Pour manger de la viande, à la différence de beaucoup d’autres types d’aliments, il faut procéder à un partage. Et le partage de la viande est un acte fondamental, sinon fondateur, de la vie sociale. Il revêt un caractère vital, pour des raisons biologiques et sociales à la fois ; mais il a une autre caractéristique : partager la viande, c’est aussi partager la responsabilité de la mise à mort et, en somme, la recycler symboliquement, la transformer en lien social.
Dans toutes les cultures, on est ou on devient ce qu'on mange. L'incorporation produit une sorte de fusion. Et la nourriture dégustée en commun produit chez les convives même chair et même sang. De là d'ailleurs le trouble contemporain si souvent exprimé : on ne sait pas ce qu'on mange. Si l'on est ce qu'on mange et qu'on ne sait pas ce qu'on mange, le risque est de ne plus savoir ce qu'on est...
(Philosophie magazine n°117 p52)