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Citations de Emile Goichot (20)


Maurice Blondel, après l'Action (1893) et la Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d'apologétique (1896), avait été vivement attaqué par les théologiens traditionalistes et il put craindre un moment les foudres de l'Index. Par l'intermédiaire toujours de l'indispensable baron von Hugel, il était entré en relation avec Loisy.

3. Aux origines de la "Guerre de sept ans".
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Le livre annoncé au baron va donc prendre forme, en deux rédactions successives (juillet 1897 -janvier 1898; juillet 1898-mai 1899), sous le titre La Crise de la foi dans le temps présent. Essais d'histoire et de philosophie religieuses. (...)
Il s'agit donc d'une ample synthèse qui englobe tous les aspects du problème religieux, des bases épistémologiques à la situation présente du catholicisme romain.

2. Tribulations et retraites
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Amorcée en 1898 par quelques pages dans un bulletin confidentiel, longuement mûrie les dix années suivantes pour aboutir à deux gros volumes, son oeuvre majeure, The Mystical Element of Religion as Studied in Saint Catherine of Genoa and her friends, déploie les amples perspectives de sa pensée. C'est d'abord une sorte de Discours sur l'histoire et la religion universelles, dans le style des grandes philosophies synthétiques du XIXe siècle (Hegel, Auguste Comte...) et qui comme elles s'organise en triades : trois forces maîtresses de la civilisation occidentale, trois âges dans le développement religieux de l'individu et -ce qui nous intéresse plus directement- trois éléments de la religion : institutionnel, intellectuel, mystique, entre lesquels le christianisme catholique -et c'est ce qui constitue sa supériorité-, réalise un équilibre harmonieux. Mais, à propos de Catherine de Gênes -Catherine Fiesca Adorna (1147-1570)-, il aborde aussi, pour les traiter sans faux-fuyants, les problèmes que pose l'expérience mystique à l'esprit moderne : examen critique des documents et des sources littéraires, manifestations pathologiques (en particulier symptômes hystériques), portée théologique de ses visions où le purgatoire tient une grande place, mystique chrétienne et mystiques "naturelles" (dans d'autres religions ou d'autres cultures). Un bon juge, William Temple, archevêque anglican de Cantorbéry, dira après la mort du baron que "c'est l'ouvrage de théologie le plus important écrit en langue anglaise durant le dernier demi-siècle. Sa grandeur, comme toute grandeur véritable dans ce domaine, consiste dans la combinaison de qualités habituellement disjointes. C'est un chef-d'oeuvre d'étude critique détaillée et cependant une présentation majestueuse de principes fondamentaux. C'est un exemple pénétrant d'analyse psychologique mais en même temps un monument de philosophie constructive."

2.Tribulations et retraites
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Aux lendemains du premier concile du Vatican, le grand séminaire de Châlons était divisé entre "ultramontains" et "libéraux". l'enseignement semble y avoir été médiocre et ne marqua guère Loisy. En fait, il éprouva très tôt un malaise né du déséquilibre entre une piété fervente et "l'inquiétude insurmontable" qui s'empara de son esprit quand il commença l'étude de la théologie. "L'oraison mentale du matin me ravissait; je m'y livrais avec une ferveur naive." Il ne se préoccupait pas encore "des questions de fait et des problèmes d'histoire", mais butait sur des constructions théologiques. "Car mon intelligence n'y mordait pas, et de toute ma conscience d'enfant timide je tremblais devant la question qui se posait devant moi, malgré moi, à chaque instant du jour : est-ce qu'à ces théorèmes correspond une réalité ?"
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Ses leçons -sur les mythes babyloniens et le premier chapitre de la Genèse, et l'année suivante sur les paraboles de l'Evangile -attirèrent au début un certain nombre d'ecclésiastiques. Parmi eux, un jeune jésuite dont l'amitié allait devenir, comme il écrira beaucoup plus tard au terme de leur long compagnonnage, "l'honneur" de sa vie, sa "plus grande récompense".
Le P. Henri Bremond avait alors trente-cinq ans. Originaire d'Aix-en-Provence, orphelin de bonne heure, il était entré à dix-sept ans au noviciat de la Compagnie de Jésus. Celle-ci, à la suite des mesures contre les congrégations, avait dû déplacer ses maisons de formation à l'étranger. Il va donc partager ces années d'apprentissage entre l'enseignement dans les collèges en France et ses études en Angleterre. Si la sécheresse et l'abstraction des cours de théologie le rebutent, il découvre une autre culture -il restera imprégné de littérature et d'abord de poésies anglaises- et un nouvel univers religieux, moins figé, moins monolithique que le français : Newman en premier lieu et le mouvement d'Oxford, mais aussi la glorius comprehensiveness de l'Eglise anglicane, la coexistence en son sein des idées et des sensibilités, la diversité des courants sur ses bords ou dans ses marges, jusqu'aux plus libéraux. Revenu à Aix, en 1897, pour ce "troisième an" qui clôt la longue formation des jésuites, il s'y lie avec le philosophe Maurice Blodel, se proclame son disciple, devient l'un de ses familiers. Commence dès lors de prendre forme ce qui sera "un des soucis et une des ambitions de (s)a vie", une "enquête sur le sentiment religieux", son authenticité et ses faux-semblants, sa fréquente absence dans les monuments ou les manifestations qui lui semblent consacrés, les lieux inattendus où parfois il se cache. "Cette enquête, avoue-t-il, devient de plus en plus personnelle. c'est moi que je veux éclairer par ce sondage dans tant d'âmes différentes."

3. Aux origines de la "Guerre de sept ans".
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Loisy avait le sentiment qu'on commençait à faire de lui "un hérétique et il n'était pas difficile de prévoir qu'on irait bientôt jusqu'à l'hérésiarque". Soucieux donc de garantir son indépendance, il prend contact avec les milieux universitaires et obtient de donner un cours libre à la section des sciences religieuses de l'Ecole pratique des hautes études, ainsi qu'une collaboration technique au Corpus Inscriptionum semiticarum. Cette section était malfamée dans le monde catholique (...) : fondée lors de la suppression des facultés d'Etat de théologie, celle de la Sorbonne en particulier, elle passait pour un repaire de protestants et de rationalistes.

3. Aux origines de la "Guerre de sept ans"
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Mais le fruit principal de la retraite de Neuilly est ailleurs. Le 15 septembre 1896, il écrivait au baron von Hugel que le catéchisme de perséverance qu'il dispensait aux jeunes filles lui avait "donné l'idée d'une exposition générale de la doctrine catholique à l'usage de cette fin de siècle, quelque chose de sensé pour tout le monde et de réconciliant pour les gens du dehors". Il pensait trouver des éléments utiles "dans certains écrits de Newman" qu'il ne connaissait encore que "par des extraits d'un livre sur le développement doctrinal où il y a de bons pricipes" et priait le baron de lui fournir ses livres. celui-ci s'exécuta avec empressement. Cette découverte de Newman va jouer un rôle essentiel. Elle ne fait pas de Loisy un disciple du cardinal anglais, qui aurait certainement désavoué la plupart de ses idées. Il trouve cependant en lui un garant, au moins partiel et provisoire. Il donnait l'exemple d'un penseur longtemps marginalisé, soupçonné de "libéralisme" et de complaisance aux idées modernes, mais finalement -de façon bien tardive sans doute- objet d'une reconnaissance officielle. Figure éminente de l'Eglise anglicane, leader incontesté en son sein du Mouvement d'Oxford, le catholicisme aurait dû se glorifier de sa conversion; il n'y a connu pourtant que déboires, échecs, désillusions, jusqu'à ce que Léon XIII, en lui conférant la pourpre cardinalice, lui offrît une éclatante réparation. Loisy (...) s'attacha surtout à l'oeuvre la plus célèbre et la plus controversée, celle même qui avait conduit Newman au terme de son évolution vers l'Eglise romaine, l'Essai sur le développement de la doctrine chrétienne. Ces "nouveautés" dogmatiques qu'anglicans et protestants reprochaient au catholicisme d'avoir introduites dans la foi primitive, il montrait qu'elles étaient des développements légitimes du dépôt révélé : croissance plutôt qu'évolution au sens de la science contemporaine, explicitation de l'implicite, de ce qui était en germe dès l'origine. Loisy ne s'attarda pas à ces nuances; cela seul lui importait q'une autorité théologique reconnue ait montré que les dogmes n'étaient pas immuables.

2.Tribulations et retraites
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Après quelques mois où on le laisse dans l'incertitude sur son sort, Loisy est nommé aumônier des Dominicaines qui dirigent un pensionnat de jeunes filles, avenue Sainte Foy à Neuilly. Mesure sanitaire, pour qu'il ne risque plus de contaminer les intelligences de jeunes clercs. Paradoxalement, ces "cinq années de quasi-solitude et de paix", dans un milieu qu'il apprécie et dont il est apprécié, vont lui permettre de prendre du recul et de laisser mûrir ses prochaines audaces. Jusque-là, comme il l'explique, des enseignements très spécialisés l'accaparaient au cours de l'année universitaire et il ne trouvait que pendant les vacances le temps d'une réflexion plus ample. Sa modeste charge lui laisse le loisir de vastes lectures qui débordent le champ de ses études spéciales : d'autant que la Revue critique, à laquelle il collabore pour les recensions d'ouvrages, lui envoie aussi "tous les livres concernant l'histoire des religions, la philosophie de la religion, l'histoire de l'Eglise, l'histoire des dogmes chrétiens". Ainsi peut-il suivre de près "le mouvement général des idées religieuses". Il est chargé d'autre part de l'instruction religieuse des élèves et, pour les plus grandes -ce qu'on appelait le catéchisme de persévérance-, prépare ces conférences avec le scrupule qu'il portait à toute choses. "Il s'est trouvé que la préparation de ces instructions a puissamment contribué à l'éclosion du modernisme."

2.Tribulations et retraites
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A la suite de ceux qui seront, jusqu'à la fin et à travers les épreuves, des amis fidèles, peut-être faut-il évoquer déjà des adversaires aussi constants. Certains sont attendus et ils prendront, en cours de route, des identités diverses : tous les tenants de la tradition, théologiens ou représentants de l'autorité hiérarchique. Mais, selon une règle commune, les plus hostiles seront les plus proches : ils se disent, entre modernistes et conservateurs, "progressistes", ils souhaitent eux aussi renouveler les sciences religieuses selon les exigences des méthodes nouvelles, mais ils estiment leurs efforts compromis par les témérités de Loisy, ils se refusent à être confondus avec lui et ils s'en démarqueront avec d'autant plus de vigueur. Leur situation est d'ailleurs difficile puisqu'ils doivent combattre sur deux fronts. Les deux plus importants appartiennent à la même génération que lui et il les retrouvera souvent sur son chemin.
L'aîné -il est né en 1855 -Albert (en religion Marie Joseph) Lagrange, a déjà posé les bases de sa carrière scientifique. Entré dans l'ordre de saint-Dominique, il s'y est initié au thomisme, puis aux langues sémitiques. Il a été envoyé, en 1890, à Jérusalem pour y créer une Ecole pratique d'études bibliques et a fondé deux ans après la Revue biblique. Son biographe le plus autorisé (Bernard Montagnes), tout en soulignant que son originalité "est d'avoir tenu ensemble la fidélité aux exigences de la science comme aux enseignements de l'Eglise catholique", rappelle que, tout au long de sa carrière, il n'a jamais "joui d'une entière liberté de recherche: harcelé par des polémistes soupçonneux, bridé par des censeurs opportunistes, voire désavoué publiquement par les autorités romaines". De quatre ans plus jeune que Loisy, Pierre Batifol, qui s'était lié d'amitié avec Lagrange dès leurs années communes de séminaire à Issy, fut du petit groupe de jeunes disciples que Duschesne avait formé autour de lui à l'Institut catholique et aux Hautes Etudes. Loisy, qui l'y rencontrera alors, jugeait qu'il était "timide par nature et craignait de se compromettre". Il semble bien que, historien scrupuleux et ouvert, il soit toujours resté conservateur en matière philosophique et théologique. Il participa à la fondation revue biblique et continua d'y jouer un rôle important, mais sa spécialité propre était l'histoire de l'Eglise dans les premiers siècles et la liturgie. Désigné, en 1891, comme recteur de l'Institut catholique, il devait y fonder, en 1899, le Bulletin de littérature ecclésiastique qui se montra toujours "vigilant" à l'égard de Loisy (celui-ci parlera souvent du "groupe de Toulouse", y associant Lagrange et Batiffol). Lui-même cependant n'échappera pas aux censures : en 1907, son livre sur l'Eucharistie sera mis à l'Index et il devra abandonner son poste de recteur pour reprendre à Paris la charge d'aumônier de l'école Sainte-Barbe, qu'il avait déjà occupée quand Péguy y était élève.

2. Tribulations et retraites
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(...), nous l'avons dit, Loisy jusque là a été un homme seul. Voici que s'amorce un réseau, dont il sera le foyer. Grâce surtout à Friedrich von Hugel, homme de contacts et d'amitiés, attentif à se lier, sur quatre pays au moins entre lesquels il voyageait sans cesse, avec tous ceux qui comptaient dans la philosophie et les sciences religieuses européennes et à les mettre en rapport.

2.Tribulations et retraites
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Rentré en Angleterre, il se mit à l'étude de l'hébreu, se familiarisa avec les travaux critiques, entra en correspondance avec le grand orientaliste Gustav Bickell, prêtre catholique et professeur à l'université d'Innsbruck, et commença à collaborer régulièrement au Bulletin critique de Duchesne pour des recensions. C'est Bickell qui, le premier, lui signala les livres de Loisy. Dès 1890, il conseillait à son ami Ward la lecture de l'Histoire du canon de l'Ancien Testament, "un travail extraordinaire, juste ce que nous désirons". Dans ce domaine, le baron était au moins un amateur très éclairé, comme en témoignera sa communication au Congrès international des savants catholiques de Fribourg en 1897, sur "la méthode historique et son application à l'étude des documents de l'Hexateuque". Loin d'être marginale, cette curiosité ne représentait cependant qu'un pôle de ses intérêts. spéculatif par tempérament intellectuel, sa vocation profonde était celle d'un philosophe de la religion. Au coeur de sa réflexion, le problème -qui, à un niveau sans doute plus modeste, préoccupait également Mgr Mignot- soulevé par le croisement de ses compétences critiques et de ses exigences spirituelles : comment concilier le relativisme qu'impose la démarche historique et l'absolu de la foi chrétienne, ou, pour reprendre le titre d'un de ses articles, "Expérience et transcendance" ?

2.Tribulations et retraites
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Le jeune baron menait une vie religieuse fervente, traversée de scrupules. Un séjour à Paris, en 1884, lui donna l'occasion de nombreuses rencontres dont deux furent décisives pour la suite. Avec Louis Duchesne, il allait dorénavant entretenir une correspondance régulière qui l'introduirait dans les débats français. L'abbé Huvelin (1828-1910) est surtout connu pour avoir été le confesseur et le conseiller de Charles de Foucauld. Ancien élève de l'Ecole normale supérieure, esprit très libre et cultivé, de santé fragile, il se cantonna volontairement dans de modestes fonctions de vicaire où il exerça un rayonnement assez extraordinaire. Il apaisa les inquiétudes de Hugel et resta son directeur de conscience, lui tenant des propos peu conformistes : "Les sciences, les expériences ont fait beaucoup de chemin depuis que la théologie s'est arrêtée." "Le miracle m'est très antipathique." "Il faut que l'orthodoxie s'arrange avec la vérité. c'est son affaire à elle."

2. Tribulations et retraites
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Le baron Friedrich von Hugel incarnait à la perfection "l'éducation européenne" d'une certaine aristocratie de cette époque. Il était né le 5 mai 1852 à Florence où son père représentait l'empereur d'Autriche auprès des grands-ducs de Toscane; sa mère, de famille écossaise et presbytérienne, s'était convertie au catholicisme au moment de son mariage. (...)Il avait huit ans quand son père fut nommé à Bruxelles. Son éducation y fut confiée à un pasteur luthérien, sous le contrôle d'un historien catholique qui était aussi ministre de Prusse. En 1867, la famille s'installa définitivement en Angleterre. Le jeune homme y poursuivit son éducation, avec deux principaux centres d'intérêt : la géologie (guidé, toujours sous le signe de l'oecuménisme, par un savant quaker) et la littérature de l'Antiquité classique, grecque et latine. Il épousa, en 1873, Mary Herbert of Pembroke, d'une grande famille de l'aristocratie, convertie de l'anglicanisme, et dont la mère était une amie de Newman et du futur cardinal Vaughan.

2.Tribulations et retraites
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Deux problèmes déjà le préoccupaient, qui seront au centre des prochains débats. Celui de "la science du Christ" d'abord : a-t-il suivi le développement naturel de l'esprit humain, comme semble le suggérer l'évangile de Luc : "Et Jesus proficiebat sapientia et aetate et gratia apud Deum et homines"? ou bien, comme le soutenait la théologie traditionnelle, dès l'origine connaissait-il toutes choses, passées, présentes et futures, de cette scientia visionis qui est le propre de la nature divine ? Et d'autre part le problème de l'historicité de la Genèse et plus gobalement l'attribution à Moise de la rédaction du Pentateuque, les cinq premiers livres de la Bible. Il résumait dans ses notes intimes la conviction à laquelle il était arrivé, que "le Pentateuque n'est pas, dans son état actuel, l'oeuvre de Moise, mais une compilation faite plus tard; que la Genèse ne donne pas l'origine scientifique du monde, que la division en six jours de 24 heures ne répond pas à la réalité des choses, qu'il ne faut pas prendre à la lettre le récit de la chute, la longévité des patriarches anciens, l'universalité du déluge, qu'il y a des inexactitudes historiques; que les auteurs se sont inspirés de récits qui couraient dans leur pays d'origine tout en leur enlevant leurs caractère polythéistes et en les nettoyant de leurs impures scories". Il tenait enfin pour "l'inspiration restreinte", c'est-à-dire que l'Ecriture n'est inspirée par Dieu qu'en ce qui touche à la religion, à la foi et aux moeurs, non pour les questions profanes, de science ou d'histoire. Il est dès lors convaincu que "le seul moyen d'empêcher de faire de la mauvaise critique, c'est d'en faire de la bonne".
Si elles peuvent paraître aujourd'hui banales, ces positions -fort proches, on l'aura remarqué, de celles de Loisy- étaient alors singulières (dans tous les sens du terme : isolées, à contre-courant, mais aussi scandaleuses) chez un évêque.

2. Tribulations et retraites
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Eudoxe-Irénée Mignot était alors un vicaire général de Soissons. Né le 20 septembre 1842, à Brancart-en-Vermandois, dans le département de l'Aisne, fils d'un instituteur public, mais d'un instituteur d'avant Jules Ferry, fidèle auxiliaire du curé, "plein de foi, de zèle pour la gloire de Dieu, ne connaissant que le chemin de l'école et de l'église", il avait été envoyé, après le petit séminaire, à Paris pour ses études cléricales à Saint-Sulpice. Là se dessina son orientation intellectuelle. Il n'accrocha guère à la philosophie et à la théologie scolastiques, mais commença de s'intéresser aux récentes découvertes scientifiques, aux théories sur l'évolution de la terre et de l'homme et aux problèmes qu'elles posaient à la foi traditionnelle. Il subit surtout l'influence de deux professeurs. Avec M. Le Hir, qui avait été le maître de Renan, il s'initia à l'hébreu et découvrit la critique biblique (une critique érudite, mais prudente et soumise à la théologie dans ses conclusions). M. Hogan, d'orientation libérale et sévère pour les scléroses de la formation cléricale, lui fit lire Newman, en particulier l'Essai sur le développement de la doctrine chrétienne. Retourné dans son diocèse, il suivit un parcours classique : professeur dans un collège, vicaire desservant d'une paroisse rurale, puis curé-doyen. ces charges lui laissaient d'appréciables loisirs, qu'il consacra à compléter une formation dont il percevait les lacunes, en affrontant la pensée contemporaine. Il s'attacha à l'étude de l'Ecriture, se tenant au courant des travaux récents. Toute sa vie d'ailleurs et jusque dans ses responsabilités épiscopales, il s'avouera "homme d'études plutôt qu'homme d'oeuvres".

2.Tribulations et retraites
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Il a noué cependant deux grandes amitiés qui seront son plus ferme soutien à travers les tempêtes. longtemps fondées sur une certaine communauté d'idées (non sans quelque malentendu peut-être) et d'espérances, elles ne se rompront pas quand les chemins divergeront et que Loisy sera proclamé solennellement vitandus, c'est-à-dire infréquentable selon la discipline de cette Eglise à laquelle eux resteront fidèles. Deux hommes fort différents entre eux et de ce jeune professeur, encore inconnu et déjà suspect; mais leur itinéraire antérieur explique que les chemins vont se croiser.

2. Tribulations et retarites
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Mais l'année 1893 va être pour lui particulièrement éprouvante. Un signe prémonitoire aurait pu l'alerter: à la rentré de 1892, le supérieur de Saint Sulpice, dont nous avons aperçu la méfiance, renouvelant la mesure qu'il avait prise dix ans auparavant à l'égard de Duchesne, interdit aux séminaristes de suivre ses cours.

2.Tribulations et retraites
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Déjà l'enseignement et les premières publications de Loisy suscitaient la critique des traditionalistes sourcilleux. Elle portait sur deux points sensibles. L'un, qui pourrait sembler de portée limitée, d'attribution : Moise est-il, comme l'affirme la tradition, l'auteur du Pentateuque ? L'autre engageait directement la doctrine : la nature et l'étendue de l'inspiration des Ecritures, pour des faits que semblent contredire la science ou l'histoire.

2. Tribulations et retraites
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Au village, on était pratiquant, mais non dévot, à l'ancienne mode. "Tout ce monde prenait la religion au sérieux, comme une sage et austère discipline." D'une lignée qui comptait quelques prêtres, la mère "était vraiment pieuse, sans raffinement de théologie ni de mysticisme. Peut-être même était-elle un peu superstitieuse". Quant au père, s'il gardait les règles morales de la religion, "à l'égard des croyances et des pratiques proprement religieuses, il était d'une indifférence parfaitement sereine, et l'on peut dire spontanée". Il évoluera quelque peu quand son fils sera prêtre : "il avait fini par aimer l'Eglise parce que j'en étais ; il n'adhérait pas avec réflexion à ses dogmes, qu'il connaissait moins que vaguement ; il estimait que cela devait être vrai au fond, puisque les anciens y avaient cru ; par ailleurs, il ne se sentait ni la nécessité ni l'obligation d'observer de point en point les directions des prêtres." Précieux témoignages sur une certaine religion moyenne de la France paysanne au XIXe siècle.
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Loisy ne s'est jamais préoccupé que du problème religieux -disons, sans trop forcer la note, de la religion et de son jardin. Il est peu d'exemples d'une vie aussi dépouillée, aussi concentrée sur un unique objet.
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