Pour ce roman, je n’ai guère eu besoin de faire des recherches. J’ai tissé l’ombre du personnage principal durant un quart de siècle. Il était aussi réel que cette lune qui semble emballer les nuits blanches pour les offrir comme cadeaux le jour de la libération. Seules les jeunes fées et la peur des papillons disposent d’une totale liberté. L’arbre vit la tête dans les nuages et apporte la pluie. L’eau des puits s’agite par peur de la sécheresse, l’homme compte les trahisons sur un échiquier et rit : Que Dieu nous préserve de pire encore !
Il était revenu avec le désir de lutter contre tous ceux qui violaient de manière flagrante les droits de l’homme, le même désir qu’à son départ, mais à présent raffermi, renforcé. Était-ce le succès qui lui donnait cette immense confiance ou était-ce simplement le regard autour de lui qui suffisait à le motiver ?
Aussi petits que des allumettes, les gens foisonnaient, sur la place et dans les rues, comme dans une fourmilière mal construite. Ils semblaient être un troupeau sans maître, à la dérive. « Tout le pays est ainsi : un iceberg mis en isolement et qui se dégrade progressivement, lentement mais sûrement. Le temps s’est déréglé et n’a plus l’odeur de l’Histoire ». Il secoua la tête comme pris de convulsions : « Heureusement que j’ai fait ce qu’il fallait… » . Il avait l’impression de retourner directement d’un mariage royal à l’enterrement collectif d’une tribu médiévale suicidaire ».
(p. 14)
NOSTALGIE AFFAMÉE
le rêve se glisse dans le matin,
la rosée lui arrive à la cheville,
il oublie tour à tour chaque baiser de la nuit vieillissante,
éloignée et cousue par les feuilles du ciel.
l'âme s'emplit de solitude
près des statues froides et entourées d'étoiles orphelines
devenant plus lourde que la terre.
nous laissons s'échapper quelque soupir dans la rosée,
toi un soupir, moi un autre, tour à tour, comme une infinie nostalgie.
jusqu'où, jusqu'à quand confectionnerons-nous des jouets de cette nostalgie affamée?
des saints sans le sou font la manche en marge du pays
devant 1'obscurité,
derrière l'obscurité,
la lumière ne pousse qu'à la verticale.
promenades diffuses
je promène ouvertement mon sang dans les couloirs
de l’hôpital nommé Roumanie.
les médecins fuient, terrifiés par la fureur des pierres contenues
dans les larmes,
celles qui s’effondrent dans l’enfer
en comptant jusqu’à la première audition.
elles reviennent ensuite avec des soldes d’automne,
en sifflant les feuilles par la douleur du monde démolies.
quelle avalanche de douleur recouvre la nuit,
mais aussi le jour où les fleurs fleurissent à Floreasca !
la poésie a été transportée ici, à l’hôpital,
par le premier poète oublié,
qui avait une immense nostalgie à la place du cœur.
les médecins n’ont pas réussi à l’extirper
et il est resté mi-triste mi-ébahi.
mon sang l’a rencontré —
ils se sont statufiés ensemble
dans la salle ambulatoire fraîchement repeinte.
le bonheur n’est pas à la portée de n’importe qui.
des saints sans le sou font la manche en marge du pays —
devant l’obscurité,
derrière l’obscurité,
la lumière ne pousse qu’à la verticale.
sur mon ordonnance,
le docteur Plugaru Gheorghe a écrit :
reste collé à elle,
c’est elle l’opération qui dépasse l’éclair.
"l'instant est la plus haute passion.
les étoiles ne peuvent être vendues sans lumière,
elles ne peuvent même pas être comptées
il y a trop de ténèbres autour d'elles,
c'est peut-être pour cela qu'elles sont si précieuses."
(Extrait du poème "de nouveau, un jour")
"dans le sable sous les océans
des rêves tu as ourdis et juré de me rendre heureux.
je frissonne, sur le ciel je compte chaque nostalgie,
je frissonne, je frissonne, les automnes bruissent sous les nuages.
chaque départ est un mystère, un secret
seul notre visage, au loin, est une histoire.
(Extrait du poème "des rêves tu as ourdis")
nostalgie affamée
le rêve se glisse dans le matin,
la rosée lui arrive à la cheville,
il oublie tour à tour chaque baiser de la nuit vieillissante,
éloignée et cousue par les feuilles du ciel.
l'âme s'emplit de solitude
près des statues froides et entourées d'étoiles orphelines
devenant plus lourdes que la terre.
nous faisons s'échapper quelque soupir dans la rosée,
toi un soupir, moi un autre, tour à tour, comme une infinie nostalgie.
jusqu'où, jusqu'à quand confectionnerons-nous des jouets de cette nostalgie affamée ?
Je vivais dans un somnambulisme où le cauchemar était le bonheur suprême.