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Citations de Claude de Frayssinet (76)


Marcelo Morales

Je marchais avec un chagrin intérieur. En file à l'ambassade, en lisant un magazine, j'ai lu qu'en latin kore signifie fille, élève. Un point, une perturbation qui s'amplifie avec l'obscurité. La fille à mes yeux. L'amour dans l'esprit altéré.
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Scène secrète



Les yeux troublés
par la solitude et le désespoir
(aux heures intruses de la nuit
qui déversent leur silence, leur froid clandestin
dans la maison déserte),
regardent, contournent quelques ombres floues,
dans le vide morne de toute une vie.
Personne n’est témoin de cette lutte sourde
de l’homme avec la peur,
du cœur avec la cendre,
d’un ardent désir avec son inutilité.

Dans cette détresse, qu’est son âme,
il cherche la compagnie d’un miroir
où, en sordide écume,
fixer sa face,
et absorbé, il regarde un visage identique
qui, transformé en monstre et en mort,
disparaît enfin.


// Francisco Brines (22/01/1932 -)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Freyssinet
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Le pain dur


Boire mon insomnie jusqu’à la dernière goutte.
Fuir à travers champ, les bras grands ouverts.
Savoir de quelles angoisses naissent mes poèmes.
Déchirer ma robe avec douleur et sans larmes.
Mordre le pain dur de l’égoïsme d’autrui.
Me noyer dans le tumulte qui assaille mes entrailles.
Abandonner le théâtre qui m’est offert au quotidien.
Accrocher mon désamour à un collier de givre.
Planter dans ma pelote des aiguilles rouillées.
Briser les heures qui me pèsent sur les tempes.
M’enfoncer peu à peu avec ce poids que l’on m’impose.

Attendre le moment ou le fiel explosera


//Maria Victoria Atencia (1931 -)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Une brise


Avec un imprévisible accord au creux de l’été,
dans la sotte torpeur du profond de la sieste,
une brise parcourt ma nuque et mon dos.
Je me plie au savoir de son enveloppant office
et m’abandonne au sommeil, tandis que le soir brûle
dans l’impassible flamme qui ne consent aucune trêve.


//Maria Victoria Atencia (1931 -)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Se regardant dans la fumée


Extrait 2

  Il [l'homme] ouvre les yeux autour de sa chambre,
il fait nuit noire.
Puis il laisse retomber son menton brumeux
sur la ruine de sa main.
De toute cette vaine traînée de poudre
il ne subsiste qu’une douleur
qui, dans sa poitrine, rompt les chaînes d’un animal de feu.
La vie continue de mordre,
tandis que l’ombre du soir vient
pour éteindre sa peine,
sa vie entière.
Et un courant d’air qui entre chasse la fumée.


//Francisco Brines (1932 -) /Traduit de l’espagnol par Claude de Freyssinet
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La mort que je n’ai pas eue


Longue est la journée de celui qui attend
en vain le mot qui le lavera
de l’angoisse de s’être trompé. Il sait
que le temps ne concède pas cette chimère
à celui qui a tissé ses heures avec aveuglement,
à celui qui n’a pas écouté la voix qui était la clé
de son jardin secret. Il voit la nef
s’éloigner dans la brume étrangère
de l’oubli. Plus jamais la mémoire
ne pourra le sauver. Il redoute son destin,
sa solitude ; il n’ y a pas d’échappatoire.
Sur son chemin il ne croise que des ombres,
Il s’y cache sans la gloire
posthume de ce baiser clandestin.


//José Gutiérrez (1955 -)
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Anamorphose
  
  
  
  
Cette odeur de chicorée et de marc,
de crins de cheval e de vert-de-gris
avec salpêtre, et d’herbe de mon enfance
en face de l’Afrique, contribuera
peut-être à perpétuer
dans je ne sais quel recoin du souvenir
un test équivoque
d’amour dilapidé et d’injustice
que j’ai contre moi-même,
et c’est comme si tout à coup
le flux continu et furtif du passé
transformait en routine
la mémoire que j’ai de demain.


// José Manuel Caballero Bonald (1926 -2021)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Compagne d’aujourd’hui



Compagne d’aujourd’hui, je ne veux
d’autre vérité que la tienne, vivre
où tes yeux s’ouvriront,
offrant ta lumière, ton flux
à ce que je vois et sens...

Dénouer cette pelote
obscure de la peur,
retrouver l’objet perdu,
briser la voix du songe...

Et lent, lentement
réapprendre à vivre,
encore et encore
comme une matinée
chargée de richesse.


// Alfonso Costafreda (1926 – 1974)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Marcelo Morales

La courbe de la promenade sur le volant, ma main sur le volant.
La marque étoilée, l'idée d'un nord.
Le passé fait que le présent résiste à la vérité.
La peur a le pouvoir d'imaginer, la peur manque d'image.
Les politiciens et les magiciens tirent l'un après l'autre des lettres de leurs manches, des
lapins de chapeaux.
Liberté et solitude vont de pair.
La main tue mieux que l'esprit.
La façon dont le pouvoir gère la vérité et gère le mensonge.
La façon dont ils dirigent votre vie.
Du présent, vous choisissez le passé.
Vous acceptez l'arrogance des circonstances.
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Étranger



Extrait 2

Prisonnier de ne pas aimer, il étreint
sa propre solitude. Et il est sûr de lui,
plus sûr que quiconque car il ne possèdera
rien ; et il sait bien que jamais
il ne vivra ici, sur la terre. Comment
connaître celui qui n’aime pas, comment
lui pardonner ? longue journée et plus longue
nuit. Il mentira en sortant sa clé.
Il entrera. Et jamais il n’habitera sa maison.


// Claudio Rodríguez (1934 -1999)
/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Cinématographe



Une menace de pluie, par exemple,
la toiture tutélaire
de l’automne domestique, la buée
du salpêtre qui se dépose
sur les lentes balustres
de la nuit, la torride humidité
des cruches, tout
ce qui en principe survit
sous le contrôle de la persistance
des images sans nom, me confine
dans un enclos de doutes
proches de la stupeur, et j’ai du mal
à me représenter depuis combien de temps
j’aime une histoire que je n’ai jamais vécue.


//José Manuel Caballero Bonald (1926 -)
/Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Le balcon donne sur le jardin…


Le balcon donne sur le jardin. Les murs bas
et harmonieux. Le grand portail fermé.
Un homme entre sans lumière, il écrase
les buissons de jasmins, ses pieds
gémissent, il ne regarde rien. Septembre
recouvre la terre, de lents nards montent
et les pigeons élèvent de leurs ailes
l’air, le soleil, et la mer repose tout près.
Le vent ne brûle plus. Dans ses pas, l’eau
arrose lentement l’alentour, les seringas
s’offrent en chœur. Les insectes grimpent
pour vivre sur les feuilles. Une barbe
repose sur sa poitrine, il poursuit sa marche
dans le noir. Il sème la mort, oiseaux
noirs dans le ciel, feuilles qui tombent,
et l’eau qui reste figée dans la glace.
Le jardin est misérable, et l’absence
l’habite déjà comme s’il s’agissait
d’un cœur... terre jadis verdoyante.
Il passe la petite porte. Des hurlements
viennent de la campagne, et une ombre froide
pénètre sur le balcon, c’est un souffle
de mort puissante. C’est la maison
qui peu à peu s’écroule, humide et solitaire.


//Francisco Brines (1932 -)
/Traduit de l’espagnol par Claude de Freyssinet
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Comment appeler l’oiseau…


Comment appeler l’oiseau
pour que du vers il se lève
et s’envole et s’égare
de branche en branche, comment ? Comment appeler
                                          [le fleuve
sans interrompre son chant ni taire son écoulement ?
Comment faire pour que le nom de la rose
conserve son parfum ? Comment dire sable
et sentir la caresse d’une main dorée,
et comment faire pour que le soleil et le vent,
le feu et les automnes demeurent
dans le poème ? Ah, où apprendre cette magie
de disposer le nom des choses
de façon à ce que le lecteur de nos vers
revienne maculé de salpêtre,
brûlé par le soleil et réconforté
par le feu sauvage du brasier
par nous allumé avec deux ou trois mots ?

                                25-II-74


//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Don de l’ivresse


IX

Extrait 2

Que tout finisse ici, que tout finisse
une fois pour toutes ! La fleur vit
si belle parce qu’elle vit peu de temps
et pourtant, comme elle se donne, entière,
oubliant la fleur qu’elle est pour devenir
élan d’offrande. Hiver, bien que
le printemps ne te suive pas, tire
de mon corps ce qui est mien et sème-moi,
pollen inutile qui se perd dans la terre,
mais qui a été de tous et de personne.
Sur le désert immense, le serein
est pinède dans l’air, air dans l’air,
serein pour ma seule sécheresse.
Sur la voix qui va creusant son lit,
quel sacrilège ce corps, corps
qui ne peut être hostie d’offrande.

//Claudio Rodriguez (1934 - 1999)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Don de l’ivresse


IX

Extrait 1

  Comme si jamais elle ne m’avait appartenu,
à l’air offrez ma voix et que dans l’air
elle soit à tous et que tous la sachent
comme on sait un matin ou un soir.
Avril ne va pas sur la seule branche,
de même l’eau n’attend pas le seul étiage.
Qui pourrait dire que le vent lui appartient,
et la lumière, et le chant des oiseaux
où la saison exulte, plus encore quand,
la nuit venue, elle brûle dans les peupliers
avec une si dangereuse retenue ?


//Claudio Rodriguez (1934 - 1999)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Don de l’ivresse


III

Extrait 2

Je suis comme lui [le chêne]. Ah, chêne au bois
plus sombre encore que celui du rouvre,
qui me comble de joie, joie si intense
quelques instants avant le crépuscule,
redoublée maintenant. Comme l’avoine
que l’on sème à la volée, et qu’importe
si elle tombe ici où là si c’est sur la terre,
l’ardeur contenue de la pensée peu à peu
s’infiltre dans les choses, les entrouvrant
pour y laisser sa splendeur, et leur donner
ensuite un nouvel éclat intérieur.
C’est vrai, car sans moi, que saurait
le chêne de la mort ? Réels sont chez lui
l’intimité, l’instinct, la spontanéité
de l’ombre ô combien fidèle ? Réelle est
ma vie ainsi, dans ses feuilles persistantes
au cœur de ce printemps à moitié déchiffré ?

//Claudio Rodriguez (1934 - 1999)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Don de l’ivresse


III

Extrait 1

  Le chêne, qui conserve mieux un rayon
de soleil qu’un mois entier de printemps,
ne sent pas la spontanéité de son ombre,
la simplicité de sa croissance ; c’est à peine
s’il connaît le terrain sur lequel il a poussé.
Avec ce vent qui laisse sur ses branches
une absence de musique, il imagine
pour ses rêves un vaste plateau.
Et avec quelle rapidité il s’identifie
au paysage, à l’âme tout entière
de sa frondaison et de moi-même.
Il irait jusqu’au ciel si ce n’était
pour la sève qui le lie encore à l’arbre.
Ce jour viendra. Entre-temps, il écoute
le bruit des oiseaux dans leurs vols,
celui léger du bouvreuil, celui fortement ailé
de l’outarde, vigilant et clair.


//Claudio Rodriguez (1934 - 1999)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Pas aujourd’hui


Je partage avec la nuit sa hâte
du temps, cet impatient passage
circulaire de l’ombre
qui est veille d’une autre ombre
ou cette paresseuse volonté de t’aimer
à partir de demain, lorsque
je t’aurai perdue ainsi que la lumière,
et qu’il ne restera qu’un ultime
délai pour t’attendre
dans la fugacité du jour à venir.


//José Manuel Caballero Bonald (1926 -)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Que faire si soudain tu découvres…


Que faire si soudain tu découvres que tu es habitée
de la tête aux pieds par quelqu’un qui t’est étranger
et qui confond ta langue avec un verbe différent.
D’un côté et de l’autre, le jour il te cherche
en traînant une lampe, et la nuit il sent
ses yeux aveuglés par un soleil d’injustice.

Que faire sinon te jeter dans le tumulte,
crier sous les vagues, secouer avec des bambous
la racine de ton corps,
désirer la mandragore,
proclamer ta sécheresse pour le restant de tes jours
et dormir pour l’éternité sur l’île de Wight.


//Maria Victoria Atencia (1931 -)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Il existait tes mains…


Il existait tes mains.

Un jour le monde devint silencieux ;
les arbres, là-haut, étaient profonds et majestueux,
et nous sentions sous notre peau
le mouvement de la terre.

Tes main furent douces dans les miennes
et j’ai senti en même temps la gravité et la lumière,
et que tu vivais dans mon cœur.

Tout était vérité sous les arbres,
tout était vérité. Je comprenais
toutes choses comme on comprend
un fruit avec la bouche, une lumière avec les yeux.


//Antonio Gamoneda (1931 -)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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