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Citations de David Farmer (32)


Nous, les encore vivants, sommes les réceptacles naturels et les gardiens culturels incontournables et irremplaçables de ce patrimoine immatériel : il faut nous préserver tout autant que les pandas, les léopards ou les rhinocéros. C’est un devoir pour le monde entier de protéger notre espèce en péril. C’est un droit inaliénable pour nous d’être secourus. C’est aussi notre devoir depuis des millénaires de conserver et maintenir farouchement nos savoirs des sommets et nous sommes fiers d’être les incarnations de cet esprit si particulier du toit du monde, à nul autre pareil et tellement en danger.
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Et je suis là, maintenant, attablée en terrasse au café de Flore. Je ne suis plus à un symbole près. Je tiens une cigarette. Je n’ai jamais fumé, tu sais, alors j’en profite, vu que ma santé aura bientôt de satanés soucis. Je fume parce que je trouve que le geste s’harmonise et stimule l’idée du manifeste à peaufiner ici. Ce n’est pas désagréable cette sensation de fumées qui envahit déjà les poumons. Je m’habitue. Et indubitablement, tu as tout de suite l’air plus inspiré avec un stylo et un calepin. Oui, je fais tout à l’ancienne pour retrouver des sensations de productrice de mots et je les transcrirai tout à l’heure sur un ordinateur. Il s’agit aussi de remplir les vides dans tous les recoins de cette journée pour ne pas me retrouver tétanisée d’angoisses. Je pense à la voix éraillée de Jeanne Moreau, aux addictions de Catherine Deneuve, à ces magnifiques femmes heureuses d’être enfumées dans vos bistrots dans les années 70. J’aime ta France, j’aime votre Paris, j’aime vos histoires à sourire, debout.
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Usurpation des joies : comment peux tu t’exposer partout, joyeux, quand tout un peuple est meurtri jusqu’à l’os de son âme ? À quel moment, si proche du Dalaï-lama, t’ai-je entendu parler de moi, exilée, et des 150 immolations qui m’ont précédée ? À quel moment ai-je pu lire sur ton visage de l’empathie et de l’amour pour moi ? Tout cela existe pourtant dans ta tête, mais je ne le vois pas, et surtout, ne le ressens pas avec mes entrailles de tibétaine. Je m’en fous complètement de vos histoires de recherche du bonheur grâce à nos entregents de tibétains. Cette dictature du développement personnel, cet égo hypostasié et monstrueux que vous avez réussi à mondialiser, a fini d’anesthésier toutes les révoltes collectives. Elle ne fait qu’entretenir les rapines lucratives des puissants qui nous anéantissent.
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Je transforme l’histoire. Rosa Luxembourg ne refuse pas de venir enseigner dans cette école. Elle débarque à Capri, elle tombe folle amoureuse du grand Gorki. Leurs fougues communiées terrassent les Lénine, les Trotski et tous les assassins. Ils embarquent pour la Russie tsariste. Ils prennent le pouvoir. Il n’y pas de milliers de morts. Et il n’y a pas de Staline. Il n’y a pas de centaines de millions de morts. Et il n’y a pas de Mao. Et il n’y a pas d’invasion du Tibet. Et je ne quitte pas maman, et Thinley soigne son asthme. Et je suis ici, avec ma famille italienne, avec mon Giovanni parce que je suis comme tout le monde. Comme toi. Je suis ivre, j’ai le tournis. Je suis folle.
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Et nos formules sacrées emportaient notre petit frère jusque chez les dieux. Nous nous sommes touchés le visage et les mains, caressés les cheveux, mélangeant rituellement dans ces gestes, vie, mort, désespoir et joie. Nous mimions ce qu’auraient pu être les attentions de nos mamans après une longue séparation, pour réinsuffler une chaleur des entrailles en nous. Nous cherchions à inventer et convoquer cet avenir là, le seul acceptable : celui de l’arrivée de nos mères.
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À l’instar de mes frère et sœur, j’étais tellement épuisée, que nous ne pensions à nous rebeller, ni contre les événements, ni contre nos nouveaux parents, ni contre ceux qui nous avaient obligés à errer là, ni contre ceux qui nous avaient abandonnés. Nous ne pensions plus à rire non plus : nous avions déjà redescendu l’échelle de nos humanités pour nous contenter d’espérer le respect des fondamentaux : faim, soif, dormir, ne plus avoir froid. Avec le recul et après mes belles études de philosophie dans le temple de la Sorbonne, je peux t’affirmer que cette perte d’identité culturelle se fait très rapidement, dès que tu es immergé dans une situation extrême.
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Ils vont tous nous rejoindre quand ils seront libérés de prison. C’est maman qui nous l’a dit avant de partir. Thinley rajouta : oui, on va tous se retrouver à Katmandu, c’est sûr. Je ne sais pas pourquoi j’étais peut-être un peu plus maline, un peu moins incrédule, mais j’avais extrait de l’alchimie de ces évènements, la certitude que nous étions seuls pour très longtemps.
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Un soir, maman est venue me réveiller à une heure du matin et m’a demandé de m’habiller. Elle venait de déposer sur le lit des vêtements chauds. Je comprenais ce que je vivais bien qu’aucun mot n’ait précédé ce moment. Maman se taisait et contrôlait tout son corps pour que je vive cet événement extraordinaire de la façon la plus banale, pour que je n’aie pas peur, pour que son calme soit l’assurance de la protection dont elle m’entourait toute entière. Telle une automate programmée de longue date, j’ai répondu à l’invitation maternelle et me suis bientôt revêtue de tous ces vêtements de garçon. Je savais ce départ inexorable. Je pesais une tonne et comprenais que quelque chose de terriblement glacé m’attendait au dehors, loin de ce lit chaud, et bientôt dans le sevrage douloureux et l’oubli de l’haleine chaude et un peu saccadée de maman qui seule trahissait ses émotions. Maman comptait sur l’assourdissement de la nuit pour étouffer les angoisses qui auraient pu surgir de ma surprise.
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Il m’a fallu venir à Paris pour comprendre que nous ne sommes plus du tout à la mode en Europe : nous sommes ringardisés. Nous avons perdu notre pouvoir d’attraction avec l’entrée de la Chine dans le monde des affaires, dans les salles de marchés. Nous avons été rétrogradés. Les secrets de fabrication de nos élucubrations himalayennes sont calcinés par les lumières des gargantuesques orgies de néons de Shanghai. On peut dire que nous sommes aujourd’hui parqués comme les indiens d’Amérique du Nord. Définitivement vaincus, définitivement affublés de nos plumes et de nos chapelets en forme d’ostensoirs.
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Les rêves que les grecs faisaient la nuit à Epidaure, interprétés le matin par des prêtres dédiés à Asclépios, manifestaient cette connexion entre morts et vivants. Les mystères d’Eleusis ont aussi formalisé un rituel de passage pendant plus de mille ans. Je crois ça depuis toujours mais ça ne concerne que moi. Et je trouve bien affligeant d’avoir été amputé de la possibilité de ce savoir-là. Cette trépanation de l’esprit et cette mutilation de tous nos sens, autorisent le surgissement de nazis, partout, dans tous les siècles, dans toutes les églises, dans toutes les obédiences. C’est à cause de la soif inextinguible de pouvoir des colocs terriens. L’Apocalypse de Saint-Jean est un beau réquisitoire contre ces abus de pouvoirs, impitoyable réquisitoire contre toutes les églises de pierre tenues par des usurpateurs drapés, impitoyable réquisitoire contre tous les dogmes sanguinaires et sanguinolents. C’est à cause de l’oubli du dialogue avec les morts. Ce Jean s’égosillait déjà bien inutilement alors que le message de son Christ partait déjà en couilles sous le pourpre libidineux et la myrrhe avariée.
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L’esprit est rationnel, il veut la vie, l’extension de la vie. Il veut et propose de l’intelligence par l’amour. Et cet esprit ne peut évidemment pas être nazi. La vie de l’esprit, ça ne fonctionnerait pas dans le sens d’une injonction violente et vulgaire : esprit, es-tu là ? Ce serait avoir de l’esprit, être de l’esprit, faire de l’esprit. Et Déméter déciderait de te dévoiler sa Nature, elle t’offrirait son sein et tu boirais le lait des étoiles.
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C’est quelquefois dans le bleu du ciel que mes veines se mettent à suinter puis éclater. Dans le sourire d’un enfant. C’est un vieux courbé, l’odeur d’un croissant, un champignon dans une forêt, un stylo au capuchon ouvert, une goutte de café sur la coupelle, les grains de sucre décristallisés et collés sur un doigt par la salive. Un papillon se fondant dans l’océan du ciel au-dessus une prairie. Une émission sur la seconde guerre mondiale. Un écureuil, une toile de Rembrandt ou Nicolas de Staël, un vers de Pessoa ou Baudelaire. Le visage de Lou Andreas-Salomé, une femme pilote d’avion dans les années 20…C’est sans fin, sans contours, sans circonscription possible. Aucune distance ne peut adoucir l’appétence morbide de cette douleur extasiée d’elle-même pour tout assombrir, tout pourrir, tout anéantir. Elle explose, dans l’éclat de midi, en plein milieu d’un sourire qui semblait pourtant le flux de la vie.
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C’est ça, il y a de la félicité dans mes flashes. Et il y a l’immonde puisque je suis seul et désolé, après un drame qui ferait de moi ce mort-vivant. Cette boucle me donne le vertige et je m’effraie d’y découvrir un sens, un sens terrible. Ces émotions veulent me mettre à terre.
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Je suis le fracas de tous ces fils entremêlés entre cieux et terres, avec et contre vents et marées dans ce moment de Hambourg. Corps et esprit ravinés de sels de larmes de nuits, mélangés aux sueurs de petites mains chaudes dans les miennes, petites paumes pulsées par un sang transmis depuis un moi momifié pour assécher, un jour, avant, hier, plus tard, demain, jusqu’à la terrifiante source de ces larmes.
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Voilà, mes temps d’enfance sont parsemés d’autres instants propices à l’exhibition de moi dedans mais je suis bien obligé de faire des choix. Mon sujet est la perspective d’une réflexion sur la réincarnation et t’intéresser sans passer pour un demeuré, difficile pari. Mon enfance, ce sont ces sensations d’ailleurs aussi familières qu’un concert de grillons l’été. Je humais ces odeurs fugaces et prégnantes qui me téléportaient dans ces lointains qui mangeaient mon cœur. Ça m’arrivait n’importe où, n’importe quand, dans n’importe quelle situation. Aussi, la vie du dehors, dans laquelle ces atmosphères d’autres temps se surajoutaient, me faisait l’effet d’un trou noir revêtu de voiles opaques. Une condensation de matière insignifiante mais épaisse. Une mine de charbon à traverser, maculée de suies, me retenait d’être, tout entier embaumé dans cette fragrance d’alien. Je me sentais mélancolique et abattu. Ces volutes contenaient l’histoire de mes autres temps dans une éventuelle autre vie. Elles m’humectaient de bribes de récits aux ressacs lancinants et douloureux. Je ne pouvais rien toucher, rien palper, rien voir. Mais je sentais tout de cet autre monde où j’aurais eu une vie. Quand les effluves des autrefois me traversent, tous les sentiments sont réanimés et revivifiés : je sors de mon coma de mortel. Ça dure une demi-seconde. Ça dure l’éternité. Et cette nature retrouvée fait office de vérité de mon être. Pas l’être qui est dans le monde, l’être tout court qui est autre chose, ailleurs, toujours. L’être tout entier. Si je pouvais te faire partager ce déchirement, on n’aurait pas perdu notre temps. On se comprendrait mieux, toi et moi. J’essaie tout au long de ce récit mais c’est bien difficile.
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Je suis irréductiblement autre chose. Et c’est cet autre chose qui me dévore.
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Je sais qui je suis et je porte ce malheur-là. (…) Être-là, sans pouvoir rien modifier du cours des choses, confirme mon anéantissement. Auschwitz, c’est mon impuissance totale.
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Ce camp est la seule confirmation de notre désarroi. Nous décidons d’entrer et sommes seuls dans le Tartare. Le bruit des graviers est une torture. Nos pas nous font presque mal. Nous nous sentons obscènes, poisseux et mal engoncés dans ce corps de vivant qui piétine des morts sans le savoir, ici, partout et nulle part. Rien n’a changé.
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Pourquoi n’ont-ils pas tous été expropriés dans un rayon de dix kms autour du camp ? J’ai l’impression de plonger du haut de mes questions dans un abîme sans contours, sans temps, sans espace, sans explication, sans fondements et sans réalité : terrible réalité pourtant : le silence vertigineux de l’agonie qui griffe les tympans comme les traces d’ongle superposées et enlacées dans le béton des chambres à gaz.
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Il est 5h30 du matin. Je me réveille en sursaut, en sueur et me dresse sur le lit. Mon premier réflexe pavlovien est d’empoigner mon mobile pour trouver machinalement une extension de moi dans le réel. Je suis en nage et suffoque. J’ai fait un nouveau rêve dans lequel je suis vivant et assiste impuissant, devant un écran, à la mise à mort d’enfants dans un camp d’extermination. Je suis dans un état de panique paroxystique. Je veux exploser ce putain d’écran mais ne le peux pas. Les enfants descendent quelques marches. Ils se déshabillent et entrent dans une chambre à gaz. Je crie, hurle, supplie. Je veux bloquer l’entrée de la porte, imposer mon corps pour les empêcher de passer, leur interdire l’entrée. Je pleure et reconnais ces putains de larmes. C’est très étrange : je ne suis pas vivant. Je suis mort et vois une scène chez les vivants. Je suis un état d’esprit, je suis un esprit, mais je n’existe plus dans le monde terrestre. Je peux juste assister. Je sais ce qui va se passer et ne peux rien. Je deviens fou de rage et de désespoir. Depuis l’intérieur de mon rêve, je me dis que je fais un cauchemar. Mon cerveau de rêveur cherche à nier la réalité du rêve, la fuir, la contrôler, la dévier et l’éviter. Je veux anéantir le cauchemar que je fais réellement. Cet état de stress total n’est perceptible de personne. Je suis un mort-vivant. Aucun secours, nulle part. Les images impassibles défilent froidement devant mes yeux. C’est insupportable. Je vois les gardes SS refermer les portes. Je peux presque les toucher. Je cogne sur l’écran, je veux les tuer. Je veux ouvrir ces putains de portes. J’hurle et hurle et hurle et hurle sans fin. J’entre moi aussi.
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