Dans cet épisode, c'est Annaïk, libraire au rayon polar de Dialogues, qui nous partage ses coups de coeur du moment.
Bibliographie :
- Les Survivants de Jane Harper (éd. Calmann-Lévy)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/18784055-les-survivants-jane-harper-calmann-levy
- Trompe-l'oeil d'Anne Mette Hancock (éd. Albin Michel)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/19502072-trompe-l-il-roman-anne-mette-hancock-albin-michel
- Sarah Jane de James Sallis (éd. Rivages)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/18909747-sarah-jane-james-sallis-rivages
- La Consule assassinée de Pierre Pouchairet (éd. Filatures)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/19623734-la-consule-assassinee-pierre-pouchairet-filatures
- L'Espion français de Cédric Bannel (éd. Robert Laffont)
https://www.librairiedialogues.fr/livre/18782115-l-espion-francais-cedric-bannel-robert-laffont
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Il franchit à toute allure le rideau d'arbres, parcourant à grandes enjambées le sentier si souvent emprunté, insensible aux coups de fouet et aux gifles assénées par les branches qui dépassaient çà et là. Il atteignit la rivière, le souffle court, et s'arrêta net sur la berge...
Le cours d'eau majestueux n'était plus qu'une cicatrice poussiéreuse. Le lit totalement sec s'étirait en aval comme en amont, ses méandres sinueux traçant le chemin jadis emprunté par les flots. La cuvette creusée au fil des siècles n'était plus qu'un patchwork craquelé de roc et de mauvaise herbe. Le long des rives, des racines d'arbres noueuses et grisâtres étaient à nu, entrelacées comme des toiles d'araignée...
Cette même eau dans laquelle Luke et lui se plongeaient chaque été, s'aspergeant mutuellement, se délectant de sa fraicheur. Cette eau qu'il ne quittait pas des yeux des heures durant, fixant les lignes de pêche animées d'un mouvement hypnotique, sentant le poids solide et rassurant de son père contre son épaule...
Falk essaya de prendre une longue inspiration, mais dans sa bouche l'air avait un arrière goût chaud et écoeurant. Sa propre naïveté le terrassa tel un accès de folie. Comment avait-il pu s'imaginer que de l'eau fraîche coulait encore près de ces fermes quand une bonne partie partie de leur bétail gisait mort dans les champs ? Comment avait-il pu se contenter de hocher bêtement en entendant le mot sécheresse répété à l'infini, sans que jamais lui vienne à l'esprit l'idée que la rivière était à sec ?

- C'est quoi la rivière du coin ?
- Ouais. Elle ramasse tous les nutriments des eaux de pluie, donc c'est bon pour la terre quand il y a des crues. Elle a débordé l'an dernier, et deux avant aussi."
Ludlow leva les yeux vers le soleil, et grimaça.
"Il faut beaucoup de pluie pour ça ?
- Ici, on a des inondations sans qu'il pleuve", répondit Xander depuis la banquette arrière.
Ludlow se retourna?
"Ah bon ?"
Nathan hocha la tête. C'était toujours un étrange spectacle, même au bout de quarante deux ans, de voir la rivière monter furtivement, en silence, sous un ciel sans nuages. Elle s'échappait de son lit, gonflée par des pluies tombées des jours plus tôt dans le Nord, à mille kilomètres de là. Nathan pointa du doigt le paysage.
"Quand elle déborde, presque tout ça se retrouve sous l'eau. Par endroits, elle atteint dix kilomètres de large. Faut un bateau pour se déplacer. Les maisons et la ville sont construites en hauteur, mais la piste, elle, disparaît."
Ludlow avait l'air sidéré. "Mais comment on fait alors, pour sortir de là ?"
Nathan entendit rire Xander. "On sort pas. Pas mal de fermes se transforment en îles. Une fois, je me suis retrouvé bloqué chez moi pendant cinq semaines.
- Tout seul ?
- Ouais, confirma Nathan. Mais bon, c'est pas si grave. Faut être préparé, c'est tout. On n'a pas le choix, c'est la géographie qui veut ça."
- C'est ça le drame avec les problèmes d'argent, c'est contagieux. Les fermiers n'ont pas de fric à dépenser dans les magasins, les commerces font faillite et, du coup, il y a encore moins de gens qui ont de l'argent à dépenser dans les magasins. Apparemment, ils sont tombés comme des dominos.
"Il n'avait pas changé", tels étaient les mots qui venaient aussitôt à l'esprit. Mais les trois cercueils racontaient une toute autre histoire.
Mais vous savez, dans ce bled paumé, à minuit, face à des mecs bourrés qui cherchent la bagarre, vos plaques de police ne valent plus grand-chose, si vous voyez ce que je veux dire.
Jill posa le mug sur la table basse, près de son téléphone. Elle consulta l'écran de son portable avant de le retourner dans un soupir.
"C'est comme un membre fantôme, hein ? fit remarquer Carmen.
Je ne sais pas comment faire. Fermer tous ses comptes ? Lui prendre son portable ? Mais quand je lui dis ça, vu la tête qu'elle fait, c'est comme si le lui coupais la main.
C’est ça le drame avec les problèmes d’argent, c’est contagieux. Les fermiers n’ont pas de fric à dépenser dans les magasins, les commerces font faillite et, du coup, il y a encore moins de gens qui ont de l’argent à dépenser dans les magasins. Apparemment, ils sont tombés comme des dominos.
Falk étudia recettes et dépenses, tentant de donner un peu de chair à la représentation qu'il se faisait de cette femme. Il remarqua que quatre fois par an, avec une régularité de métronome, Alice dépensait plusieurs milliers de dollars au grand magasin David Jones, deux semaines avant le changement de saison. Qu'elle versait à sa femme de ménage des sommes qui, rapportées au nombre d'heures travaillées, semblaient outrageusement inférieures au salaire minimum légal. Falk trouvait toujours intéressant de savoir ce qui avait le plus de valeur pour les gens.
- Je ne pense pas que vous soyez en état de conduire.
- Je suis venu en deux-roues.
- À moto ?
- Bien sûr que non, vous oubliez que je suis enseignant. À vélo.