Extraits de la pièce de théâtre "La douzième île" de Eric Durnez, mise en scène par Caroline Alaoui et interprétée par les membres de la troupe amateur Aux dires d'Ascalie au théâtre de Ménilmontant du 11 au 14 juin 2009 à Paris.
Man avait ainsi installé le chantage permanent, la trahison forcée et un formidable système de culpabilisation.
Eric Durnez a imaginé une rencontre entre deux personnages d'Anton Tchékhov, Sonia d'Oncle Vania et Tréplev de La Mouette. Nous sommes dans le bureau d'un médecin, une sorte de généraliste-guérisseur des âmes, après la révolution Russe. Tréplev n'est pas mort à la fin de La Mouette, il s'est blessé et est devenu amnésique. Il a d'abord été hospitalisé puis a fui son existence étouffante à travers la Russie, retrouvant des bribes de mémoire au fil des événements politiques du pays. Sonia, après la mort de son oncle, a quitté la ferme pour venir travailler en ville. Tous deux se retrouvent dans une salle, attendant un médecin qui n'arrivera jamais. Ils essaient de comprendre leur passé et l'histoire de leur pays.
(Un homme s'arrête)
Vous entendez ?
Quelqu'un respire.
Vous, moi.
Ça fait peu de bruit, respirer, mais je l'entends.
Je l'entends toujours.
Ici.
Je m'arrête ici.
Il est temps.
Il
Est
Temps.
Je pose mon corps ici.
Quand je ne peux plus continuer.
Continuer le voyage.
Le voyage n'a pas de but, aucune destination.
Du jour où j'ai pris la route, j'ai su que le voyage
s'arrêterait à chaque fois qu'il le déciderait.
Peu lui importe où.
C'est ici.
Vous êtes là.
Brûlé mes forces.
Je n'en ai plus.
Plus de force.
La force.
J'ai oublié ce que c'est.
Vous le savez, vous ?
Force est de constater.
Refaire ses forces.
Une épreuve de force.
Une épreuve de force intérieure.
C'est peut-être ça, mon voyage :
Une épreuve de force intérieure
Parfois, j'ai l'impression que la mémoire est une grande armoire pleine de livres. Il y en a qu'on ouvre plus jamais parce qu'ils sont perdus tout en fond de l'armoire. Mais parfois, on en choisit un, et quand on le prend d'autres dégringent et vous êtes très étonnés de les retrouver.
La vie
Je suis vendeur de poulet empoisonnés. Ce n'est pas un commerce très rentable, bien que nous ne soyons plus très nombreux sur le marché. Toutefois, les difficultés d'approvisionnement sont telles et les réglementations de l'inspection de l'hygiène si drastiques, qu'il va falloir -je le crains- préparer ma reconversion.
Parfois, j' ai l'impression que la mémoire est une grande armoire pleine de livres. Il y en a qu'on n'ouvre plus jamais parce qu'ils sont perdus tout au fond de l'armoire. Mais parfois, on en choisit un et, quand on le prend, d'autres dégringolent et vous êtes très étonnés de les retrouver...
Comment ferez-vous pour mesurer ce qui est bon et ce qui ne l'est pas? Si vous enlevez ce qui est laid, le beu deviendra habituel et fade. Le doux n'aura plus de gout... C'est ce que vous voulez?
Tu sais à chaque fois que je te quitte, quand je me retrouve dans la rue, après avoir fermé la porte, je regarde ta fenêtre. Oui, je fais ça à chaque fois, en espérant t'aperçevoir. Tu sais comme quand j'étais petit et que tu me faisait signe de la main.
Je regarde ta fenêtre, mais tu n'es jamais là.. Je ne vois qu'une fenêtre bleue. Je me dis, il doit être bien installé devant la television. Oui, je me dis, tu dois être bien...
Quand vous êtes petits et qu'un évènement triste arrive, vous ne savez pas comment faire. L'évènement triste prend toute la place, comme un géant qui s'installe dans votre armoire. Plus grand, vous comprenez que le n'est pas si grand.