Théorie quantique de la fille disparue : lorsqu'une jeune femme disparaît, elle devient tout ce que les gens ont imaginé d'elle. Nos théories façonnent son destin. C'est une fugueuse, une folle, un squelette enroulé dans un tissu rouge au pied d'un sapin. Elle est la double, la triple, la quadruple exposition de toutes les vies qu'on lui prête. [...]
Théorie quantique de la fille disparue : par le nombre incalculable de ses possibles destins, une fille disparue est plus réelle qu'une fille présente, qui dispose au mieux d'une seule vie. (pp. 8-9)
A l'image de Bernice, la pièce était soigneusement agencée pour paraitre plus chic qu'elle ne l'était. Le plateau de la table, par exemple : du plâtre peint imitation marbre. De superbes ourlets exécutés sur des étoffes médiocres, chaque point de couture entrelacé à la fierté et aux aspirations bourgeoises de la maîtresse de maison. A présent, son chagrin recouvrait la moindre surface comme une couche de poussière. Mary aurait pu y dessiner avec le doigt. (pp. 30-31)
Paul et Wise avaient toujours détesté la fin de ce premier roman. Le signe d'une romancière trop jeune et peu sûre d'elle. Coup de théâtre : la fille n'était pas un dieu, mais une idiote qui dérapait sur la glace et se fracassait le crâne à moins d'une centaine de mètres de son dortoir universitaire, son euphorie sylvestre réduite à l'agonie fébrile de l'adolescence. (p. 178)