Ici dans son rôle de dramaturge:
"L'invisible" de Marie Brassard au Mois Multi 2010. Dans sa dernière création, en parlant de transparence, de séparation entre les mondes, de ces changements qui influencent nos perceptions et d'invisible, Marie Brassard pousse très loin l'idée de rencontre des langages scéniques. Dans un espace dépouillé et très esthétique, la trame narrative n'est plus seulement le texte et la voix mais aussi, et peut-être plus encore, la lumière et le son ; par leur force impressionniste, ils deviennent la matière sous-jacente du récit. Cette uvre théâtrale radieuse jette un regard sur l'Histoire, sur la vie et sur l'intime relation liant le temps, l'espace et la mémoire.
Une production Infrarouge (Montréal),
Texte, mise en scène et interprétation : Marie Brassard
Composition musique et son : Alexander MacSween
Lumières, composition musique et son : Mikko Hynninen
Dramaturge : Daniel Canty
Scénographe : Simon Guilbault
Film 16mm : Karl Lemieux
Assistante du scénographe : Julie Measroch
Direction technique, régie son : Frédéric Auger
Régie lumière : Laurent Routhier
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« Il faut se rendre à l'évidence que la fiction est composée de la même matière que nous. Qu'elle fait aussi partie de la réalité. Ses pouvoirs d'enchantement sont le prolongement de notre nature humaine. Il n'y a donc pas de littérature fantastique, ou il n'y a qu'elle. » (Canty, 2018)
Quel lecteur qui se respecte n'a jamais cru atteindre, entre les pages d'un livre, le coeur caché des choses, battant la chamade au revers des apparences?
Le vent pousse la Blue Rider vers l'intérieur des terres, entre les blés répétitifs, jusqu'à Lafayette. De l'Empire des Français d'Amérique, il ne reste que les noms imprononçables pour la plupart de leur descendance locale. Ils ont l'étanchéité insignifiante des sons purs, mais ils permettent à ceux qu'en possèdent le secret, de discrètement voyager à travers l'oubli.
Je ne suis plus l'enfant que j'étais, je ne suis pas l'homme que je croyais devenir, mais je leur ressemble.
Le monde est un rêve dont le sens exact échappe aux vivants. Des dinosaures grands comme des tours se sont liquéfiés dans l'humus pour permettre aux voitures futures d'avancer. Dans nos cerveaux fossiles, nous conservons la mémoire d'ordres anciens, sommeillants, sombrés au fin fond de notre conscience. Un météore a mis fin au monde qui a précédé l'humanité, a embrasé le jour comme une déflagration nucléaire. Un hiver de malheur a obscurci le soleil. Sous le ciel inhospitalier, étouffé par les cendres, le monde a pris fin, pour recommencer au volant d'une voiture, des millions d'années plus tard, à l'heure du cinq à sept.
Je vous propose donc, au terme de votre prochaine baignade, et ce, même si vous êtes de ceux qui préfèrent les douches, de vous attarder au bouchon de la baignoire et à la béance cyclopéenne par où sont emportées les eaux usées. Dans la mer intérieure qui s'étale en secret sous les maisons, nos fantasmes tourbillonnent jusqu'au coeur caché des choses, où grandit patiemment une part de nous qui échappe à notre compréhension et qui attend notre retour.
Men in black. Uniformes de douaniers, complets de la bande à Capone, des hommes d'affaires, des avocats et des agents d'assurances. Hommes au noir. Pauvres passe-frontières, forcés de se glisser aux États-Unis sous les auspices de la nuit; leurs noms rayés des formulaires officiels. En noir ou au noir, travailleurs de l'ombre : hommes de main ou hommes à tout faire.
Objects in the past are closer than they appear.
Les livres, emportés dans le cours du temps, savent tôt ou tard retrouver leur chemin vers nous.
Je réfléchis, en constatant l'abondance de l'offre des télétransmissions sportives, que les chaînes câblées conspirent, en entretenant ce loisir perpétuel, à détourner l'attention du citoyen de ce qui se passe droit devant ses yeux.