Citations de Estelle Fenzy (110)
La pluie tombe en fagots
Je les réunis
Le soleil levant
allume un grand lac de joie
Je suis la faim la soif
la fureur au bord de moi
Sur un chemin soyeux
la brutale innocence
insolente et fauve
défie mon approche
emporte mes gestes
dans les craquements
du bois mort
Je suis la sève montante
le bouillonnement des mousses
Je ramasse mes guenilles d’écorce
mes écorchures
Moi l’arbre creux
ouvre mes sentiers
à l’étrangère
fais le tour de mes racines
orphelines tranchées
« La première fois
elle descendait vers la forêt »
« La première fois
J’allais à la forêt »
« Elle s’est blottie
dans l’étau de mes bras… »
« Il m’a guidée
vers son refuge
Maison tiède… »
(échos/ alternance des voix)
Elle ne voulait pas voir
l’échappée de lumière
au milieu de son deuil
Rejoindra-t-elle ce soir
mon piège de douleur
Entendra-t-elle
l’émeute de mes plaies
ma spoliation d’amour
Dans ma
Maison sur pilotis
Loin du sel
Mes veines ma langue
Parlent de toi
Tu traverses les fenêtres
A dix mètres du sol
Chut
(Le monstre dort)
Buvons le galop des jours
Et la surprise de vivre
Dans le même verre
Après la pluie (Brest m’aime)
extrait 2
J’avais
laissé sur les trottoirs
un poème qui s’ignorait
C’était
une autre saison
un autre royaume
A-t-il
grandi ou tremblé
du temps qui a passé
S’est-il
réchauffé
de n’être pas écrit
Après la pluie (Brest m’aime)
extrait 1
Petite Manhattan
Sister de pluie sans cesse
48° 23’ 59’’ nord
4° 28’ 9’’ ouest
J’écris sans compas
l’exacte mesure
de ton nom
les passages vrais du temps
On les attend
Ils tardent on baisse la garde
Ils nous prennent par surprise
les passages vrais du temps.
ÉLISA
Man’za
avait toujours été vieille
C’est ce que je croyais
Pourtant
face à son lit
cette photo jaunie
un jeune homme
aux yeux clairs
en tenue militaire
Man’za
avait été belle
Elle avait reçu les baisers
les avait donnés aussi
Poème
Exil intérieur
où l'on demande asile
à soi-même
On dirait
le coq chante à l'avance
Plongée dans le très noir
de mon café
Je n'ai pas vu le jour
arriver
UN SEUL PAYS NATAL…
Extrait 1
Un seul pays natal
Une seule langue maternelle
Le poème
**
Si tout ce que je touche
pouvait s’envoler
Le monde serait plus léger
Le monde se changerait en oiseau
**
Quelque chose gratte
à la fenêtre
lumière et pluie
Le ciel demande à entrer
dans la maison
**
Je t’espère
même en plein jour
La lumière ne chasse pas les fantômes
**
C’est une vaste terre
de fougères et de pins
une forêt de profondeurs
arasée de ténèbres
(évocation des paysages hypnotiques du conte)
RÊVE SILEX…
Rêve silex
corps ciment
dégrisé durement
Nuit de fantômes
plaquée au sol
face contre terre
Écorce craquelée
on déleste
on émonde
Au carrefour de l'existence
même le regard
nu
EXTRAITS 2
Au lasso l’horizon
je le ramène devant
j’ai peur parfois
qu’il soit trop grand
pour mes bras
****
Penser vif
écrire simple
crier grand
puisque la vie
ampute
***
Vie
sanglée
tendue
pieds nus
sur la ferraille
se cabre cheval
fouetté
au sang
EXTRAIT 1
10 août
montagnes
soleil de fin de route
bien arrivés
Au téléphone tu dis
je suis malade
trois mots
trois tonnes d’argile
sans émail
Moi l’oiseau rieur
le bec le cœur
en une seconde
cloués
Je voudrais
Je voudrais
te recommencer
t’inventer
des passions des rébellions
des colères des effusions
reconstruire ta vie
avec mes mots
Des coups d’éclat
à la hauteur de tes rêves
de tes renoncements
des emportements du cœur
et de l’esprit qui feraient dire
au monde entier
que tu es tout
sauf effacée
que tu fais tout
sauf disparaître
…
ce café noir au bord du jour
Dans l’instant
rien ne me dit tant de vivre
que ce café noir au bord du jour.
Mes nuits
sont plus belles
que vos jours
ou comment
justifier
les cernes
aves panache
Tes madeleines
sont rock'n'roll
et tu n'as pas perdu
ton temps