleues. Un Bluebird, plus exactement…
Et puis le voilà. Ma respiration s’accélère. Il avance vers moi en me fixant de son regard impénétrable. Ses yeux, qui me paraissent encore plus bleus que d’habitude, sont cernés. Ses traits sont fatigués. Las, il se tient droit, marche lentement, mais je sens la crispation qui tend son corps. Je la sens par tous les pores de ma peau, comme une brûlure. Il est prêt à exploser. Il se contient, probablement parce qu’il n’a pas d’autre choix, mais il ne va pas bien. Il est beau. Sombre, mais incroyablement beau. Je déglutis, me redresse sur mon tabouret, tente de sourire. Mon sourire ressemble à une grimace, j’en suis certaine.
Moi aussi, je devrais apprendre à avoir confiance en mon intuition…
Doucement, je me baisse à sa hauteur et m’empare de ses lèvres. Parce que je ne sais pas comment m’excuser autrement. Autrement qu’en lui montrant à quel point je tiens à elle. L’importance qu’elle a dans ma vie. Dans mon cœur. Je l’embrasse comme si c’était la dernière fois. Ou la première. Je l’embrasse avec une fougue non contenue, lui signifiant silencieusement combien j’ai besoin de
sa présence. Pas parce qu’elle m’aide, non, absolument pas, même si ça m’est précieux, juste parce que c’est elle.
Mon ange diabolique…
Là, je ne glousse plus, je gémis. C’est si bon. Sa langue s’enroule autour de la mienne, avec voracité, et le désir que je refrène en permanence lorsque je suis avec lui revient en force. Dans le creux de mon ventre, c’est une tornade. Une tornade de sensations délicieuses. Ben colle son bassin contre le mien, je sens son érection, et cela décuple encore plus mon plaisir. Puis il recule et plante son regard dans le mien. Ses yeux si clairs, agrémentés de la touche sombre que je reconnais si bien lorsqu’il a envie de faire l’amour avec moi.
Elle me laisse avec un sale goût dans la bouche, la frustration de ne pas avoir pu lui démontrer que je mets toute mon énergie à trouver le vrai coupable, que notre amitié est une des choses les plus précieuses que j’ai. Elle me laisse avec un sentiment d’injustice collé à la peau. Parce qu’elle accuse un innocent et qu’elle ne veut rien entendre. Absolument rien. Je la savais bornée, j’en ai la preuve concrète.
Et elle me laisse avec un bleu sur le cœur, parce que la violence de ses propos m’affecte profondément…
Cette envie de la voir tout le temps, de lui parler, de lui demander son avis sur tout et n’importe quoi. Cette envie de la contempler, de l’embrasser, de la caresser. De la revoir.
J’aurais encore pu l’embrasser, j’en crève d’envie mais je ne l’ai pas fait.
Pourquoi ? Tout simplement parce que l’odeur de la prison, de l’enfermement, ce parfum invisible de honte, de culpabilité et de peur me colle à la peau comme un vieux chewing-gum sous une chaussure. J’ai besoin de m’en débarrasser. De crainte de la contaminer. De la faire fuir.
Encore que le baiser que nous avons partagé tout à l’heure n’a pas du tout
semblé la déranger…
Je sais pertinemment qu’on ne mélange pas sentiment et travail. D’ailleurs, on l’apprend en cours, ça. Ne jamais se laisser aveugler par ses sentiments… Écouter ses intuitions, son ressenti, oui, mais toujours garder un certain recul. Mais je n’ai pas choisi ! Je n’ai pas décidé de tomber sous le charme de Ben ! De ne pas parvenir à dormir parce que son regard torturé hante mes nuits – et mes jours. De ne pas pouvoir
penser à autre chose qu’à lui.