Les figures de style, c'est un peu comme Monsieur Jourdain et la prose: Monsieur et Madame tout-le-monde en construisent, en usent, en abusent parfois, tous les jours, sans le savoir … Elles sont partout : dans la poésie bien sûr, mais aussi dans les slogans publicitaires, dans les discours politiques, dans «tout ce qui est matière à endoctrinement », écrit Henri Suhamy …
A l'époque déjà, César du Marsais, grammairien du XVIIIème, écrivit : « En effet, je suis persuadé qu'il se fait plus de figures en un seul jour de marché à la halle, qu'il ne s'en fait en plusieurs jours d'assemblées académiques ».
Par exemple, nous faisons une catachrèse quand nous utilisons le nom « technologie » au lieu du mot « technique ». Une apocope quand nous parlons de l'interro du prof de math. Une anacoluthe quand l'urgence d'une pensée fait violence à la logique formelle du discours, quand les idées vont plus vite que la langue ou le stylo ….
D'emblée, l'auteur précise le but de l'ouvrage, constituer un inventaire facile à consulter des figures de style. Et je trouve que c'est tout à fait réussi. C'est concis, complet (enfin je pense), précis. Et dense. L'auteur passe en revue près de 200 figures de style, qui sont regroupées en six catégories (les tropes, les figures d'amplification et de répétition, les figures de construction, les figures de mise en valeur, les ellipses et les figures de pensée) et indexées. La plupart d'entre elles sont illustrées par un exemple. Je regrette juste que l'auteur, par ailleurs fin spécialiste de Shakespeare et de Walter Scott, emprunte certains exemples à l'anglais, à l'espagnol ou au latin, langues que je ne maîtrise pas assez pour en goûter toutes les beautés et subtilités.
Je referme cet ouvrage, la tête remplie de belles phrases. Et tellement contente d'être née en Francophonie (bien qu'il ne soit bien sûr question que de hasard ici). D'avoir été biberonné à cette magnifique langue, si inventive et si riche, qu'est la langue française.
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Le langage métaphorique instaure un troc universel, grâce auquel les objets échangent leurs services et leurs propriétés. Il y a des rivières qui brillent de mille diamants, et des diamants qui coulent en rivières.
Toute langue est un jeu de règles en nombre limité, mais dont les possibilités combinatoires sont infinies ; toutes les tournures y sont contenues virtuellement, et c’est dans le choix et la découverte de ces virtualités que réside toute activité stylistique.
Dans le cas de la métaphore érotique ou grivoise, les signifiés sont toujours sexuels, tandis que les signifiants appartiennent à des domaines variés et renouvelés avec un acharnement donjuanesque. Ce code à signe variable est conçu pour braver la bienséance, mais de façon hypocrite et rusée.
Les figures [de style] enrichissent le fonds commun de la langue, même s’il faut payer cet enrichissement par un poids mort de clichés.
Loin d’apparaitre comme des fioritures, les figures acquièrent une valeur anthropologique, deviennent des modèles, des figures en effet, qui dessinent en filigrane l’ossature de la pensée représentative ou créatrice.