Les pimpantes maisons "à 100 000 euros"- vantées en son temps par Jean-Louis Borloo- recèlent des malfaçons et des finitions bâclées. Des quartiers pionniers, autrefois vitrines d'une politique d'urbanisme moderne, ont commencé à se dégrader. Dès lors, sans se poser de question, on construit de nouvelles habitations, conformes aux techniques et aux modes du moment, sur des terres encore vierges. On se comporte ainsi avec l'espace naturel exactement comme on le fait avec les produits d'usage quotidien, mouchoir, appareil électroménager ou voiture : on l'utilise, puis on le jette.
Le ville se dilate, partout et en toutes circonstances, dans les dictatures comme dans les démocraties, que le pays soit riche, en développement ou sous-développé, qu'il connaisse une expansion démographique ou que sa population stagne. Peu importe que l'étalement urbain soit considéré comme un mal à combattre ou comme une tendance souhaitable, que le pays manque de ressources et d'espace ou que le territoire soit regardé comme inépuisable, que la planification urbaine soit élaborée ou déficiente, l'urbanisation gagne partout du terrain.
La campagne n'est pas toujours "belle" ni "pure" et la ville pas nécessairement "moche" ou "polluée". Mais une fois qu'un morceau de territoire est devenu ville, on en change très difficilement le destin. L'étalement urbain est un phénomène irréversible. Des dizaines de milliers d'hectares s'urbanisent chaque année, mais personne ne parle jamais de surfaces "ruralisées". Et pour cause : ce phénomène est extrêmement rare.
Nombreux sont les artistes, écrivains, auteurs ou documentaristes qui dénoncent l'égoïsme petit-bourgeois de la ville élargie. Et si dénoncer les zones pavillonnaires, c'était, finalement, une lubie de citadin teintée de mépris social ?
Chacun des équipements que l'on choisit, pour des raisons pratiques, d'intaller en périphérie, génère une consommation d'espace. C'est le cas, tout le monde en convient, des stades, des entrepôts ou des circuits automobiles; mais c'est aussi le cas des champs de panneaux solaires ou des éoliennes qui, bien qu'indispensables, "requièrent la construction de plates-formes et de chemins carrossables de desserte et participent au moment général de surconsommation du foncier".
L'économie contemporaine repose sur l'abondance et l'immédiateté et habitue les consommateurs à disposer, dès l'instant où ils le souhaitent, du produit qui leur manque.
La ville, généralement plus prospère que les campagnes, procure plus facilement emplois, logements, rencontres, activités culturelles et autres opportunités.
Par la suite ses habitants s'enrichissent et veulent transmettre à leurs enfants une vie meilleure. Après avoir trouvé, parfois au bout de plusieurs générations, le travail, le logement, les richesses qu'ils venaient chercher, les nouveaux citadins veulent de l'espace.
On finit par ne plus exister que par son véhicule. Si la voiture n'est pas devant la maison, c'est qu'on est absent , disent les voisins.
Fuir la ville, c'est aussi s'éloigner des quartiers denses, des étages à gravir, de la pollution, du bruit, du stress, du manque de lumière voire des populations que l'on aimerait ignorer. C'est enfin quitter les maisons ou immeubles qui datent un peu, mal isolés, humides ou mal conçus, et qui coûtent cher en travaux d'entretien. Rejeter l'habitat ancien, en somme, c'est se construire une nouvelle vie.
Autrement dit, ce n'est pas parce que des générations d'enfants se sont amusés à apprendre par coeur les numéros des départements inscrits sur les plaques d'immatriculation que ces collectivités constituent, partout en France, la bonne échelle de gouvernance.