Il en est du destin des livres comme celui des hommes, même marqué d'heureux auspices, il sera pourtant toujours inéluctablement frappé de hasard et d'inattendu.
"Le meurtre de Gilles de Bretagne" est une biographie écrite, en 1928, par Émile Gabory, et parue, l'année suivante, dans la collection "Figures d'Histoire tragiques ou mystérieuses" de la Librairie Académique Perrin et Cie.
Ses pages n'ayant pas été découpées, mon exemplaire aura attendu presque cent ans son premier lecteur.
Dans quelle bibliothèque, sur quelle étagère, dans quelle malle a-t-il été oublié tout ce temps ?
Quels chemins peut-il avoir parcouru, entre quelles mains est-il passé durant ces longues années ?
Qui y avait glissé une lettre de l'académicien Louis Bertrand ?
Ce livre d'Histoire est précédé d'une préface idéologique sur le séparatisme breton tel qu’Émile Gabory le concevait à l'entre-deux guerres, à l'aube de ces terribles années 30 qui s'annonçaient.
Affaire bretonne ! C'est bien d'une affaire bretonne dont va s'emparer ici l'historien.
Gilles de Bretagne est le troisième fils du duc Jean V et de la duchesse Jehanne de France, fille du roi Charles VI.
A sa naissance, il lui fût légué Ingrandes et Chantocé, les deux terres tout juste confisquées au monstrueux Gilles de Raiz.
Car un Gilles ne fait pas l'autre !
En mars 1432, à l'âge de huit ans, Gilles fût envoyé en Angleterre avec son oncle Jean de Malestroit discuter de conventions commerciales, maritimes et resserrer les liens d'amitié entre la Grande et la Petite Bretagne.
Londres vit avec plaisir ce jeune prince sur un destrier brillamment caparaçonné, les grands seigneurs bretons, les cent quarante cavaliers d'escorte et les dix-huit tonneaux de muscadet de la presqu'île de Rhuys.
A l'issue de l'ambassade, Gilles resta à Londres parfaire son éducation aux bons soins de lord Warwick.
Lorsqu'il revient sur le sol natal, en juillet 1434, Gilles a laissé son coeur en Angleterre ...
Émile Gabory retrace le tragique destin de ce jeune prince breton, de ce cadet envieux du destin ducal de son frère aîné François 1er de Bretagne.
Car là réside tout le drame, dans l'envie, la jalousie et l'ambition.
Bientôt toute la Bretagne s'est passionnée pour l'illustre prisonnier ...
Ce livre est passionnant, très accessible.
Il livre les clés du contexte de l'affaire sans pourtant en être ni abscons, ni ennuyeux, ni enchevêtré.
Émile Gabory fût archiviste des départements de la Vendée et de la Loire-Inférieure.
Émile Gabory faisait partie de ces vieux historiens qui "semblent romancer sans pourtant jamais le faire".
Le dernier a a emmené son secret avec lui.
La manière a disparu !
Le récit, ici, résonne comme une belle histoire, et pourtant tout y est Histoire labellisée, vérifiée et contrôlée à l'aune de la "source primaire" et de la "méthodologie".
L'art de conter n'empêche ni l'analyse, ni l'authenticité du fait, et moins encore la sincérité et le sérieux de l'historien.
Et ce livre, une fois de plus, est fait la preuve ...
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Le 27 novembre 1793, à cinq heures du matin, le caporal de garde de la prison de l'Eperonnière à Nantes ordonne aux prisonniers de se lever et de se rendre dans la cour.
L'appel est fait.
On les compte. Ils sont 132.
Ils doivent se préparer à partir ...
De quel départ s'agit-il ?
Quel est le but de ce voyage ?
"Le voyage à paris des cent-trente deux nantais" est un livre d'Emile gabory paru, en 1933, aux éditions de "la Librairie Académique Perrin" de Paris.
C'est un livre d'Histoire, un de ceux qui est rédigé avec rigueur, et conté avec relief.
Il relate l'épopée tragique de 132 bourgeois de Nantes, négociants et armateurs soupçonnés, accusés de fédéralisme, de complicités avec les chouans de Vendée, d'accointances avec des nobles émigrés ou même d'avoir augmenté leur fortune sur le lit de la révolution.
Ils sont accusés par le sinistre Carrier et par le comité révolutionnaire nantais qui, faute de preuves concrètes, prétend les envoyer vers une implacable guillotine parisienne.
Parmi ces 132 victimes d'une révolution qu'ils avaient presque tous aidée à mettre en place, se trouvaient un oncle à la mode de Bretagne du grand écrivain Eugène Sue, un oncle de Laënnec l'inventeur de l'auscultation et le père du chansonnier Béranger.
Ce livre est une enquête minutieuse et détaillée sur une affaire qui, dépassant les frontières de la province, vint faire grand bruit à Paris.
Pourtant peu d'historien l'ont relatée.
Emile Gabory en explique les raisons dans une "promenade autour des sources", le dernier chapitre de ce brillant essai historique.
L'ouvrage est composé de deux grandes parties.
La première pose le décor, déroule le contexte de l'affaire dans quatre premiers grands chapitres :
- Nantes, une ville riche à la veille de la révolution
- les trois luttes de la bourgeoisie nantaise
- les luttes sociales sous la terreur
- la guerre contre les riches à Nantes
Et, la seconde partie du livre de Gabory vient s'attacher plus précisément aux faits et aux différents protagonistes de l'affaire :
- le choix des 132 nantais
- le voyage
- les nantais à Paris
- le procès des nantais
- l'insuffisant châtiment des coupables
Avant qu'un avant-dernier chapitre viennent relater le retour des survivants de ce voyage infernal.
Ce livre d'Émile Gabory fait écho à celui de G. Lenotre "les noyades de Nantes".
Le propos principal en est, d'après son auteur, de relater la persécution sociale à Nantes durant la sombre période de la Terreur.
La fortune de Nantes, nous dit Gabory, s'y est écroulée sous les coups de boutoir des persécutions rouges, de la révolte noire de Saint-Domingue et de la guerre avec l'Angleterre.
Ce livre a aussi pour mérite d'expliquer clairement les luttes des différentes factions, de la Gironde et de la Montagne qui ont déchiré la période révolutionnaire.
Sous la plume de Gabory, tout s'éclaire et devient limpide.
Cependant, à mon sens, si l'ouvrage souffre de quelques tâches d'idéologie c'est de ne pas avoir condamné fermement le trafic d'esclaves sur lequel ces négociants et armateurs avaient fondé leur fortunes honteuses, et de taxer, d'une manière anachronique, les révolutionnaires de communisme.
Enfin, en fin d'ouvrage, une table et quelques pièces justificatives viennent en dire un peu plus encore sur ces 132 nantais.
Ce livre est un livre brillant et détaillé, une épopée vivante et tragique que la plume d'Emile Gabory a transformé en une solide et fine littérature, plus historique que régionaliste, et pourtant offerte à l'Histoire de sa ville ...
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Voilà un titre qui fleure bon son pèlerinage !
Mais l'auteur de ce livre, le très fameux historien Émile Gabory, a juré, non pas un peu tard mais dès les premières lignes de son avant-propos, qu'il ne s'écarterait pourtant pas de ses deux domaines habituels, historiques et psychologiques.
Cependant, le lecteur, ici, ne devra pas s'en laisser trop conter.
Et, c'est en esquivant le cours de catéchisme qu'il devra saisir au vol la leçon d'Histoire.
Au dire d'Émile Gabory, les catholiques interpréteront les faits d'une certaine façon, les libre-penseurs d'une autre.
L'historien semble donc afficher une neutralité de bon augure.
Mais ces faits sont-ils prouvés ?
Car tout de même, il ne s'agit de rien de moins ici que de miracles, de guérisons, d'apparitions merveilleuses et de résurrections.
Pour Gabory, l'imposture n'est pas envisageable.
Allant plus loin, il affirme même que quelques attestations et signatures malhabiles suffisent pour affirmer "la réalité des phénomènes et la croyance des bénéficiaires dans une intervention miraculeuse".
L'historien,qui ne cherche pas à interpréter et à expliquer, doit s'en contenter.
Là, l'historien a perdu toute rigueur dans sa Foi, toute exigence de sa science !
Sainte-Anne d'Auray était un pauvre hameau perdu dans la lande morbihannaise.
Trois longues rues que bordaient des maisons à un ou deux étages, le décor manquait de poésie mais portait en lui tout le caractère breton.
La fondation de la basilique date de 1625, mais le culte de Sainte-Anne date des premiers temps du christianisme.
Anatole le Braz, dans son livre "au pays des pardons", les a tous évoqués mais pas un mot, rien sur celui de Saint-Anne d'Auray.
Pourtant Anne est un prénom qui résonne aux oreilles bretonnes.
D'ailleurs la reine et la sainte sont parfois confondues par les "âmes simples" peu versées en hagiographie !
Le livre d'Emile Gabory, paru en 1935 aux éditions "Plon", s'ouvre sur un fait divers qui fut raconté dans "le phare De Nantes" du 27 juin 1930.
Dans l'Orne, un dénommé Gabillard avait assassiné une vieille femme pour la voler et fut incarcéré à Vannes.
Au pied de l'échafaud, il supplia l'aumônier d'effectuer pour le salut de l'âme de sa femme un pèlerinage à la basilique de Sainte-Anne d'auray ...
Le livre d'Emile Gabory contient en substance un peu d'Histoire.
La balade longe des menhirs, des dolmens et quelques cromlechs ...
Et, excuse les vénètes qui, d'avoir été écrasés par les galères de César, ne répondirent pas à l'appel de Vercingétorix ...
Elle évoque le retour des bretons au Vème et VIème siècle ...
Elle résonne du fracas de la bataille d'Auray où, en 1364, s'affrontèrent deux prétendants à la couronne ducale ...
Elle met en présence deux lieutenants, dont l'un est aussi prestigieux que l'autre est controversé : Duguesclin et La Fontenelle ...
Le livre est agréable à lire malgré les longueurs que constitue la litanie des miracles, malgré une certaine mauvaise foi de l'auteur à vouloir trop convaincre.
Mais à trop vouloir convaincre, Emile Gabory ne réussit qu'à lasser, qu'à poser le doute sur ses autres ouvrages d'historien et à faire la preuve éclatante que le sabre se marie effectivement bien avec le goupillon.
L'ouvrage est empreint d'idéologie religieuse et politique.
Cependant, s'il doit être lu avec précaution et discernement, il est tout de même un de ces ouvrages régionalistes et historiques d'où l'on extirpe avec plaisir de petits pans d'Histoire oubliée ...
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Ce livre fait partie de la vague des légendes du 19e et 20e siècle sur la période.
Bien rédigé, partisan, manque de références et de recherches sérieuses.
A privilégier sur la question, les livres de Jean-Clément Martin
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Le livre est consacré aux différents soulèvements que connaitront l’Ouest de la France au lendemain de la Révolution française.
Les conflits débutent dans un climat de terreur où la liberté religieuse est remise en cause par les montagnards, et où les monarchies européennes coalisées forcera les républicains à lever une armée pour lutter dans l’est.
Les premières années du soulèvement auront été populaires, ce sont les paysans qui iront chercher les aristocrates pour mener les combats. La Vendée militaire, bien que non préparée à la guerre et malgré les dissensions entre ces leaders, connaitra de nombreuses victoires et mettra sous pression les républicains.
Le conflit bascule lorsque les Républicains gagnent à Cholet. Les Vendéens fuiront avec femmes et enfants, 100 000 personnes traverseront la Loire avec barques et radeaux de fortune, tout cela en 2 jours.
Le chemin de croix des Vendéens se poursuivra en Normandie, après un aller-retour pour tenter de rejoindre les Emigrés (nobles) et les Anglais, verra de nombreux des leurs tomber. A cela, il faut ajouter des hordes lancées par la Convention en Vendée pour terroriser les populations, en brûlant et massacrant tout sur leur passage.
La situation commencera à s’apaiser lorsque Napoléon accordera en 1800 un retour à la liberté religieuse. La liberté religieuse ayant été acquise, la contestation perdra de son souffle.
La Vendée aura été solidaire et aura permis qu’on lui accorde ce qu’il lui avait été retiré, la liberté religieuse. Pour cela son peuple en paiera le prix fort.
des_Histoires_et_des_Hommes
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Je ne connaissais pas du tout Emile Gabory (1872-1954) qui a consacré l'essentiel de son travail d'historien aux guerres de Vendée, et sur lequel je suis tombé par hasard pour ma première lecture sur les guerres et le génocide vendéen.
Cet ouvrage vient après et synthétise l'essentiel de l'œuvre de Gabory (comme il l'écrit dans la préface), de l'insurrection initiale de Chatillon en 1793 à l'échec du soulèvement de la princesse de Berry en 1832.
Pour un ouvrage de synthèse, Gabory fait le choix de conserver peut être pas tous les faits, mais en tout cas de mentionner un grand nombre de protagonistes ce qui rend le début de la lecture un peu exigeant. Puis on reconnaitra les noms des généraux vendéens et républicains principaux (et ayant vécus assez longtemps) ce qui permettra au final de dresser un large panel des militaires ayant combattus.
La segmentation des chapitres est efficace, permettant de bien cerner les principaux épisodes des combats tout en faisant pour certains d'entre eux des descriptions bienvenues sur certains aspects de la vie quotidienne des combattants.
Gabory s'attache à différencier les épisodes de combats, où une armée a affronté une autre, à ceux d'exaction contre des civils, le plus horrible étant le génocide réalisé par les colonnes infernales des révolutionnaires contre les villages vendéens, ainsi que les massacres des civils accompagnant la Vendée outre-Loire. Mais certains combattants vendéens se sont rendus également coupable du meurtre de prisonniers de guerres.
La lecture de ces passages est éprouvante et la fin de ces massacres en 1796 est bienvenue.
Selon Gabory c'est le soulèvement vendéen qui a permis la fin de la répression religieuse. Au vue de la défaite militaire des vendéens (et du sort de la Vendée vaincue), l'explication de ce succès reste un peu inexpliquée.
Reste que ce livre reste une bonne synthèse de ces évènements permettant de bien cerner acteurs et épisodes principaux des conflits, et donne envie de continuer à lire sur ce sujet.
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