Confidences d'écrivaine avec Audrée Wilhelmy, révélée il y a 10 ans grâce au court et percutant roman Oss. Depuis, l'autrice a tracé son chemin littéraire à travers des forêts, si précieuses dans ses romans, en explorant l'animal et l'humain, la sexualité et les corps, la famille et la maternité, le silence et la nature. Son plus récent roman, Plie la rivière, est paru en septembre dernier. La journaliste Danielle Laurin assurera l'animation.
Avec:
Audrée Wilhelmy, Auteur·rice
Danielle Laurin, Animateurrice
Livre:
Plie la rivière
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#slm2021
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Comment ça se fait qu’un homme qu’elle connaissait à peine, qui était dans sa vie depuis seulement deux ans, passe en premier, autrement dit,avant ses enfants ? Comment pouvait-elle aimer un homme qui venait d’entrer dans sa vie davantage que les enfants qu’elle
avait mis au monde ?
Je le comprends, n’importe quel enfant aurait réagi de la même façon, se dira-t-elle, ensuite.Mais elle a pensé, sur le coup, que son fils ne pouvait pas comprendre.
Qu’aimer un homme n’empêchait pas une femme d’aimer ses enfants.C’est complètement différent. Aussi fort,
comme amour,mais complètement différent.
Elle était une mère, oui, mais une femme aussi.
Pourquoi il est si chaleureux, si tendre avec elle sur la
scène, et si indifférent, si rude,parfois, dans la vraie vie ? Pourquoi il semble l’aimer tellement sur la scène et si peu dans la vraie vie ?
Je t’aime, Papa.M’aimes-tu ?
Il est temps pour moi d’en finir avec vous. C’est ce que je voulais vous dire. Impossible, pourtant. Je vous porte en moi, vous êtes encore là. Toujours vivante, pour moi aussi. On y revient toujours à Duras, oui… Ça peut sembler étrange, mais je n’ai pas du tout l’impression d’écrire à une morte. Je voulais que vous le sachiez.
Même si vous êtes morte et enterrée depuis dix ans, c’est plus fort que moi, j’ai besoin de vous savoir là. Même disparue, vous êtes encore là pour moi. Ça aussi, je vous l’ai déjà dit. Je crois bien vous avoir tout dit dans la longue lettre que je vous ai écrite il n’y a pas longtemps.
Il ne lui adresse plus la parole.Elle non plus.Deux semaines que ça dure.Deux semaines ont passé, depuis
qu’elle l'a affronté à coups d’espadrille, en sortant de scène, en Ontario. « Quand ce sera fini, tu ne me retoucheras plus jamais de ta vie. »
Elle repasse la scène dans sa tête,elle se revoit, déchaînée. Aucun regret. Bien fait pour lui.
Deux semaines que ça dure, qu’ils ne se parlent plus, quand il s’approche d’elle,doucement.Qu’est-ce qu’il lui veut ? Il a un air contrit qu’elle ne lui connaît pas.Il est ému, il a les larmes aux yeux, quand il lui dit, dans un
souffle : « Pourrais-tu me pardonner tout ce que je t’ai fait vivre ? »
Du tac au tac, elle lui répond :« Pardonner, oui. Mais oublier,jamais. » Jamais, jamais elle ne pourra oublier.
Changer le monde, venir à bout de la violence, mettre fin à la guerre, ce n’est pas le rôle des travailleurs humanitaires. Pas plus que ce n’est le rôle des journalistes qui, d’ailleurs sont là pour témoigner, raconter ce qu’ils voient.
S’engourdir dans l’alcool devient désormais sa façon
d’être. Boire : sa vie se résume maintenant à cela.Boire, dès que la noirceur tombe sur sa solitude. Boire et boire encore, toute seule chez elle. Se soûler dans les bars, aussi. Avec n’importe qui. Des ivrognes, des durs, des gens louches, toutes sortes de personnes qu’elle n’aurait jamais fréquentées autrement.Boire,jusqu’au blackout. Ne plus se souvenir de rien le lendemain matin. Et recommencer le soir.
Ne plus boire lui fait voir les choses autrement. Ne plus boire l’amène à se voir autrement. C’est tout un travail sur elle-même qui s’ensuit, nécessairement.
À jeun, elle se découvre plus calme. Mieux organisée dans sa carrière.Elle n’est plus « sur le fly »,comme elle dit. Elle n’est plus étourdie, essoufflée. Avec cette impression de ne plus se comprendre, de ne plus rien comprendre à rien.Désormais, c’est sa vie au complet qui va changer.
Nous aimons tout ce qui est incomplet. Et tout ce qui rejette l’ordre établi, la raison raisonnée, la maison du père et du mari.
Je me grise de la passion dans vos livres, de ma passion obsessive pour vous, à travers vos livres. L’euphorie l’emporte, balaie tout, est plus forte que tout. Plus forte que le désespoir au cœur de vos livres, que ma peur, que le regard des autres sur moi. Plus forte que moi, que mon désir de mourir, toujours.