Pétra... c'est un peu comme chandernagor, Babylone, Alep ou Angkor, Samarkand ou Zanzibar ! Oulan-Bator, Bam ou Bagdad ! Lhassa, Leh, Pagan ou Mandalay ! Kaboul ou Boukhara ! Karakorum, khartoum ou Carthage ! Saveh, Mogador ou Ségou ! Ouadane ou Ouarzazate, Tamanrasset ou Tombouctou, Ispahan...Des villes qu'on ne situe pas toujours bien, dont on ne sait même plus si elles existent ou non ou si elles appartiennent au passé, mais dont le nom nous hante d'une façon tellement précise, que de simplement les nommer, que de dire ces noms, de les entendre ou de les lire, trace en nous des lignes nouvelles, comme des drains, des sillons, vers un passé encore inconnu.
Et nous apprenons à rêver un peu plus ou plus loin.
Un peu mieux.
Nous apprenons à nous bâtir.
Avant même de la rencontrer, nous savions, sentions que Pétra, c'étaient des strates où l'Egypte et Sumer, l'Assyrie ou Edom, son vassal, des nomades et le désert, la Perse, Rome et peut-être aussi quelques Hindous, avaient laissé comme une empreinte, un assemblage, un alliage, une cohésion : quelque chose de vraiment très particulier, de terriblement fort - quasiment indestructible.
Que seraient
La houle et la marée,
Sans rêve,
Ni falaise à creuser,
‒
Sans cet horizon
Qui les dresse
Au-delà,
‒
Au-delà
Des forces qu’il faut
Pour écoper la lumière
Des corps
Qui sombrent
Et se dispersent ?
Rien n'est plus ici à décorer.
La pierre est souffle.
Des bleus chinés, aux ocres moirés.
Des roses diaprés de rouges, ou l'inverse.
Un violet, violet, qui tire sur le pourpre et le mauve.
Et le noir, ici, est ourlé d'un blanc d'argent, poudré, crayeux ou très lunaire.
Des verts pastels.
Un jaune japon presque irisé.
Comment ne pas faire silence devant la puissance de ces masses ? Comment ne pas chercher à prendre ses distances avec le grés ou ce granit couvert de mica et de quartz, tout droit venus du magma ? Devant ces monts de sienne et de blanc, savamment disposés sur des fonds d'ocre et de rouge, comme des cathédrales du bout du monde, perdues après un cataclysme ?
Sous ces averses de lumières et d'eau douce, tu sais - précisément - fouiller la terre... et puiser où s'affaisse le jour.
Tu sais nommer ce que tu soustrais, compter les étoiles - en plein jour... et tu sais mesurer l'infini, à l'infini des chemins.
La lumière se forme
Aux lisières,
-
Là
Où plie
L’ombre,
Où
Résiste
Un silence,
-
Mais c’est
Profond,
Si profond,
Que
Cela
Épuise
-
Épuise
Aussi
Le temps.
A quoi bon voler
Compter si vite
Si la terre
Est exsangue
Et l'homme
Et l'être
A l'abandon
Si nos mains
Commencent à trahir
A quoi bon
Si nos rêves
N'ont plus rien à y gagner ?
Pour un seul caillou
Qui divague
Un fleuve entier
Parfois se détourne.
(pour Louis Darbouret)
Ils parlaient l'araméen et ressemblaient, comme deux gouttes d'eau à ces marchands mekkois, les Qurayshites, des rangs desquels, huit siècles plus tard, serait issu un certain Mahomet. Devenus sédentaires, les Nabitus donnèrent alors à Pétra un roi et un royaume, la Nabatène.