Il lance un regard à la femme assise par terre à coté du panneau publicitaire, devant la clinique, une très jeune femme. Elle tourne vers lui ses yeux gris, presque transparents, et il reconnait cet éclat blanchâtre, ces pupilles comme des couteaux. Ses joues sont rougies par le froid, elle porte ses mains à sa bouche pour les réchauffer et il constate qu'elles sont rouges, elles aussi. Rouges et crevassées, gonflées, rugueuses, comme les mains d'une vieille paysanne.
Il sent dans sa poche le sac avec les gants, comme un cœur qui bat. Il a deux paires, il pourrait lui en donner une, même si ce sont des gants pour enfants. Cette femme lui est familière, il a déjà dû la voir, peut-être à la sortie du supermarché où il va quelques fois après l'école avec son fils. Il connait ce regard, ce mouvement de tête. Entre elle et lui, il y a une affinité, sinon une relation, autre chose en tout cas qu'un rapport froid et anonyme. "
L’ascenseur met du temps à arriver, il est bondé, les passagers s’écartent pour le laisser entrer, comme un banc de poissons qui se sauveraient en ondulant à l’approche d’un requin. Page 123