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Critiques de Eric Vigne (5)
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Le livre et l'éditeur

Cet essai de 2008 se veut une réflexion positive, même si les perspectives apparaissent plutôt sombres, sur l’évolution du métier d’éditeur et plus généralement sur l'avenir de l’ensemble de la filière édition elle-même. Les transformations auxquelles elle a dû et doit faire face, d’une part sous la poussée des nouvelles technologies apparues dans le dernier quart du XXe siècle, et d’autre part sous la pression d’un modèle économique imposé par la globalisation du marché, la confrontent brutalement à la réalité de sa survie, rien de moins.



Présentée sous forme de questions/réponses, cinquante au total, l’analyse est vraiment convaincante et parfois un peu polémique - l’auteur est lui-même éditeur dans une maison indépendante. Le regard qu'il pose sur la profession est lucide, extrêmement critique, mais jamais pessimiste. Il y croit à son métier, Eric Vigne, et le lecteur avec lui. Des convictions qu'on aime bien tant elles semblent si fermement arrimées à une confiance indéfectible dans l'écrit, que pour ma part je partage, à la réserve près qu'on peut parfois trouver ces positions un tout petit peu excessives, mais juste à la fin, quand il se prend à légèrement caricaturer le comportement des internautes.



L'essai est traversé par une perspective historique retraçant l'évolution du livre et de l’édition dans la spécificité du fonctionnement de la chaîne éditoriale contemporaine et de son économie. A une période allant du XVIIIe siècle au milieu des années quatre-vingts du XXe siècle où se fonde le droit d'auteur et où s'invente le métier d'éditeur, succède une période d'inversion de la hiérarchie des valeurs due aux bouleversements technologiques et à l'accélération des circuits commerciaux. Tout cela est très bien décrit et finement décortiqué. Qu'il s'agisse de la concentration du marché et du diktat d'une rentabilité à deux chiffres, de la crise de la presse écrite mais plus généralement d'une crise de la culture, de la concurrence de l’audiovisuel et du numérique, facteurs aggravants de la crise de l'édition, la démonstration de l'essai est particulièrement riche, argumentée et instructive.



Eric Vigne souligne avec beaucoup de pertinence le rôle actif joué très anciennement par la presse écrite dans la prescription de livres. La montée en puissance de l'audiovisuel, associée à de nouvelles politiques et pratiques culturelles (divertissement, diversification des modes de lecture notamment), a complètement changé la logique d'un système où le temps long de l'analyse et de la réflexion prévalait sur l'immédiateté d'un flux d'informations qui a fini par gagner l'univers du livre, engendrant toute une "littérature communicationnelle". Quand la littérature devient une marchandise, qu'advient-il alors du métier d'éditeur ? C'est la question lancinante que pose cet essai. Un lecteur curieux ou averti ne peut y rester insensible.



L'ensemble des questions recouvrant les problématiques sous-jacentes d'entreprise qui s’imposent au milieu professionnel sont tout aussi passionnantes. Stratégies contradictoires opposant des choix éditoriaux ambitieux et des politiques commerciales répondant à des impératifs de rotation de stocks et de trésorerie, liés aux critères d’une gestion marchandisée. Dans cet environnement concurrentiel où la financiarisation s’est immiscée partout et où la prégnance des circuits obligés de distribution entraînera à terme l'inexorable restriction d'une offre dont la qualité est déjà bien entamée, l'éditeur peut légitimement se demander s'il a encore un rôle à jouer et si le livre originellement prévu pour faire progresser la pensée à encore une place à tenir dans ce domaine ?



L'essai interroge aussi sur la place de l'université, de la recherche, aborde la question de la crise des savoirs dans les sciences humaines et sociales par exemple, qui affecte le contenu et la forme même des livres et notamment celle des essais, ainsi que celle des traductions dans un cadre européen ou mondial. Contexte crucial donc pour l'édition, mais espoir réaffirmé, au fil des pages, que l'arme d'avenir d'une édition résistante reste bien le contenu, représenté par un catalogue exigeant, homogène et cohérent, seul apte à séparer le bon grain de l'ivraie, à long terme. On veut y croire avec lui.



A lire ou relire en ces temps de parutions diverses et (a)variées où la responsabilité de l'éditeur ne cesse de questionner.

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Le livre et l'éditeur

Dans son petit ouvrage exigeant, Éric Vigne pointe les mutations d'un commerce du livre devenu industrie. Et surtout les dangers de la transformation : uniformisation, titres interchangeables, rotation de plus en plus rapide exigée. Oubli de la lenteur et de la maturation pour le show médiatique. Oubli du cœur de métier au nom de la sacro-sainte gestion : tous les titres doivent s'autofinancer vite, pas de temps à perdre avec des ouvrages qui mettront des années à devenir rentables, pas le temps de construire un catalogue cohérent, de toute façon ça sert à rien.

Pour Vigne, cette édition est vouée à l'échec du fait même de ses modalités, entraînant dans son sillage une chaîne du livre qui ne pense qu'à faire de l'argent et se noyant sous la masse des nouveautes et des la gestion informatisée bête et méchante (pas partout. Heureusement). Il faut, pour toute la chaine du livre revenir à la péréquation : quelques ventes rapides, régulières (20% du stock) financent les 80% qui se vendent dans la durée (quelques fois par an). Ou bien le risque est grand d'amputer l'avenir d'ouvrages d'importance encore inconnus et d'offrir du vent aux générations futures.

Il est possible d'enrayer la machine en revenant aux fondamentaux : la gestion doit redevenir un outil et pas une fin en soi, une aide à la décision qui permettra de prendre des risques raisonnés en n'exigeant pas de chaque ouvrage une mise en place gigantesque mais selon ses possibilités sur un temps plus long et de faire un tirage initial en conséquence. De constituer un catalogue cohérent, et de se servir intelligemment des nouvelles technologies (impression à la demande de certains titres épuisé, par exemple). Remettre du bon sens dans l'édtion, et des éditeurs à la tête des maisons.

Un livre qui rend intelligent une fois lu et terminé, qui parfois énerve. Qui est parfois compliqué. Mais jamais condescendant ou injuste. Où un éditeur qui aime son métier, qui voit des dangers se profiler et tentent de les résoudre sans se mettre la tête dans le sable (un peu limite sur les nouvelles technologies peut-être. Mais le livre date de 2008).

À faire lire aux futurs éditeurs.
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Le livre et l'éditeur

Apprenti éditeur, si tu ne devais lire qu'un livre pour enfin comprendre ce monde mystérieux qu'est l'édition, je te conseillerais sans hésiter celui d'Eric Vigne. Dans un style leste, moqueur, ironique, il explique sans façons les ressorts actuels du commerce des lettres.
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Mai 68, Le débat

Pour le 40eme anniversaire de Mai 68, la revue le Débat a rassemblé dans cet ouvrage quelques discussions entre "soixante-huitards" précédemment publiées par la revue avec une grande diversité de point de vue sur cette révolte étudiante et son impact sur la société française, notamment.
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Le livre et l'éditeur

L'éditeur a tort de s'apitoyer sur son sort et d'ajouter sa voix aux prophéties de la mort du livre, de même que sont illégitimes les haros sur l'affaiblissement général du niveau de la production littéraire. D'une part, des cris d'orfraie ont déjà été proférés au XIXème siècle lors de l'introduction des romans-feuilletons dans la presse écrite et dans l'après-guerre au sujet du livre de poche, accusé lui aussi de dévaloriser la culture, et d'autre part, le livre a déjà survécu à d'innombrables annonces d'obsèques, si bien que rien n'assure que cette annonce-ci soit la dernière.



Il est vrai que l'intrusion de la communication et des exigences de rentabilité à court terme dans le monde de l'édition engendre des secousses importantes que n'arrangent pas l'adaptation nécessaire du métier d'éditeur à la généralisation d'internet. Mais il appartient à l'éditeur de faire la part entre la littérature de notoriété, celle qui se vend en grandes surfaces, dans les gares et les aéroports par des groupes de communication à des lecteurs qui n'entreront jamais dans une librairie, et la littérature du savoir qui répond à des critères de production plus adaptés à l'exercice du métier d'éditeur. La première littérature doit répondre à des cycle de vente courts, elle se conçoit dans l'urgence, façonnée par les perspectives de ventes plutôt que la production d'une pensée nouvelle et s'écrit dans des livres-objets remplaçables et vite démodés une fois l'actualité passée. La seconde trouve sa place dans des cycles de vente plus longs, est produite dans le "temps long" dans le but multiplier les angles d'approche d'un sujet et d'augmenter la somme de connaissances déjà constituée, elle est destinée à des lecteurs spécialistes et fidèles qui achètent en librairie spécialisés et jamais ne trouveront leur bonheur dans un magasin multimédia ou un hyper. Quant à internet, il pourrait faire naître de nouveaux modes de lecture basés sur le morcellement plutôt que la continuité ; mais quoiqu'il en soit, l'édition numérique ne répond pas à la même demande que l'édition papier et sa révolution est toute relative puisque ni le code (la langue), ni le mode de production de la pensée ne sont impactés par cette technologie qui se contente, comme le passage du rouleau au codex et du codex au volumen, de remplacer un support par un autre.



Il appartient donc à l'éditeur d'affronter les difficultés d'adaptation de son métier : puisqu'il ne peut combattre la compromission médiatique des groupes de communication qui organisent la promotion d'un auteur sur un plateau de télévision sur un sujet d'immédiate actualité pour obtenir une courbe des ventes de l'ouvrage qui suive les pentes du pic du Mont-Blanc, l'éditeur doit se concentrer sur la largeur de son catalogue et faire preuve, à l'occasion, d'opportunisme : pourquoi ne pas ressortir au bon moment un abrégé d'un texte ancien, mais fondateur, lorsque le débat public porte sur une question de société apparemment moderne et qui s'inscrit pourtant dans une longue tradition littéraire ? Pourquoi ne pas s'adapter à l'outil numérique en identifiant les manières de rendre les fonctionnalités informatique adaptée à la consultation des ouvrages de son catalogue ?



Le travail de l'éditeur reviendrait alors à jouer de la péréquation entre rentabilité immédiate de petits ouvrages, qui répondent à des sujets d'actualité, et rentabilité à long terme d'ouvrage conséquents du savoir qui constitueront son catalogue. La difficulté étant de prévoir le "coup d'après", à savoir le sujet des prochains débats publics pour prévoir la sortie d'un ouvrage adapté. Il importe en tous les cas de ne pas verser dans la facilité alléchante de la rentabilité immédiate de la littérature de notoriété, sans quoi l'éditeur se coupe de son "fonds de commerce" qu'est le lien qu'il entretient avec le savoir, constituant essentiel de sa réputation. Le faire, serait se métamorphoser en groupe de communication et contribuer à refermer un peu plus la porte d'accès des ouvrages du savoir à un public élargi. Courageux seront cependant ceux qui se lanceront dans la bataille car elle sera rude.
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