Citations de Danya Kukafka (111)
"Accordez-vous un moment chaque jour, avait dit Harmony lors d'une séance de thérapie de groupe. Rien qu'un moment, durant lequel vous êtes déchargées de toute responsabilité."
(p. 383)
Elle savait depuis son enfance que tout le monde a une part d'ombre et que certains la contrôlent mieux que d'autres. Mais rares étaient ceux qui se considéraient comme mauvais, et c'était ça le plus effrayant. La nature humaine était parfois d'autant plus hideuse qu'elle voulait à toute force se faire passer pour bonne.
(p. 332)
(...) elle s'interrogea sur sa boussole interne, cette aiguille censée la maintenir sur la bonne voie, l'empêcher de s'égarer, de retourner sur ses pas ou de renoncer. Et elle se rendit compte d'une réalité effrayante : il n'existait rien de tel. Il n'y avait que les choix qu'on faisait quotidiennement.
(p. 205)
Elle venait de découvrir que le malheur avait une texture. C'était un noeud, implorant qu'on le dénoue.
(p. 129)
Avant toi, un autre détenu a gravé laborieusement dans le ciment : On est tous enragés. Tu souris chaque fois que tu vois ces mots. C'est tellement bizarre, tellement absurde, tellement différent des autres graffitis de la prison (surtout des versets de la Bible et des dessins de parties génitales).
(p. 19)
On a pas besoin de tout avoir dans la vie. Il s'agit juste de déterminer ce qui nous suffit.
Au fond,il en avait toujours été ainsi, non ?Toutes ces femmes qui l'avaient précédée,dans des grottes,des tentes et des chariots bachés ...Elle s'étonnait de ne jamais avoir vraiment réfléchi à cette vérité universelle, aussi vieille que le monde: la maternité était,par essence, une tâche solitaire.
Elle grimpa sur le lit, les larmes imprégnant sa bouche d’un goût salé tandis qu’elle se contorsionnait pour enlever son pantalon en lin. Au moment de prendre Johnny en elle, elle imagina son bébé effrayé dégringolant dans
un ruisseau. Visualisa l’eau qui emplissait ses petits poumons. Le vautour qui tournoyait au-dessus. Un profond ravin. Elle se mit à aller et venir mécaniquement, tous les sens anesthésiés. Lorsque le membre de Johnny redevint enfin flasque, le rictus sur ses traits l’avait totalement métamorphosé.
La dernière fois qu’elle avait vu sa mère, celle-ci était avachie à la table de jeu pliante, une cigarette fichée entre les lèvres. Elle avait tenté de se crêper les cheveux pour faire une choucroute, mais le résultat, plat et bancal, ressemblait à une baudruche dégonflée.
« C’est ça, t’as raison, avait-elle dit à sa fille. Laisse donc tomber le lycée et va t’installer dans cette ferme minable. »
Sourire satisfait, mauvais.
« Tu perds rien pour attendre, ma belle. Les hommes sont des loups, et certains loups sont patients. »
Johnny lui avait promis, entre autres :
La tranquillité. Les grands espaces. Une maison entière à leur disposition, un jardin dont elle pourrait s’occuper. Pas d’école, pas de professeurs dépités. Aucune règle. Une vie à l’abri des regards. Ils seraient seuls à la ferme, complètement seuls : le plus proche voisin habitait à quinze kilomètres.
Parfois, quand Johnny partait chasser, Lavender allait se poster dans la véranda de derrière et s’égosillait jusqu’à se casser la voix pour voir si quelqu’un allait finir par accourir.
Jusque-là, personne ne s’était manifesté
Tu as avancé de cinq minutes la montre dont tu as hérité dans le Module C. Tu n’aimes pas être pris au dépourvu.
Elle te révèle qu’il te reste onze heures et vingt-trois minutes à vivre.
La partie que tu affectionnes le plus montre la fenêtre de l’étage. Le rideau est légèrement écarté et, si tu l’examines de près, tu distingues dans l’ouverture l’ombre d’un bras, de l’épaule au coude. Le bras nu d’une adolescente. Tu aimes imaginer ce qu’elle faisait au moment exact où on a appuyé sur le déclencheur : elle devait parler à quelqu’un qui se tenait près de la porte de sa chambre ou se regarder dans la glace.
Mais ce n’est pas de la peur que tu éprouves – plutôt une sorte d’émerveillement vertigineux.
Ces derniers temps, tu rêves parfois que tu t’envoles dans un ciel d’un bleu limpide, loin au-dessus de vastes étendues de cultures concentriques...
C’est souvent le compte à rebours qui est le plus difficile à supporter, a dit l’aumônier quand il est venu te voir hier soir. Tu l’aimes bien, cet homme dégarni qui se tient voûté comme sous le poids d’un sentiment accablant – peut-être la honte
Tu es une empreinte digitale.
Lorsque tu ouvres les yeux en ce dernier jour de ta vie, tu vois ton pouce. Dans la lumière jaunâtre de la prison, la pulpe creusée de sillons ressemble au lit d’une rivière asséchée, un fond sableux où se dessinent des spirales modelées par le mouvement de l’eau – une eau présente hier et aujourd’hui disparue.
L’ongle est trop long. Ça te rappelle cette vieille croyance enfantine : après la mort, les ongles continuent de pousser jusqu’à se recourber sur les os.
Tu es une empreinte digitale.
Lorsque tu ouvres les yeux en ce dernier jour de ta vie,
tu vois ton pouce. Dans la lumière jaunâtre de la prison, la
pulpe creusée de sillons ressemble au lit d’une rivière asséchée, un fond sableux où se dessinent des spirales modelées par le mouvement de l’eau – une eau présente hier et aujourd’hui disparue.
L’ongle est trop long. Ça te rappelle cette vieille croyance
enfantine : après la mort, les ongles continuent de pousser jusqu’à se recourber sur les os.
La sensation fut immédiatement suivie par une vague de culpabilité nauséeuse. Parce qu'elle avait compris, à la seconde où elle avait posé les yeux sur le bébé, qu'elle ne voulait pas d'un amour pareil. C'était trop intense. Trop vorace
Tu identifies en toi une obscure pulsion semblable à ce qu'il a dû ressentir, un désir dont tu expliques mieux le sens cruel aujourd'hui.
La justice devrait être un ancrage, une réponse.
Il y a des statistiques, des trucs en rapport avec la reconnaissance des émotions, l’empathie,l'amour.