Autarcies par Damien Artero
Delphine, Damien, Luce (7 mois) et Lirio (3 ans et demi) ont traversé en tandem pendant plusieurs mois le nord de l'Espagne et toutes ses zones montagneuses pour enquêter sur les communautés autonomes et les écovillages.
www.planeted.eu
Tournage durant le 7ème festival PARTIR AUTREMENT 2014 (12 et 13 avril 2014 à Paris).
Merci de votre indulgence pour la qualité de l'image de cette première édition d'ABM-TV. Nous n'avions pas de réalisateur, et les « caméras » nous ont été prêtées.
La prochaine édition (au festival des globe trotters 2014) sera effectuée par un réalisateur audio-visuel.
Initiative et présentation : Stéphane Clément
Assistant : Norbert Gabry
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Louise : "Papa ?"
Ezekiel : "Oui ma fille."
Louise : "Je voulais te demander... Maman et toi..."
Ezekiel : "Mmmm... ?"
Louise : "Vous vous êtes toujours aimés ?"
Ezekiel : "Laisse moi réfléchir un instant. Cela dépend de ce que tu entends par là. Le coup de foudre est une expérience rare. Nous avons été d'abord amis, un long moment, avant de tomber amoureux. Donc techniquement, non, nous ne nous sommes pas toujours aimés d'amour."
Louise : "Oui, mais je veux parler d'après. Après tomber amoureux, après ma naissance. Après. Tout le temps. A l'époque."
Ezekiel : "Que veux-tu savoir exactement, ma fille ?"
Louise : "Je crois que je veux savoir comment on fait pour aimer cette personne qui a fait battre notre coeur un jour, alors que tout dans l'existence je crois, tout dans notre nature même, nous pousse inexorablement au changement, à la diversité, au renouvellement, à la lassitude."
Ezekiel : "..."
Louise : "..."
Ezekiel : "..."
Louise : "Ça te laisse coi ?"
Ezekiel : "Quoi ?"
Louise : "Oui."
Ezekiel : "Hein ?"
Louise : "Alors ?"
Ezekiel : "Songeur."
Louise : "Il s'est passé quoi entre toi et Maman quand j'étais môme ? Il ne s'est pas passé quoi entre toi et Maman quand j'étais môme ? "
Ezekiel : "Eh bien... tellement de choses tu sais."
Louise : "Papa."
Ezekiel : "..."
Louise : " N'élude pas."
Ezekiel : "Soit."
Louise : "Je me rappelle des moments..."
Ezekiel : "..."
Louise : "J'ai des souvenirs imprécis et confus. Des moments où l'ordre des choses tel que je le percevais n'était pas conforme à mon attente naturelle. Au scénario, naïf peut-être, mais légitime, qu'une petite fille se fait de sa vie de famille. J'étais surprise de vous voir soudain échanger un geste de tendresse. Pourquoi étais-je surprise de voir mes parents se toucher ?"
Ezekiel : "..."
Louise : "Ça remonte loin. Mais j'y pense parfois."
Ezekiel : "..."
C'est le summum du raffinement : un littoral verdoyant et déchiqueté, creusé par les vents et la pluie, remodelé par les éruptions, en lisière d'un véritable désert minéral sans âme qui vive ; une amplitude météorologique déroutante, avec de la neige en plein été et des hivers parfois radieux, des aurores boréales cristallines ; et puis, une densité de population d'environ trois habitants au kilomètre carré, soit - l'imagines-tu ? - trente fois moins qu'en France, pour un pays classé au deuxième rang mondial du développement humain.
Quelque part dans le triangle des Bermudes formé par le Groenland, la Norvège et l'Écosse, l'Islande est comme un petit piranha échoué dans l'Atlantique Nord et dont la gueule béante défie le continent européen...
Ce pays, nous l'avons parcouru ensemble. Ta maman, toi, et moi. Pendant les quelques mois qu'il a fallu à notre tandem pour faire le tour d'une île méconnue, puis la traverser par son centre, tu as tout vu, tout humé, tout senti. Caressée, l'herbe verte où demeurent douillettement les macareux. Ils détournaient leurs becs extravagants, comme pour mieux tendre l'oreille au doux murmure de notre pédalage. Entendu, le cri strident des petites sternes arctiques, agiles et racées, qui défendent leur progéniture avec tant d'agressivité quand on approche de leur nid.
Le voyage est peut-être la meilleure école. Pas nécessairement parce qu'il est déplacement, mobilité. Pas tout à fait non plus parce que l'ivresse de liberté qu'il donne à goûter nous enseigne à aimer tant la vie. Non, mais sans doute parce que le voyage, c'est la différence. Le contraste. La confrontation. Le voyage, c'est l'autre. Bien sûr, voyager, même toute une vie, n'apprend pas tous les autres. Mais cela nous montre, au moins, qu'un autre existe. Comprendre ça, c'est déjà grandir un peu.
C'est curieux comme tout revêt plus de sens quand on le fait pour son enfant. Avec son enfant. On revit. Ou bien vit on par procuration,? Retrouve t-on une dimension, peut-être, perdue? Qu'Est-ce qui nous arrive au passage à l'âge adulte, et nous fait croire que notre vie est derrière nous? Qui sommes-nous pour nous sentir si blasés que seul l'œil neuf d'un bébé nous ressuscite vraiment? Pourquoi fait-on mille fois pour son enfant ce que l'on ne prend pas la peine de faire une fois pour soi ?
Si l'Islande est un périple saisissant dans l'image et le décor, c'est aussi comme un voyage dans le temps. On a rendez-vous ici avec la genèse du monde. La naissance de la vie. Un curieux parallèle s'impose à moi. Cette atmosphère m'évoque les premiers instants de l'amour, cet infime et éternel moment où l'on sent que tout est possible. Que tout est à venir et que tout est neuf.
L'Islande. Voilà un pays singulier.
Vieux comme le monde.
Et neuf comme l'amour.
C'est un monde parallèle façonné par les humains pour les humains et qui finalement les déshumanise. Le monde moderne. Qui a exclu les éléments. Qui n'est pas, comme la campagne, fait de bric et de broc, mais de plus en plus souvent, de fric et de toc.
Et je le crois, quiconque ne connaît que ce monde-là n'est pas vraiment vivant.
"Ce que je vois, c'est un des plus beaux vides qui soient.
- Exactement. J'aime particulièrement quand nos voyages nous amènent là où la trace de l'homme s'efface.
- Elle ne s'efface jamais tout à fait.
- Non, mais ici, au moins, on peut y croire.
- On peut croire à tant de choses...
Un enfant est une mine de joie de vivre a ciel ouvert. Tout le monde y puise au passagd, qui un sourire, qui un jeu ou un calin échangé, et plus on partage, plus il y en a: nous sommes ainsi faits que plus nous aimons, plus nous avons de coeur.