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Citations de Claude de Frayssinet (77)


Marcelo Morales


belle l'après-midi et le soleil des parkings parmi les drapeaux étoilés.
J'aimais son esprit en guerre et j'aimais son cœur en guerre.
J'ai adoré sa médiocrité.

Belle était l'après-midi, quand parmi les concessionnaires automobiles,
belle l'après-midi et le soleil dans les parkings entre les drapeaux des étoiles.
J'aimais son esprit en guerre et j'aimais son cœur en guerre.
J'ai adoré ta médiocrité.
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Survie



Mousse méphitique, adhérence
matinale de l’inerte, jour
après jour m’entraînant
vers un fond d’éponges
rouillées, bulles entêtées
balbutiantes, tentacules
guettant dans les buissons de la nuit.

À tâtons je touche la lumière, les ailes
des heures, j’écoute
les vitres du matin
qui craquent et prennent feu
au centre
de mon rêve, au centre.

De lentes ondes me replacent
dans l’opaque du jour, je cherche
la petite boîte aux herbes, le papier
occasionnel des messages.
                                  Finalement
je saute au rebord de la vie.


/ José Manuel Caballero Bonald (1926 -)
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Scène secrète



Les yeux troublés
par la solitude et le désespoir
(aux heures intruses de la nuit
qui déversent leur silence, leur froid clandestin
dans la maison déserte),
regardent, contournent quelques ombres floues,
dans le vide morne de toute une vie.
Personne n’est témoin de cette lutte sourde
de l’homme avec la peur,
du cœur avec la cendre,
d’un ardent désir avec son inutilité.

Dans cette détresse, qu’est son âme,
il cherche la compagnie d’un miroir
où, en sordide écume,
fixer sa face,
et absorbé, il regarde un visage identique
qui, transformé en monstre et en mort,
disparaît enfin.


// Francisco Brines (22/01/1932 -)

/ Traduit de l’espagnol par Claude de Freyssinet
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Automne dense



Le soir tamise son or entre les branches.
Un nouvel hiver ne tardera pas à venir.
Les feuilles humides du parc brûlent
et au couchant le ciel se disloque
en grappes de nuages pourpres.
Frémissement de lumière sous les auvents.
Les pigeons fécondent la silhouette
obscurcie de chaque promenade.
Les mamelles de l’automne sont pleines.
Des séraphins de lumière meurent
au-dessus de nos têtes étonnées
afin que se tisse, une fois encore, le rêve,
la douce mélodie d’une nouvelle nuit,
la nuit hallucinée des légendes.


//Antonio Colinas (1946 -)

/Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Désolation de miroirs
Hommage à Luis Cernuda



Non ta voix n’est plus tristesse, mais ombre.
Un blond épi de pleurs
te berce comme une belle pénombre.
Ton front altier, aile légère et très fraîche
qui enflamme la nuit.
Sur tes lèvres
passent les fleuves, désirs qui sont nuages.
Tes yeux abattus, vertige de l’amour
et ton corps telle une mer de bonheur.
Seules
tes pupilles son tristes, mais tu chantes.
La mémoire te guette, sa ténèbre.
Tu vis et meurs et meurs en toutes choses. Tu ne rêves plus.
Désolation de miroirs.
Qui donc surveille ?
La lampe s’éteint.

/Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Si au moins je savais d’où ta tête…



Si au moins je savais d’où ta tête
prend son port de ramier amer,
si je savais quel ruban est plus long,
celui de ton désir ou celui de ta tristesse ;

si je voyais d’où ta beauté
tire sa ferme et silencieuse charge,
si l’on me disait qu’elle passion libère
sa nature du fond de tes yeux,

ô gardienne véloce, je te donnerais
une partie de moi-même pour rester
uni à ce qui m’est le plus cher.

Mais il est vrai que je ne sais pas
encore de quelle chose me dépouiller :
de cette douleur ou de ce froid.


// Antonio Gamoneda (1931 -)
/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Il ne faut pas te leurrer
À Carlos Clementson



Tu sais que c’est inutile,
il ne faut pas te leurrer.
Aussi loin que tu ailles
jamais tu ne seras allé loin.
Tu pourras aller et venir
par les cieux et les mers :
Denver, Valparaiso,
les cabanes lépreuses
de Dharbang, l’automne
dans les érables de l’Ontario,
les nuits guaranis,
bleutées et musicales,
les filles des îles,
leurs chœurs ondulants,
leurs seins innocents,
leurs guirlandes souriantes
de bienvenue... Mais
tu sais que la fuite
ne sera jamais véritable,
partout où tu iras
tu retrouveras toujours
cette même tristesse.
Car là où tu seras allé
là tu te retrouveras

19 -XII- 87


//Miguel D’ors (1946 -)
/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Étranger



Extrait 2

Prisonnier de ne pas aimer, il étreint
sa propre solitude. Et il est sûr de lui,
plus sûr que quiconque car il ne possèdera
rien ; et il sait bien que jamais
il ne vivra ici, sur la terre. Comment
connaître celui qui n’aime pas, comment
lui pardonner ? longue journée et plus longue
nuit. Il mentira en sortant sa clé.
Il entrera. Et jamais il n’habitera sa maison.


// Claudio Rodríguez (1934 -1999)
/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Étranger



Extrait 1

  Longue est la journée de qui n’aime pas
et le sait. Il entend les accents
durs et courts de son corps, sa chanson
éraillé, sonnant toujours à lointain.
Il ferme sa porte, la voilà bien fermée ;
il sort et, pour un moment, ses genoux
vont heurter le sol. Mais l’aube
avec une dangereuse générosité,
le rafraîchit et le redresse. Très claire
est sa rue, il l’arpente d’un pied sombre,
et il boîte aussitôt parce qu’il est accompagné
de sa seule fatigue. Et il se voue à l’air :
paroles mortes dans sa bouche vivante.



// Claudio Rodríguez (1934 -1999)
/ Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Cinématographe



Une menace de pluie, par exemple,
la toiture tutélaire
de l’automne domestique, la buée
du salpêtre qui se dépose
sur les lentes balustres
de la nuit, la torride humidité
des cruches, tout
ce qui en principe survit
sous le contrôle de la persistance
des images sans nom, me confine
dans un enclos de doutes
proches de la stupeur, et j’ai du mal
à me représenter depuis combien de temps
j’aime une histoire que je n’ai jamais vécue.


//José Manuel Caballero Bonald (1926 -)
/Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Qu’y pouvons-nous ?


Et maintenant
l’âme vide une fois
encore,
je contemple le lent partage des jours
qui me poussent vers je ne sais quel destin
sombre, pressenti
sans curiosité aucune. C’est ennuyeux
de savoir et de ne pas savoir, de se tromper
et d’avoir raison. Et d’être sûr de soi
est aussi insupportable dans bien des cas
que douter, céder, se décomposer.

Rassuré, sain et sauf, maintenant
que la douleur est passée,
j’observe l’inquiétude comme s’il s’agissait d’une trace
fondue sur mon dos
avec l’épais limon
des évènements quotidiens, voués
‒ avant que d’être des souvenirs – à l’oubli.

L’indifférence face à son propre sort
n’est pas meilleure compagne que l’angoisse,
et mon sourire
(quand le hasard nous met,
                  mon vieil amour,
                               face à face)
ne représente autre chose que l’absence
d’un geste plus juste
pour signifier la sèche, la douloureuse,
l’irréparable perte des larmes.


//Angel González (1925 – 2008)
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Le balcon donne sur le jardin…


Le balcon donne sur le jardin. Les murs bas
et harmonieux. Le grand portail fermé.
Un homme entre sans lumière, il écrase
les buissons de jasmins, ses pieds
gémissent, il ne regarde rien. Septembre
recouvre la terre, de lents nards montent
et les pigeons élèvent de leurs ailes
l’air, le soleil, et la mer repose tout près.
Le vent ne brûle plus. Dans ses pas, l’eau
arrose lentement l’alentour, les seringas
s’offrent en chœur. Les insectes grimpent
pour vivre sur les feuilles. Une barbe
repose sur sa poitrine, il poursuit sa marche
dans le noir. Il sème la mort, oiseaux
noirs dans le ciel, feuilles qui tombent,
et l’eau qui reste figée dans la glace.
Le jardin est misérable, et l’absence
l’habite déjà comme s’il s’agissait
d’un cœur... terre jadis verdoyante.
Il passe la petite porte. Des hurlements
viennent de la campagne, et une ombre froide
pénètre sur le balcon, c’est un souffle
de mort puissante. C’est la maison
qui peu à peu s’écroule, humide et solitaire.


//Francisco Brines (1932 -)
/Traduit de l’espagnol par Claude de Freyssinet
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Lumières de printemps


Parfois le ciel plombé s’entrouvre et un rayon de soleil
descend sur cette terre humide et vaporeuse.
Un rayon de soleil descend sur le gracieux amandier,
une flèche d’or descend sur les eaux mortes,
une très pure lumière descend sur le gazon obscur.
Parfois le ciel s’entrouvre et la pluie cesse
de résonner sur les peupliers, les vieux toits.
Un air frais passe dans les rues vides.
Un oiseau craintif se lance à chanter.
Les rideaux cendrés du ciel se déchirent
et un rayon pur traverse l’atmosphère hivernale.
Alors sur la terre, sur les chemins profonds
du sang surgit une fièvre, une ardeur,
et tout joyeux nous pensons au nouveau printemps
qui viendra enlacer nos corps avec ses bras de lumière.


//Antonio Colinas (1946 -)
/Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Ulysse
À Antonio Muñoz Molina


Le soir se dépouille de ses pigeons
quand les ombres nous assaillent,
et la ville occulte ses peurs
comme une bête à l’affut qui attend la nuit
pour assouvir de vieilles rancœurs contre ses fils ;
Sur les vieux murs, souillés par la pluie,
les réclames sombres de la mort
sous un ciel de mars sans contrastes.
Nous parcourons les rues tel un rite,
solitaires et absents, à la recherche
du visage qui nous sauvera, nous terrassera.


//José Gutiérrez (1955 -)
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La solitude de la mer est le meilleur exil


... Et la mer n’est pas sombre limite, mais exil.
Tous mes désirs s’y réalisent.
Au loin, quelqu’un m’imagine
étranger en terre étrangère.
Il ne connaît pas cette musique :
celle de la mer, sa rumeur
gonflée par les pluies, ou ces mouettes
qui laissent une traînée de lumière
dans l’air dense du matin hivernal.
La solitude de la mer n’est pas menace,
mais île où j’habite avec moi-même.
Tous mes désirs s’y réalisent
et le temps ne complote pas contre l’homme.
En ce matin d’hiver quelqu’un
m’imagine étranger,
et qu’il est doux de le savoir.


//José Gutiérrez (1955 -)
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Blues de l’escalier


Une femme monte l’escalier
avec un chaudron rempli de peines.
La femme monte l’escalier
avec le chaudron de ses peines.

J’ai croisé une femme dans l’escalier
qui a baissé les yeux en me voyant.
J’ai croisé la femme et son chaudron.

Je n’aurai plus de paix dans l’escalier.


//Antonio Gamoneda (1931 -)
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Comment appeler l’oiseau…


Comment appeler l’oiseau
pour que du vers il se lève
et s’envole et s’égare
de branche en branche, comment ? Comment appeler
                                          [le fleuve
sans interrompre son chant ni taire son écoulement ?
Comment faire pour que le nom de la rose
conserve son parfum ? Comment dire sable
et sentir la caresse d’une main dorée,
et comment faire pour que le soleil et le vent,
le feu et les automnes demeurent
dans le poème ? Ah, où apprendre cette magie
de disposer le nom des choses
de façon à ce que le lecteur de nos vers
revienne maculé de salpêtre,
brûlé par le soleil et réconforté
par le feu sauvage du brasier
par nous allumé avec deux ou trois mots ?

                                25-II-74


//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Don de l’ivresse


IX

Extrait 2

Que tout finisse ici, que tout finisse
une fois pour toutes ! La fleur vit
si belle parce qu’elle vit peu de temps
et pourtant, comme elle se donne, entière,
oubliant la fleur qu’elle est pour devenir
élan d’offrande. Hiver, bien que
le printemps ne te suive pas, tire
de mon corps ce qui est mien et sème-moi,
pollen inutile qui se perd dans la terre,
mais qui a été de tous et de personne.
Sur le désert immense, le serein
est pinède dans l’air, air dans l’air,
serein pour ma seule sécheresse.
Sur la voix qui va creusant son lit,
quel sacrilège ce corps, corps
qui ne peut être hostie d’offrande.

//Claudio Rodriguez (1934 - 1999)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Don de l’ivresse


IX

Extrait 1

  Comme si jamais elle ne m’avait appartenu,
à l’air offrez ma voix et que dans l’air
elle soit à tous et que tous la sachent
comme on sait un matin ou un soir.
Avril ne va pas sur la seule branche,
de même l’eau n’attend pas le seul étiage.
Qui pourrait dire que le vent lui appartient,
et la lumière, et le chant des oiseaux
où la saison exulte, plus encore quand,
la nuit venue, elle brûle dans les peupliers
avec une si dangereuse retenue ?


//Claudio Rodriguez (1934 - 1999)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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Don de l’ivresse


III

Extrait 2

Je suis comme lui [le chêne]. Ah, chêne au bois
plus sombre encore que celui du rouvre,
qui me comble de joie, joie si intense
quelques instants avant le crépuscule,
redoublée maintenant. Comme l’avoine
que l’on sème à la volée, et qu’importe
si elle tombe ici où là si c’est sur la terre,
l’ardeur contenue de la pensée peu à peu
s’infiltre dans les choses, les entrouvrant
pour y laisser sa splendeur, et leur donner
ensuite un nouvel éclat intérieur.
C’est vrai, car sans moi, que saurait
le chêne de la mort ? Réels sont chez lui
l’intimité, l’instinct, la spontanéité
de l’ombre ô combien fidèle ? Réelle est
ma vie ainsi, dans ses feuilles persistantes
au cœur de ce printemps à moitié déchiffré ?

//Claudio Rodriguez (1934 - 1999)
//Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet
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