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Citations de Edouard Durand (50)


Edouard Durand
En tant que juge aux affaires familiales, j'ai souvent vu des emplois du temps d'enfants dignes de ministres ou de sénateurs, avec un calendrier hebdomadaire ou mensuel qui comprenait toutes les couleurs de l'arc-en-ciel pour représenter les périodes où ils étaient chez leur père, leur mère ou leurs grands-parents. Comment un enfant peut-il se retrouver dans un tel système ? L'enfant a besoin de repères fondamentaux qui le sécurisent. Ses repères quotidiens doivent donc être préservés par les adultes qui s'occupent de lui.
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Edouard Durand
Lors de la séparation des parents, il convient de distinguer quatre grands types de modèles correspondant à la situation nouvelle : l'entente, le conflit, la violence et l'absence.

Le premier modèle est l'entente. Il arrive que les parents s'entendent sur la séparation, sur l'organisation de la séparation et divorcent par consentement mutuel. Parfois, ils restent très bons amis après la séparation. Mais cela est rare et prend beaucoup de temps. La loi ou le juge ne peuvent faire croire que les parents peuvent s'entendre. C'est leur rendre un très mauvais service et c'est courir le risque que les besoins fondamentaux de l'enfant ne soient pas pris en compte.

Le deuxième modèle est le conflit. Il y a alors désaccord entre deux sujets, mais deux sujets qui respectent mutuellement la parole de l'autre.

Le troisième modèle est la violence conjugale. Ce n'est pas un désaccord entre deux sujets à égalité mais un rapport de domination entre un sujet et un objet, acquise par les passages à l'acte violents.

Le dernier modèle est l'absence ou la présence aléatoire de l'un des parents, le plus souvent le père. Paradoxalement, on en fait grief à la mère et on la suspecte d'avoir écarté le père de la vie de l'enfant, voire de procéder à ce que l'on appelle « l'aliénation parentale ».
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Edouard Durand
La proposition de loi sur la résidence alternée fait référence à l'intérêt de l'enfant. Mais qu'est-ce que l'intérêt de l'enfant dans notre droit ? C'est une notion quasiment exclusivement subjective. L'intérêt de l'enfant, c'est la décision que j'estime, en tant que juge, devoir prendre. Mais mon collègue magistrat dira, pour une situation strictement identique, que l'intérêt de l'enfant est de prendre une décision contraire.

Il faut donc avoir une appréhension un peu plus objective de l'intérêt de l'enfant, en référence à ses besoins fondamentaux, tels qu'ils ont été introduits dans notre droit par la loi du 14 mars 2016 sur la protection de l'enfant. Vous avez initié, Madame Rossignol, une démarche de consensus sur les besoins fondamentaux des enfants, qui a réuni beaucoup d'experts, notamment pour centrer la protection de l'enfant sur son besoin de sécurité et de stabilité. Ce besoin passe par la nécessité de lui donner des repères éducatifs constants.

Mais tout l'enjeu pour vous, parlementaires, est de garantir la cohérence de la législation. Car si les mesures de protection de l'enfant, d'assistance éducative prises dans les conseils départementaux ou au sein des services d'aide sociale à l'enfance, visent à garantir son besoin de sécurité, il faut aussi avoir cette priorité en tête quand on détermine les modalités d'organisation de la vie de l'enfant en cas de séparation des parents. Car le besoin de sécurité de l'enfant devrait être identique devant n'importe quel juge ou professionnel de la protection de l'enfance.
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Edouard Durand
La coparentalité est, de façon étonnante, quasiment le seul paradigme avec lequel nous pensons les rapports entre les hommes et les femmes, les pères, les mères et les enfants dans la famille aujourd'hui, dans un contexte où les séparations conjugales sont extrêmement nombreuses. Ce principe, qui a émergé sous l'impulsion de la Convention internationale des droits de l'enfant, a été traduit dans notre droit de façon plus explicite par la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, qui définit précisément dans notre code civil les implications du principe de coparentalité.

En lien avec cette loi, nous pensons la coparentalité comme l'affirmation de la nécessité de préserver la place des pères, qui serait perçue comme fragile. Or c'est une illusion d'optique, car ce qui est nouveau dans notre droit, et fragile par sa nouveauté, c'est plutôt la reconnaissance de la place des femmes, épouses et mères, et des enfants dans la famille. Nous devons encore penser la coparentalité comme la préservation de la reconnaissance de la femme, épouse et mère, comme sujet de droit.

En réalité, le grand basculement, ce n'est pas la loi du 4 mars 2002, c'est la loi du 4 juin 1970 relative à l'autorité parentale qui nous a fait passer d'un régime de puissance paternelle à un régime d'autorité parentale. Ce fut une nouveauté radicale ! L'autorité se distingue en effet de la puissance par deux éléments : d'une part, l'autorité, contrairement à la puissance, exclut le recours à la violence, et, d'autre part, l'autorité parentale est juridiquement un pouvoir subordonné à une finalité. Or la finalité de l'autorité parentale, en vertu de l'article 371-1 du code civil, c'est la protection de l'enfant, pour reprendre les termes du législateur en 1970, ou l'intérêt de l'enfant, pour citer la loi du 4 mars 2002.

Nous avons donc deux impératifs à préserver. Le premier est la prise en compte de la place de la femme comme sujet de droit dans la famille, et le second est l'appréhension de ce que nous appelons l'intérêt de l'enfant.

Or il n'est pas excessif de penser que le souci quasiment exclusif actuellement semble être de préserver la place du père, ce qui est paradoxal. Pour le comprendre, il faut partir de nos représentations de la place des hommes, des femmes et des enfants dans la famille, de nos représentations personnelles et collectives.
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Edouard Durand
Au fond, l'enjeu est la question du rapport entre les libertés individuelles fondamentales appliquées à la famille et l'ordre public. Nous voyons bien aujourd'hui que nous sommes toujours sur une sorte de ligne de crête : nous craignons toujours de tomber, d'un côté, dans l'immixtion excessive de la société et de l'État dans le champ privé de la famille, et, de l'autre, ce qui paradoxalement nous effraie moins, dans le risque de laisser dans le huis clos des familles une totale marge de manœuvre aux agresseurs sur leurs proches.
À ce propos, permettez-moi de vous citer une phrase de l'œuvre de Georges Bernanos, "Sous le soleil de Satan" : « Pour beaucoup de niais vaniteux que la vie déçoit, la famille reste une institution nécessaire, puisqu'elle met à leur disposition, et comme à portée de la main, un petit nombre d'êtres faibles que le plus lâche peut effrayer. Car l'impuissance aime refléter son néant dans la souffrance d'autrui. » D'une certaine manière, comme juge, je peux être spectateur de ces violences, ou alors essayer d'en protéger les victimes.
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Edouard Durand
Je pense vraiment qu’il ne faut jamais perdre de vue le mécanisme d’emprise et de pouvoir que révèlent les violences conjugales. Il y a encore des professionnels qui regrettent qu’il n’y ait pas plus de médiation, qui disent : « La médiation, c’est bien pour les conflits. » Mais justement, les violences conjugales ne sont pas un conflit. Elles sont unilatérales, avec un seul auteur, et autant de victimes que de membres de la famille. Si l’on protège la mère, on lui redonne les moyens de protéger son enfant. Il y a des situations où il peut être légitime de mettre de la distance avec un parent maltraitant, et les violences conjugales sont une maltraitance.
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Edouard Durand
Les professionnels demandent encore : « Pourquoi est-ce que la femme ne part pas ? » Et si la situation perdure ils vont dire : « Il faut placer les enfants, pour les mettre à l’abri. » Alors que ce qu’il faut faire, c’est éloigner l’auteur des violences. Ce n’est pas bon pour un enfant de se retrouver en foyer si sa mère continue à se faire battre chez elle. Si le message est que, quand les violences sont révélées, les enfants sont placés, ni les mères ni les enfants ne les dénonceront jamais.
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Edouard Durand
On a tendance à segmenter le champ de la lutte contre les violences conjugales. Il y a d’un côté le domaine pénal, où la mère est reconnue victime - mais pas l’enfant. Puis la justice aux affaires familiales (séparations, droit de visite). Là, la pensée est brouillée par le slogan « c’est pas parce qu’on est un mauvais mari qu’on est un mauvais père ». Et on demande à la mère victime d’organiser un partage sain de l’autorité parentale avec celui qui pendant des années l’a terrorisée, comme si c’était naturel. Sans vouloir voir aussi que l’exercice de l’autorité parentale est le lieu où se perpétue souvent l’ancienne emprise sur la famille et le chantage affectif (« j’exige que ma fille fasse de la danse», « je refuse que mon fils parte en colonie »).
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Edouard Durand
Une mère victime de violences peut être plongée dans une stratégie de survie qui peut la mettre en difficulté pour s’occuper de son enfant. En outre, plusieurs études, notamment celles menées par la chercheuse Patrizia Romito en Italie, ont montré que plus de 40% des enfants exposés à des violences conjugales sont eux-mêmes victimes de violences physiques ou psychologiques directes par le même auteur. C’est un chiffre marquant, mais pas forcément surprenant, si on réfléchit à la personnalité des auteurs : des personnes avec une forte volonté d’emprise, de pouvoir sur l’ensemble de la famille, et une intolérance à la frustration.
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Edouard Durand
Si on protège la mère, on protège son enfant.
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