Citations de Damon Galgut (53)
Say you’re sorry and it’s over. It’s just words. Why does it matter so much? You’re a lawyer. You should know that words are everything.
Excusez-vous et ce sera résolu. Ce ne sont que des mots. Pourquoi en faire toute une histoire?
Vous êtes avocat. Vous devriez savoir que les mots sont tout.
Plus grand-chose n’étonne Anton, à part lui-même, occasionnellement. Les enquêteurs en ont vu d’autres, aussi. Ce meurtre ? Une banalité. Vous auriez dû être avec moi rien que la semaine dernière. Toutes les raisons sont bonnes. On a par moment l’impression que les Sud-Africains se tuent par plaisir, pour de la petite monnaie, à cause d’un désaccord de rien du tout. Coups de feu, coups de couteau, strangulation, incendie, empoisonnement, étouffement, noyade, tabassage/mari et femme se massacrant mutuellement/infanticide ou parricide/inconnus butant d’autres inconnus. Des corps jetés négligemment par terre comme un papier froissé ne servant plus à rien. À chaque fois des gens vivants, ou plutôt qui l’étaient, produisant des ondes de chagrin en cercles concentriques, dans toutes les directions, peut-être pour toujours.
Nous nous élevons de la nature à la culture, mais il faut lutter pour rester juché sur son perchoir, sinon la nature nous fait redescendre.
Le vieux révérend est grand, indolent, avec des cheveux bruns ondulés plaqués sur le côté. Sa sœur Laetitia, qui veille sur lui et sa maison, n’étant pas la championne du repassage, son allure générale a quelque chose de chiffonné. La peau de ses mains, son cou et son visage, tout ce qui est visible chez lui est ridé et flasque, et ne donne pas envie de découvrir le reste sous les vêtements.
La maison est vide à cet instant. Désertée depuis quelques heures et apparemment inerte, pourtant elle remue imperceptiblement, le soleil se déplace dans les pièces, le vent fait vibrer les portes, une dilatation par-ci, une contraction par-là, elle émet des craquements, des rots et des grincements discrets, comme n’importe quel vieux corps. Elle a l’air de vivre, une illusion fréquente avec les bâtiments, à moins que ce ne soit notre façon de les considérer, d’attribuer aux fenêtres des yeux, une humeur, une expression. Personne pour en témoigner, cependant, rien ne bouge hormis le chien qui se lèche tranquillement les testicules dans l’allée.
Amor pense à la ferme pour la première fois depuis longtemps. Elle a appris, a peut-être toujours su, qu’il est préférable de ne pas regarder en arrière si l’on veut avancer.
Survivre n’a rien de formateur, c’est seulement humiliant.
Dans toute vie humaine, chaque chose est unique.
…it’s the Rugby World Cup semi-finals, South Africa is playing France later, and the pavements throb and throng with bodies. Never did the middle of town look like this, so many black people drifting casually about, as if they belong here. It’s almost like an African city!
Ceux sont les semis-finals du championnat mondial de rugby, l’Afrique du Sud joue contre la France, les trottoirs sont engorgés de monde. Jamais le centre ville n’a été comme cela, tant de noirs flânants comme s’ils étaient chez eux. On se croirait dans une ville africaine !
( Nous sommes en 1995 à Pretoria, l’Apartheid a été aboli, c’est un blanc qui parle).
Ce matin, j’ai vu une dame au nez doré. Elle était à bord d’une Cadillac et tenait un singe dans ses bras. Son chauffeur s’est arrêté et elle m’a demandé d’une voix métallique : "C’est vous Fellini ? Pourquoi est-ce que dans vos films il n'y a pas une seule personne normale ?"
Federico Fellini
(page iv).
La plupart du temps, les mots éloignent la peur.
Elle n'est pas pressée de déballer ses affaires, pas encore.Inutile de précipiter l'atterrissage. Garde un peu de l'illusion d'être en mouvement, sans attaches.
( p.116)
Tu es une branche qui perd ses feuilles, qui cassera un jour. Et puis quoi ? Et puis rien. D'autres branches rempliront l'espace. D'autres histoires s'écriront sur les tiennes, effaceront chaque mot. Y compris ceux-là.
Avec le temps, les appréhensions d’Astrid n’ont pas diminué. Elles ont même plutôt empiré. Quand les Noirs ont pris le contrôle du pays, elle a cru devenir folle, les gens faisaient des réserves de nourriture et achetaient des armes, c’était la fin du monde. Or il ne s’est rien produit, tout a continué comme avant en plus agréable, l’ambiance était au pardon et il n’y avait plus de boycotts. S’inquiéter pour sa sécurité à longueur de journée n’a rien de plaisant, naturellement, mais en contrepartie, les affaires de Jack prospèrent. Comme jamais. Et chez eux, cela va sans dire, ils disposent d’un système de protection haut de gamme.
Dans le corbillard, je veux dire la maison,une peur inexprimée à reflué, même si personne ne sait pourquoi ni ne l'exprime vraiment.La plupart du temps,les mots éloignent la peur.(p.24)
Dans cette maison, tout est habillé de matériaux coûteux, acier, marbre, verre, et si un peu de bois apparaît ici ou là, cela, un monde de revêtements raffinés, façonnés comme ceux-là. Tu réalises à quel point tout est rugueux à la ferme, en angles et en rebords saillants. Authentique, dirait Pa, mais qui a besoin de vérité ? Cela est tellement mieux. (p. 86)
Rachel était une femme sociable, elle avait beaucoup d'amis, mais c'est surtout la branche juive de la famille qui s'entasse sur les bancs.Comme chez les Afrikaners, à cet égard, le sang est la plus épaisse des colles.(p.77)
Astrid fond en larmes. Toujours se purger. De par son tempérament, Astrid a facilement adopté le catholicisme ou, pour le formuler autrement, sa conversion lui a semblé naturelle. Sa foi nouvelle, perçue comme un genre de vêtement imperméable dans lequel son être s’est glissé, ne l’empêche pas d’agir selon ses peurs et ses désirs, tout en lui fournissant un moyen de s’en laver ensuite. Elle recevra une pénitence, le compteur de son karma sera remis à zéro, elle jurera au prêtre de suivre ses instructions, de ne plus jamais, jamais, s’égarer, et sera profondément sincère.
Vous pensez que le péché d'adultère est pire, mon père, quand il est commis avec un Noir ?
(p. 175)
Le prêtre a enfilé ses plus beaux atours,
un paon version humaine.