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Citations de Eric Werner (20)


Eric Werner
Ainsi, quand Macron joue au chef de guerre, il n’est pas seulement dans la gesticulation, et la gesticulation grotesque. Il fait réellement la guerre. Mais évidemment pas à la Russie : à son propre peuple, en fait. Témoin, encore une fois, l’article 47 de la loi de programmation militaire 2024–2030, mais pas seulement. Au moment même où Macron disait qu’il n’excluait pas l’envoi de troupes au sol en Ukraine, le parlement français se réunissait en séance solennelle à Versailles pour voter l’inscription dans la Constitution du droit à l’avortement. C’est plus qu’une simple coïncidence. Voilà ce que le même Paul Virilio disait il y a une cinquantaine d’années du droit à l’avortement et d’autres lois de ce genre: «Sous couvert de “libéralisme”, ces mesures vont toutes dans le même sens puisqu’elles permettent aux familles de se décimer elles-mêmes, économisant (…) à l’État l’exercice d’une violence rendue inutile»(4). Là aussi, on parlera de guerre par procuration.

4. Toutes les citations de Paul Virilio sont tirées de son ouvrage: Défense populaire et luttes écologiques, Galilée, 1978

L'antipresse, n°432, 10 mars 2024
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Eric Werner
"Macron, une dérive autoritaire. La stratégie du choc."

Dans son grand livre, "La stratégie du choc", Naomi Klein insiste sur le fait que lorsqu'on évoque certaines guerres ou dictatures, on a tout naturellement tendance à ne s'intéresser qu'à ces phénomènes eux-mêmes, en négligeant les motivations des acteurs, ce qui fait qu'ils agissent comme ils le font. "La violence extrême nous empêche de voir les intérêts qu'elle sert", écrit-elle. Car la violence n'est que rarement à elle-même sa propre fin. En règle générale, elle participe d'un choix stratégique rationnel. (...) On en revient ici aux Gilets Jaunes. Il a été relevé que la police avait eu recours pour écraser ces manifestations à des méthodes d'une grande violence. Tout cela bien sûr, sur ordre. Elle ne se le serait pas permise autrement. Toutes choses égales par ailleurs, il est dès lors tentant de raisonner à propos de Macron comme le fait Naomi Klein à propos de Pinochet et des généraux argentins. Comme elle le fait aussi à propos de la guerre en Irak. Pourquoi une telle violence ? Peut-être faudrait-il répondre : parce qu'elle participe d'un choix stratégique rationnel. C'est la stratégie du choc. Très concrètement, il apparaît en certains cas rationnel de mettre les populations en état de choc. Après quoi, elles sont prêtes à tout accepter. Tout quoi ? On n'a que l'embarras du choix : la réforme des retraites, la privatisation amorcée de la SNCF, le traité de commerce avec le Canada, celui avec le Mercosur, le traité de Marrakech sur les migrations (signé en décembre dernier, en plein épisode des Gilets Jaunes, cherchez l'erreur), la loi Avia récemment mentionnée, la liste est longue, l'énumération pourrait se poursuivre longtemps encore.

Eléments, n°179, août-septembre 2019, p. 85
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"Der Waldgänger" (Le traité du rebelle, ou le recours aux forêts) a été écrit dans le contexte de l'immédiate après-guerre. Il contient donc un certain nombre de références à ces années-là, les années 1945-1950, ainsi qu'aux précédentes : années 1930 et Deuxième Guerre Mondiale. Mais discrètes. Les situations auxquelles elles renvoient ne sont en tous cas jamais directement décrites : juste, en quelque sorte, prédessinées. On pense ici aux films de Fritz Lang, avec leurs décors stylisés, inspirés de l'expressionnisme. L'auteur, dirait-on, a voulu prendre du champ par rapport aux catastrophes de son temps (nazisme, stalinisme, guerre et après-guerre, etc.), plus exactement encore les inscrire en une perspective élargie : celle de l'histoire contemporaine dans son ensemble. Sous cet angle, les oppositions entre régimes politiques perdent de leur importance : "Les adversaires finissent par se ressembler au point qu'il n'est plus difficile de deviner entre eux des déguisements d'une seule et même puissance." (Chapitre 17). Cette dernière remarque ne plaira peut-être pas à tout le monde.

p. 28
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Q. Dans votre dernier livre ... vous expliquez que les dirigeants occidentaux mènent une guerre larvée contre leurs propres populations ... Pourquoi en fait une telle guerre ?
R. C'est une simple application du principe : diviser pour régner. Les divisions intestines sont une bonne chose pour les dirigeants. Plus les sociétaires sont divisés entre eux, moins ils sont à même de faire front commun pour résister aux dirigeants. Et donc ceux-ci attisent autant qu'ils le peuvent les tensions existantes au sein du corps social. Ils exploitent à fond, par exemple, l'ensemble des ressources liées au développement du néo-machisme féministe, qui alimente la guerre des sexes. Ou encore embrassent systématiquement le parti des minorités en tous genres, pour les inciter à surenchérir en permanence dans leurs revendications. Et naturellement ils jouent aussi la carte de l'immigration. Mais l'immigration n'est pas voulue pour elle-même (sauf chez certains idéologues, qui voient dans la société multiculturelle un substitue naturel à l'ancien mythe du paradis communiste) , elle n'est voulue que parce qu'elle contribue à multiplier au maximum les sources de tensions au sein du corps social, tensions profitables aux dirigeants dans la mesure même où elles les font apparaître comme les ultimes garants d'un ordre qu'ils s'emploient par ailleurs à fragiliser (mais les gens ne s'en rendent pas compte). Ainsi, malgré le chômage de masse et les baisses salariales découlant de la mondialisation, les dirigeants ont su se prémunir adroitement contre toute velléité de révolte ou d'insoumission en jouant de la peur liée à l'insécurité ... Hobbes disait qu'il n'avait connu dans sa vie qu'une passion, la peur. Il voulait dire par là que la peur est le fondement même de la vie politique. C'est elle, en particulier, qui explique l'assujettissement au Prince. Les gens ont donc peur, se focalisent sur leurs propres peurs, et pour le reste font confiance aux dirigeants. Qui voudrait se les mettre à dos ? Bref, si l'immigration n'existait pas, il faudrait l'inventer. (2001)
p. 118
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C'est sous cet angle également [politique] qu'il convient d'aborder l'ensemble des problèmes liés à l'insécurité. Montesquieu dit que la peur est le "principe" du despotisme, autrement dit ce qui le "fait agir", ce qui lui permet de fonctionner en tant que système. Or il y a deux manières possibles d'actionner ce levier. Le pouvoir peut faire peur par lui-même (manière directe), mais il peut aussi rester dans la coulisse et en pousser d'autres sur le devant de la scène (manière indirecte). Ce n'est pas ici le pouvoir lui-même qui fait peur (police, justice, etc) mais ceux qu'il pousse sur le devant de la scène pour faire peur à sa place (voyous, délinquants et criminels). Cela étant, le résultat est le même. Peu importe en définitive d'où vient la peur, quelle en est la source et la cause, l'essentiel est que les sociétaires aient peur. Ils ont peur, donc s'isolent les uns des autres, cessent de sortir, mettent une sourdine à leurs revendications. Les rues se vident, l'espace public se délite, chacun se replie sur sa sphère privée, meuble ses soirées en regardant la télévision : quoi de plus favorable à l'exercice de l'autorité ? En laissant les délinquants agir à sa place, le pouvoir fait d'une pierre deux coups. L'ordre se défait, tout est d'ailleurs mis en oeuvre pour qu'il se défasse, mais le désarroi même qui en résulte débouche paradoxalement dans une relégitimation du pouvoir (car le pouvoir apparaît comme l'ultime rempart contre le désordre). Les forces de l'ordre ont pour consigne de laisser faire, c'est-à-dire de ne rien faire qui puisse empêcher l'ordre de se défaire (politique de passivité), mais plus l'ordre se défait, plus nécessairement aussi les sociétaires inclinent à se solidariser avec les forces de l'ordre (qui symbolisent l'ordre en train de se défaire).

p.62 (pour répondre à la question de la passivité de l'état, posée à l'occasion de l'anniversaire du 13 novembre, et à celle de sa brutalité sélective pour d'autres types de protestations).
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Le problème d'Antigone n'est donc pas celui de l'articulation du moi à l'Autre, comme on l'entend volontiers dire aujourd'hui, mais bien de l'humain au divin. Dans la conception moderne, l'ouverture à l'Autre garantit par elle-même la sôphrosunê, le respect des limites. (...) Pour Sophocle, il en va différemment. Pour lui, ce n'est pas l'ouverture à l'Autre qui nous préserve de l'hybris, mais bien l'ouverture à Dieu. Il faut que l'humain s'articule au divin.

p. 34
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Or, l'hybris est le fait de l'homme : de l'homme et de lui seul. "Le soleil ne dépassera pas ses mesures ; sinon les Erinyes, auxiliaires de la Justice, sauront bien le découvrir", dit Héraclite. En fait, comme chacun sait, le soleil ne dépasse jamais ses mesures, cela ne s'est jamais vu. Ce n'est pas non plus le cas des plantes et des animaux ; eux non plus ne dépassent jamais leurs mesures. "Il n'y a pas de 'démesure' dans la nature, car celle-ci se contrôle elle-même et ne saurait s'écarter de ses propres lois", écrit Marcel Conche. Dans l'homme, en revanche, oui. Les guerres qu'il mène en sont justement l'illustration. C'est pourquoi rien n'est plus terrible que l'homme. Rien n'est plus terrible que l'homme, car, seul entre tous les êtres vivants, il dépasse ses propres mesures.

p. 38
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A la date du 26 novembre 1945, quelque six mois après la capitulation allemande, Ernst Jünger écrit dans son journal : "Nous avons désormais l'occasion d'étudier le revers de l'hybris, la foudre vengeresse qui n'est qu'en apparence dardée par les hommes." On retrouve ici la Némésis, la "Némésis vengeresse", comme le dit le premier tract de la Rose Blanche. Les mots de Jünger sont presque les mêmes. Et encore (le 28 mars 1946) : "Tout excès dans un sens est suivi de l'excès contraire, toute démesure de son correctif."

p. 30
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Chacun dit qu'il est pur et que c'est l'autre qui est impur, mais c'est cette propension même à se croire pur et à vouloir épurer ce qui est impur qui fait que l'infection tend à se généraliser au sein du corps social... En sorte, a contrario, qu'on n'échappe à la guerre civile qu'en rompant avec les mythes dont elle se nourrit : mythes qui se volatilisent dès lors qu'on les désigne pour ce qu'ils sont (des mythes). Et c'est ce que fait Montaigne ...

p. 55
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En principe les délinquants sont exempts de motivations politiques, mais ce n'est pas le cas partout et toujours. Entre la simple délinquance et le terrorisme, le terrorisme lui-même et la guerre de guérilla, les frontières sont parfois flottantes. Certaines biographies individuelles témoignent d'ailleurs de l'aisance avec laquelle on passe d'une catégorie à une autre (affaire Kelkal).

p. 48-49
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On assiste ainsi au retour en force de la justice politique, avec à la clé une multiplication des procès intentés à des citoyens exprimant des opinions dissidentes ou simplement non-conformistes. Or les dirigeants ont souvent la main lourde dans ce domaine. L'auteur d'un ouvrage développant de telles opinions n'a-t-il pas été récemment condamné en Suisse à quinze mois de prison ferme (alors même que, quelques mois plus tôt, toujours en Suisse, l'auteur d'un viol sur la personne d'une fillette n'avait écopé que de neuf mois de prison avec sursis) ?

(2001) p. 51
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L’individu est si dépendant de la continuité de la vie collective dans son ensemble que, au-delà des rodomontades, un conformisme est inévitable….Les capacités de survie en dehors du système sont aujourd’hui réduites à rien.
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Pour Héraclite, on l'a dit, l'hybris (= la démesure) n'est le fait que de l'homme : de l'homme et de lui seul. La nature, elle, est extérieure à l'hybris : " Les bornes de l'Aurore et du Soir : l'Ourse, et, en face de l'Ourse, le gardien du lumineux Zeus." Jünger s'inscrit dans cette ligne de pensée. Chez Héraclite, les bornes sont celles du soir et du matin, chez Jünger celles des saisons qui alternent : " La vie des plantes et ses retours cycliques maintiennent la réalité que les puissances démoniaques menacent de dissoudre ", dit-il. En contrepoint, donc, de l'hybris, il y a les plantes, les paysages, la nature. C'est un recours possible. " Dans l'après-midi, récolté des carottes, des céleris et des betteraves que j'ai portés dans la cave. En travaillant ainsi la terre, on sent la santé revenir. " La nature comme symbole de l'âme, de l'âme articulée à la justice des dieux. C'est ce que Jünger laisse à notre méditation.

p. 109
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Il y a beaucoup de choses terribles dans le monde, cela étant aucune n’est plus terrible, lorsqu’elle se met en mouvement, que l’homme lui-même. In Antigone, Sophocle, vers 332-375.
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Terrible est et demeure à jamais une seule grandeur : l’homme, et ses armes ne sont que le prolongement de ses membres, un incarnation de son esprit. Ernst Junger, Journaux de guerre 1939-1948
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La Guerre est le père de toute chose. Héraclite, fragment 53.
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Notre post-civilisation est à la fois hyper-violente et hyper-bien-pensante : hyper-violente car hyper-bien-pensante.
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"Quand Kniébolo (= Hitler) tombera, l'hydre se fabriquera une nouvelle tête", dit Jünger. Le nazisme possède assurément des traits lui conférant une certaine singularité. Il est même permis de le considérer comme un phénomène unique en son genre. Mais beaucoup de choses, en même temps, lui sont communes avec d'autres régimes. Le nazisme et le bolchevisme ont ainsi été souvent présentés comme deux espèces d'un même genre. C'est l'articulation même de la théorie totalitaire. Mais Jünger va plus loin encore. Pour lui, le nazisme n'est rien qu'un sous-produit de notre époque, un sous produit parmi d'autres. Ses traits essentiels, dit-il, il les partage avec l'ensemble des régimes issus de la Révolution française. On comprend dès lors que Jünger puisse être amené à dire qu'il n'y a rien à attendre de la chute de Kniébolo. Une parenthèse se refermera, c'est tout. D'autres que Kniébolo, ensuite, prendront la relève.

p. 105
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Antigone est donc une pièce sur la guerre, et en particulier sue les limites à respecter dans la guerre. Si on ne les respecte pas, on attire sur soi le malheur.

Plus fondamentalement encore, c'est une pièce sur l'homme dans ses rapports avec "la justice des dieux". L'homme ne réussit bien dans ce qu'il fait, ses entreprises ne prospèrent, que lorsqu'il respecte les lois non écrites : celles, comme le dit Antigone, qui ne sont ni d'aujourd'hui ni d'hier, autrement dit la justice des dieux.

p. 51
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Michel de l'Hospital apparaît ici très proche du dissident protestant Sébastien Castellion qui, dans son "Conseil à la France désolée", qui paraîtra quelques mois plus tard (1561), lancera son fameux mot d'ordre : "permettre en France deux églises". Si l'on admet, avec Pierre Manent, que "la tâche originelle du libéralisme a été de disjoindre radicalement le pouvoir et l'opinion" (ou pour dire les choses autrement encore : d'exclure l'opinion comme critère d'appartenance à la collectivité pour passer à une philosophie d'état d'orientation aconfessionnelle et laïque), des esprits comme Castellion et L'Hospital ont incontestablement joué un rôle de pionniers dans l'accomplissement de cette tâche historique. ... Il n'appartient pas à l'état de trancher du vrai et du faux en matière religieuse (et par extension aussi, philosophique, idéologique, historiographique, etc), ni par conséquent aux juges de sanctionner les non-conformistes en ce domaine.

p. 40
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