L'écrivaine Stéfanie Clermont vous fait découvrir des extraits de son recueil de nouvelles le jeu de la musique (Le Quartanier, 2017). L'année suivant sa publication, cette oeuvre a récolté une mention spéciale au Prix des cinq continents de la Francophonie, une récompense littéraire créée par l'Organisation internationale de la Francophonie. // Empruntez le jeu de la musique en format numérique http://bit.ly/SClermont
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Dans l'autobus, un enfant prend appui sur moi pour se lever (sans me regarder, sans s'excuser) et je suis comme déliée par sa petite main qui me touche sans m'envahir, qui me fait confiance sans me connaître.
(L'enfant)
A Montréal, il y a beaucoup plus d'occasions de rencontrer des gens, de développer des liens de confiance, de créer des groupes affinitaires (nécessaires à la lutte). Je ne veux pas me sauver moi uniquement, je ne veux pas être individualiste. Il faut être stratégique : il y a plus de possibilités de lutte en ville (du moins pour le moment).
Quelles seraient mes options de vie sociale à la campagne ? A) me retrouver dans un collectif polyamoureux, B) devenir l'ermite du village, au détriment de ma santé mentale, C) essayer de m'intégrer à la culture du village, au détriment de ma santé mentale.
(L'employée)
Tahar s'est assis au piano, (...). Il n'avait pas de partition devant lui. Quelqu'un a toussé dans la salle. Tahar portait une chemise blanche trempée de sueur. On voyait sa peau, son poil au travers. C'était le seul parmi nous qui portait de vrais souliers propres. Il émanait de lui un mélange de feu et de glace, comme s'il était à la fois la personne la plus saoule et la plus sobre de l'assemblée (...). Tahar a fait un signe de tête comme pour dire je suis prêt. A qui s'adressait ? A lui-même ? A Vincent ? Je me lance, a-t-il fait de la tête, et il a commencé à jouer du piano.
(Adieu)
Points faibles de la ville : il n'y a pas de vie, sauf la vie humaine. Il n'y a pas de lacs, de rivières, de forêts. Il n'y a pas de chevreuils, de clairières, de poissons. A peine quelques étoiles un soir sur dix. (...) Si je reste ici, je mourrai peut-être sans avoir jamais vu un renard.
(L'employée)
J'aurais voulu que leur amitié représente pour moi une température idéale qu'on oublie, plutôt que ces espèces de bouées de sauvetage, ces remèdes de grand-mère, ces bouteilles de forts tendus, ces sourires tristes...
Tout est une partie de chance, tout commence bien et finit mal ou commence mal et finit bien avant de continuer, avant de ne jamais vraiment finir.
Une habitude, c'est quelque chose qu'on fait sans y penser, qui s'insère comme une pulsation dans le rythme de la vie.
Une habitude, c'est quelque chose qu'on fait sans y penser, qui s'insère comme une pulsation dans le rythme de la vie.
J'espère qu'en continuant à lire, à travailler, à faire ce que je fais quand je ne dors pas, à faire de mon mieux, je ressentirai de la tendresse, assez de tendresse pour attirer à moi ceux à qui je voudrais donner ma tendresse. Toujours, il faut fouiller la foule à la recherche d'êtres humains.
(Réunis)
Ces lieux tranquilles où vivre et mourir en paix, il n’y en a presque pas. Il n’y en a presque plus. Et moins il y en a, moins on se souvient de cette autre vie, celle qui commence dans le ventre et qui éclate dans la gorge, dans les yeux, dans le sexe, dans nos langues qui touchent au soleil.