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Citations de Fabien Sanchez (24)


Assis sous le tilleul avec mon père,
nous lisons.
Je souligne une phrase de Neruda,
J'arracherai de mon cœur le capitaine de l'enfer.

J'aime souligner des phrases,
et lire auprès de mon vieux père.
Je rêvasse à ses côtés, me prélasse
au soleil d'automne.

Pieds nus dans le jardin
auprès de lui qui pose sur moi
un regard adouci

bienveillant,

un regard qui me dit d'être heureux
De préférer l'encre
au sang
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Pourquoi écrire au passé ? Quand le présent s'offrait à moi, et qu'un véritable modèle vivant me tendait les bras ?
La douleur. Voilà la réponse. La douleur qui fait de soi un écrivain. Alors que la joie d'être père m'eût laissé sans voix, muet devant mon ordinateur, Frédéric me permettait de geindre, de crier, de me répandre. De me faire un sang d'encre avec lequel noircie la page blanche. De déposer ma croix sur le bas-côté.
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" L'écriture est une mise à l'écart, et l'écrivain un anachorète qui, à mille lieues de tout enrôlement social , n'a qu'un credo : vivre dans l'angle mort du social et du temps .
Dans l'angle mort du monde " .........

Pascal Quignard .
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S'en suivit un lâcher prise qui me fit du bien, mais qui demeura de courte durée. Trois jours enchantés au cours desquels son cœur, son esprit et son corps devinrent ma trinité. Mais je fus pris ensuite d'un brusque mouvement d'humeur contraire. J'aspirai brutalement, une fois de plus, à me retrouver seul.
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J'avais le sentiment très net que qu'il n'était enveloppé d'aucune réalité. Ce type était un vagabond de lumière.
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De retour dans le jardin, j’observai la fenêtre de la chambre
de Frédéric au deuxième étage de sa maison qui me faisait face
de l’autre côté de la rue. Ses volets étaient clos. La peinture
blanche s’écaillait sur la façade lézardée. Elisabeth, sa mère,
n’était pas rentrée. Elle devait être chez sa sœur, où, comme tous
les étés, elle partait deux à trois semaines, à Stockholm. J’étais
impatient de la voir reparaitre, de prendre le thé ou l’apéritif
en sa compagnie. A la suite de quoi, elle me laisserait, comme
depuis des années, monter seul à l’étage, pour passer un moment
dans la chambre de mon ami. Les clés étaient pourtant
en ma possession, ma mère disposant d’un double. Je pouvais
m’y rendre, de ce pas. Mais je n’aimais pas l’idée de pénétrer
dans le cœur vide de cette maison. J’avais essayé une fois, mais
devant la porte entrouverte, je n’avais pas pu faire un pas supplémentaire:
on n’est jamais vraiment certain d’avoir envie de
se recueillir devant une tombe vide. Et je n’avais jamais su,
s’agissant de Frédéric, si à l’étage de sa maison, se trouvait la
chambre d’un mort ou la tombe d’un vivant.
Voilà ce qui arrive quand on s’évapore dans la nature comme
il l’avait fait. Porté disparu depuis vingt-six ans
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Quarante ans, bon sang de bonsoir, et je me tenais prostré à poil dans le noir comme Birdy dans sa cage, regardant le ciel par la fenêtre. Partir loin, ne plus jamais donner signe de vie. Disparaître, m'évaporer, comme Frédéric. Plus de femme, plus de fille, plus personne.
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En finir une bonne fois pour toutes avec la douleur. La sienne et la mienne. Avoir ce pouvoir. Oui, prendre cette femme dans la nuit sur le lit de Frédéric, et que Dieu nous rendit à notre dernier souffle, lassés que nous étions d'être plus souvent qu'à notre tour enlisés dans cette tourbe de l'existence, aussi déchus que des anges orgueilleux.
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Je lançais déjà mon imagination vers la mer dans laquelle je me représentai en train de nager. J'étais saoul et exalté d'avoir retrouvé Patrick Defarge, bien conscient que s'il ne partageait pas ma souffrance, il avait du moins été des nôtres : le naufragé d'une enfance dans laquelle je n'en finissais pas de me noyer, incapable de comprendre que le monde était ma bouée.
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Stella dispensait un charme captivant, frauduleux, et j'étais si peu sûr de mon fait, si peu déterminé, que je n'avançais ni ne reculais, signe irréfragable de mon indécision chronique.
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*

Dévorer mes démons comme Kronos ses enfants, voilà ce que je voudrais. En
attendant – langueur d’un dimanche, au café – absorbé par le temps ; oui – le temps
m’absorbe. La vérité se niche dans l’espoir caché d’un je ne sais où. Du temps, je suis
le déchu. Je ne condamne plus ma désertion. Je ne suis qu’un trou béant. En lui, je
salue la Mort qui n’est qu’ultime folie

*
La vérité nous abime tous les jours. C’est la raison pour laquelle je ne veux jamais conclure
mes nuits.
Le matin est fait pour les autres, pas pour celui qui comme moi, voudrait toujours avoir une
enfance dans les iles.
A celui-ci, la nuit est donnée comme une offrande divine. Il ne s’agit alors que de reprendre
des forces.
Gagner un second souffle pour pouvoir, le jour levé, faire semblant d’être un homme, sous
l’ombrage des morts.

*

Poséidon, enfant, interpellait ma solitude
comme le Christ aujourd’hui l’habite.
D’un dieu à l’autre,
une vie s’est cherchée,
qui ne s’est pas trouvée.

*

Je paraphe l’absentement,

et l’infigurable souvenir de
la tristesse vide des dunes,
blanches comme l’héroïne,
lors même que l’usure des jours
renforce mon âme,
que pénètre mes
yeux hiératiques.

*
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Mon ego démesuré allait être carbonisé, essoré, lessivé, ratiboisé. Je le pressentais. Mais je me devais d’admettre que je ne m’étais rarement senti aussi vivant, allongé dans le hamac du jardin, qu’en cette fin d’après-midi où je rêvassais à la capitale – sauf lorsque je vacillais sous la brûlure des baisers de Marie, quand elle murmurait à mon oreille : « Toi et moi, c’est à la vie à la mort. » J’avais commis un crime, songeai-je, j’avais bafoué les élans les plus nobles chez une jeune personne, les plus purs que le monde puisse offrir, chez une fille prête à tout, et même à donner sa vie pour moi. Peut-être la vie me punirait-elle – ou Dieu. On ne peut faire le mal impunément. Le salut se paye comptant. De quoi étais-je épris, si ce n’était de beauté, avec l’art comme moyen le plus sûr de l’effleurer ? C’est vrai que j’avais de la chance, mon père avait eu là une idée géniale, me prendre un billet pour la plus belle ville du monde. Et puis m’éloigner de mes parents était devenu salutaire. « Tu es une sorte d’esthète », me disait François. « Un aristocrate de la sensiblerie », disait encore Marie. Mais quand je me comparais à mes prochains, je n’étais pas pire qu’un autre. J’avais un bon fond. J’aimais Dieu, la vie, les gens, mais de façon ténue, homéopathique, à petites doses, non sans un certain flou. L’ennui m’était supérieur, et ce que je craignais le plus était de continuer de m’ennuyer après la mort.
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- Cette chanson est magnifique, soupira-t-elle après avoir marqué un temps de pause, visiblement très émue, à tel point qu'elle s'ombragea, se perdit dans ses pensées, au feignit-elle de le faire, parvenant ainsi à rendre plus incandescents les atouts de son charme.
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Cette femme, Béatrice, ne devais-je pas plutôt m’en méfier ? Elle était trop intelligente et trop malheureuse. Névrosée au dernier degré. Oui, et alors ? Je marchai d’un pas pressé, mon être tout entier empli de fougue, et comme portée par celle-ci. Ainsi donc, je me rendais chez elle. Je n’avais pas le choix. Il me fallait agir de la sorte. Une force m’y poussait, qui me dépassait, dont je ne cernais pas les contours, mais qui s’imposait à moi. Avec fatalité ? Tout de même pas. L’heure n’était pas si grave. L’heure était propice, c’est tout. Il ne s’agissait que de curiosité, de dissiper un doute. Rien n’était innommable dans mon existence. Il existait des mots et des phrases pour chacun de mes sentiments. Je n’étais pas un personnage de Beckett. Je n’étais ni Malone, ni Molloy. Mon moi, au contraire de ces personnages, était identifiable. Je le connaissais. L’être qui résidait en ce point n’était pas sans nom, sans passé, sans possibilité de se frayer un chemin dans un champ symbolique de visions et de sensations. Je n’essayais pas d’être ou de devenir, comme Malone ; j’étais. Je n’avançais pas masqué dans la vie, ni n’étais en quête d’identité. Je me connaissais par cœur, comme dirait un collégien. Du moins le croyais-je. Il fallait le vérifier tout de suite. Béatrice. La revoir. M’assurer que je n’en étais pas amoureux. Me délivrer d’un songe ou d’un sort funeste. Elle était un peu sorcière sur les bords, oh oui, car magique, ou magicienne. Étais-je ensorcelé ? Je pressais le pas dans les rues, je courais presque, en fait. C’était comme si la ville n’avait pas d’existence, avec ses passants, ses immeubles, qui étaient comme autant de décors nébuleux à l’intérieur d’un rêve. J’évoluais dans une contrée qui n’était que le miroir déformant de mon esprit – j’allais dire mon cœur. Le lien qui les reliait l’un à l’autre était rompu. Le lien qui me reliait à beaucoup de choses était rompu. Mais au moins, j’en avais fini avec les tergiversations. J’allais droit au but, comme une flèche filant au centre de sa cible.
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Fabien Sanchez
Chronique de lecture : Ayez la bonté (Sans Crispation édition)

Le titre sonne comme une prière. A qui s’adresse-t-elle ? Le narrateur est effectivement hanté par Mauriac («Ma foi est purement émotive. J’appartiens à l’esprit des évangiles plutôt qu’à l’église ») mais aussi et surtout peut-être par les personnages de Mauriac, en quête de beauté et de bonté face à la mesquinerie, en guise d’ euphémisme, à l’étroitesse du monde, à son mensonge auquel il leur a fallu se plier. Le personnage-narrateur se revendiquerait plus comme l’avatar d’un Alain Leroy , le tragique ambulant de Dieu La Rochelle et de Malle, une des nombreuses références de l’auteur étagées, soulignons-le, dans une parfaite cohérence.
C’est la disparition d’une connaissance d’école, piètre argument de pèlerinage, qui l’amène à entamer une désespérante catabase, celle que l’on fait tous un jour ou l’autre quand on est amené, tiré par la manche, à fouler à nouveau les décors de l’enfance. Somargues, Lunel, une traversée de déserts : « Mais leur temps provincial, morne et ralenti, je le vois comme un temps pris à mourir ». La figure tutélaire de la Genitrix qui ne semble survivre que pour sermonner, comme un dernier sauf-conduit d’existence, les « amis » d’enfance que l’on croise par hasard, vagues silhouettes de passé, qui, à cinquante ans, tournent sur eux-mêmes, étourdis de vacuité, avant de s’en séparer (« Lequel de nous deux va regarder l’autre s’éloigner ? ». Il y aurait bien encore quelques feux follets d’espérance, comme cette rencontre avec cette Constance, sorte d’alter ego du narrateur, également sous emprise maternelle, rencontrée dans une Foire aux ego à Nancy ; deux âmes qui se comprennent trop pour s’éprouver durablement.
Fabien Sanchez a un goût et un vrai talent pour l’aphorisme ; mais là où il fait encore mieux qu’un Chamfort, c’est qu’il leur trouve une peau et une chair pour les faire évoluer dans un temps et un espace dramatiquement transgénérationnels. Un Alain Leroy comme une sorte de Juif Errant ?
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Fabien Sanchez
"Je ne sais pas toujours à quelle aune mesurer les jours qui se présentent à moi.
J’en suis là de ma vie, comme figé, sans recours, dépourvu du moindre sentiment qui ne soit hors d’usure. Rien n’a plus la capacité de me ravir à moi-même, plus rien n’existe qui voudrait à toute force que je me sentisse vivant. Mes humeurs inclinent leur cours vers une vie où je n’éprouve plus le sentiment de la hâte.
Le temps perdu est celui qui m’échoit, et pour obtenir mon rachat, je n’envisage pas de le perdre.
Gide déclara aimer tout ce qui mettait l’homme en demeure, ou de périr, ou d’être grand. Que d’emportement chez ce rentier ! Je ne vois rien chez moi qui me permettrait de le satisfaire, car ce qui est né de ma propre pente ne se confond pas avec celle du salut.
Vouloir adhérer au monde était un péché ardent de candeur ; désirer s’en retirer, l’est de candide ardeur. Dans les deux cas, il est question de se compromettre, et c’est de la qualité de cette compromission que dépend l’équilibre - combien ce mot me charme désormais, qui synthétise toutes mes révoltes et absout jusqu’au dernier de mes consentements.
Le désir de prendre congé de son moi intime, irréductible à lui-même et réduit à cette irréductibilité, pouvait bien s’escorter d’un recours aux paradis artificiels, aux voyages, aux ashrams, au séminaire, à l’amitié des livres, que sais-je encore ! ; il est de trouver les moyens de réduire les distances qui peuvent, elles seules, nous révéler et nous relever dans un même mouvement. Alors, peut-être, tendra à paraitre plus libre que l’homme entravé, celui qui, au nom d’un désir de justice, ne sera frappé par aucun autre glaive que le sien."

Extrait du dernier roman de Fabien Sanchez "Ayez la bonté" aux éditions Sans crispation paru en mars 2024.
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Question

Cette voix de Lady Day
qui a vu du pays,
et brisé bien des chaines,

esclave de l’amour
qu’elle libérât sur parole,

se mêle à l’urine séchant
au vent de la honte,
sur les vêtements trempés
de la sueur d’être fils,

avec cette question très tôt tombée,
Mais d’où ? Et vers où ?

Et que voici :

Quel destin sera le mien si je lui échappe ?

------------------------------------

Rue du Cambodge


Ce statut normé
de plaisirs racoleurs
aux tonalités tristes
de l’après-ciel,

le voici qui boutique et tapine,
quand la vie se résorbe dans ce peu
qui ne court plus à sa perte :

l’usage de la vie
qui devient son usure.

--------------------------------

Israël Eliraz

La suprême fatigue dans le poème t’attend sans pitié


On sort de l’enfance lorsqu’
on est avisé d’y mourir.
Je me suis élancé.
L’essor est devenu essorage.

Les mille efforts de s’échapper
Furent suivis d’effets

Enfin, je me suis mis au pas
(l’anxieux de vivre )
J’ai allumé des lueurs
Dans certains regards.

Mais aussi des cierges
Dans cette pitié contrariée de soi
Et afin de reposer
Ma vue
Des choses sans vie.

Dire qu’on fait ce qu’on peut,
C’est encore le dire,
Mais le faire ?
(N’est-ce pas se médire ?)

Je n’attends plus rien ce matin de l’acte d’écrire.
C’est écrit, et acté.

Je laisse à d’autres le territoire de mes peurs.

------------------------------------

Point vif

A Jean-Louis Massot


Vous rêvez de choisir un point du globe
où aller vivre,

pour vous essouffler ailleurs.

Un hôtel proche de l’aéroport international
Horeda de Tokyo.

Pourquoi lui ?
La question se pose là,
mais pas sa réponse.

Bourgeoisie bohème de l’esprit
sans aucun charme discret.

Planer dans le dur du doute.

Comme autour d’une Yukiko Brautiganesque

Il y a quelque chose d’épidermique
dans ce souhait de changer d’alentours
qui attaque comme un virus,
friand d’élans vitaux et
de jeunesse,
comme d’autres le sont de vieux.

Il est temps de quitter
ce vestiaire de l’existence
sans fenêtre pour ouvrir sur l’oubli,

et désœuvrer enfin ce réel
qui se veut trop à l’œuvre.

------------------------------------

Ainsi les hommes dedans

A Dexter Gordon

C’est à la cime
de mon être
que je prends
le moins
de hauteur.

Et c’est en me
réduisant
à l’absence
de réductions

que je me sens
le plus libre ;

d’autant que le temps
(seul luxe avec la santé)
m’est une offrande
ronde et pleine
cadrée - alignée
dans le seul destin
circonscrit

qui connait autant ses limites
que les hommes dedans.

--------------------------------------

Certains

Iraient au bout du monde
Dans l’illusion
De ne jamais
Le quitter.

Moi, je n’irai qu’au bout de la rue
Pour lui signifier que
Je m’en vais
Dans n’importe quel café.

Mais pour l’heure,
Je ne suis qu’au bout de mes forces

Aussi vais-je m’assoir.
Ceux qui me connaissent savent où.

Dans n’importe quel sentiment.
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Fabien Sanchez
Les illusions des vivants de Fabien Sanchez

Aux éditions TARMAC
Commande en ligne sur le site des éditions TARMAC : https://www.tarmaceditions.com/...

Je ne connais de bornes qu’en mon corps. L’esprit, lui, l’espoir le dérobe à la
tentation tragique de la plainte, aux vieilles dessications de mes élans, aliés de vieilles ardeurs, qui paonnent en la ville blanche.

Je balance entre deux mots : Dieu et Néant ; et, ce faisant, j’avance sur la crête du temps, réduit par l’Infini dont l’idée mord ma finitude.

Je m’éperds sous les orangers en fleur de Blidah.
Je m’alentis parmi les collines surplombant la ville.
Tout est si sensuel et sauvage et mystique !
Je ne saisirai plus les mots que par les ailes, écrivait Gide.
Je songe,
assis au café maure de Shivaz, à cet homme dont les mots, jeune homme, me balayèrent comme si j’eusse été poussière.
Il est bien peu d’adolescences qui méritent la nostalgie que nous en avons. Ce que je sens que j’ai perdu est pourtant toujours en moi. Je songe à lui, Gide. Mais qu’ai-je à faire désormais de ses chants ?
L’hiver s’éploie sur Paris. Je reconnais là ma force qui est d’éperdument désirer vivre dans cette ville avec sa permanéité ductile.

J’y songeais dans le train de nuit, plein de ferveur, qui me menait à Venise, en même temps que ce propos de Gide, Certes jamais aucune gloire ne vous vaudra, adolescence de nos cœurs !
La rage de ces années a fleuri dans le souvenir de toutes ces femmes qui s’étaient laissées atteindre.
Je dis en ce jour que la joie est une chose facile
mais elle n’aidera jamais personne à quitter la Vie.
Il n’est pas aisé pour une vision, du monde, de choisir le bon objectif. Je vis ma vie en fondus enchaînés, passant de l’âge d’homme à celui de l’enfance, et inversement, et incessamment ; je vieillis ainsi, cependant que mon passé n’en finit pas et jamais de creuser L’INFINI.
Le soleil couche ses feux sur la baie. Voilà le mobile qui enflamme mon esprit. Eblouissement devant ce fragment de paradis. J’en suis là de mon exil : au point d’infaillibilité de ma foi, née de la perte de mes forces, et du peu que je mesure.

Je suis intoxiqué par trop de beauté, ici portée jusqu’à maximité. Cette ville appelée La Blanche, je ressens que sa vision bouleverse le sentiment que j’ai de vivre en exil. Se dessine en moi la volonté de mettre le feu à toutes mes peurs, lors que le soleil me dit tous les jours la chance inouïe que j’ai d’être en vie. J’écris pour honorer le soleil, même lorsque, blessé, je lui préfère la nuit, me déployant sous elle dans le but inavoué de tourner le dos à l’inachevé.
Il en va des morts comme
des vivants,
aucun ne sont illusoires.
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Fabien Sanchez


Je suis parti ; mais je ne sais être absent.
Rien n’est moins sûr désormais que l’à peu près devant lequel je me situe…
Je ne peux habiter ma foi ; elle est mon exil.

Je suis le sauvé qui remercie le salut, le vécu qui désire de vivre, encore, afin que descende des nuées ce qui ne peut plus être contenu dans le seul attachement rendu au sol, et qu’espère le réel.

Mes yeux en faction observent ce qui relie un corps à son prochain quand le pas hâte sa longue marche au bord de l’être, à l’extrémité où se précipite une décision que distend l’harmonie à la jonction des preuves insuffisantes dont le corps s’émeut sans raison - ni rien autour.

Ce sont toujours les mêmes histoires que je prise : celles où une chambre d’hôtel délimite les proscriptions internes qu’escortent aussi les taxis de nuit, le silence des églises, les cafés aux timides lueurs, les foules des vivants sur les grands boulevards que prolongent celles des morts, puisque tous les hommes emboîtent le pas de leurs histoires pour que leurs histoires les libèrent.

Le long des sentiers de l’usage où rien ne s’érige, je ne veux pas de l’inclinaison vers ce qui tombe, mais la pitié rebouteuse que l’on trouve dans le temps isolé.

Justifier l’identité offerte à elle-même dans le refus de son vide impropre ; y laisser pénétrer l’essence inconnue du soulagement dévotieux et des intimes offenses - comme si la douleur avait pour espace la durée et que l’on ne pouvait disparaitre dans deux Moi séparés.

Je souhaite d’acquérir ce rien de l’art de vivre comme dans cette phrase de Valéry qui veut que « le cœur ne batte que par moments critiques ».
Mais il faut savoir cheminer où le chemin se dérobe.
N’ai-je rien obtenu de la dissolution du mal obsédant de ma jeunesse que ces pythies échappées de leur servitude ?

Longtemps je fus si près de moi, mais si près, où était-ce ? Faire au mieux pour tomber plus loin qu’avant, car plus loin, je sais où c’est. Un hôtel, un repli, un recès, un lieu neutre où l’émotion anonyme ne laisse pas de traces.

La chambre donc, l’hôtel, disais-je ; le milieu de la nuit, la télé allumée sans le son, des cigarettes, et le moyen si sûr chez moi d’être sauf.
J’essaie de lire l’un des premiers livres de Gide. Qu’il me pardonne l’ombre que je laisse sur l’indicible virginité des phrases de sa jeunesse. Je suis toujours éprouvé de ne pas aimer un livre. Ce n’est pas lui que je remets en cause ; c’est ma blessure face à lui. Il faut que quelqu’un soit comme moi. Que nous soyons jumeaux dans la solitude, pour être semblables à elle.

Il n’est que de revêtir le présent. Mais de quoi ? demande la voix intime. Heureusement la vie porte le souffle des hommes qu’anime la rigueur dévouée de leur épaisseur réduite à ma norme. Que me vaut à présent de marcher si je n’ai plus d’élan ?
Il rêve celui qui n’a soif que de justice, comme ceux-là dont la Grâce est rendue en laissant écouler le réel entre leurs mains jointes.

Des sentiments me serrent, mais comment savoir ce que j’ai perdu d’eux depuis le seuil de ma chambre d’hôtel jusqu’à ce café de la Plaça Reial sans ce qui va de soi ? : la recherche inquiète de ce qui nie le droit d’œuvrer pour l’homme en désœuvrant son apparence.

…comme le silence sur une lame me laisse seul avec la vie promise, je dirai alors sans nulle offense que les jours laissés pour compte eurent comme poids le double de mon esseulement.

Il n’y a pas que l’enfance qui porte en elle sa fuite ; l’accent lyrique chez moi est contagieux comme l’idée qui veut que j’aie traversé cette vie en fraude, que je me sois interdit pour mieux m’offrir à ce qui ne saurait être en moi qu’une chair au seuil des pensées qui étirent l’esprit comme un muscle qui parfois se contracte.

Extrait de "Derrière la porte étroite ( suivi de ) Jusques aux bords "( recueil de poèmes de Fabien Sanchez publié en 2021 par la revue A L'INDEX, animée par l'écrivain Jean Claude Tardif, dans la collection tirée à part " Les Plaquettes"
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Fabien Sanchez
La fin des combats
Dans le vieux ciel
comme des bagnards
les couleurs se traînent
blessées
tirant sur leurs chaînes
enduites d’Eden
l’innocence
qui va périr
me salue
gladiatrice fourbue
d’un ultime
combat.
Le sang qui meurt dans ses veines
la terre nourricière le boira
comme une mère nécrophage,
et mon cri rejaillira
sur les terrains vagues
où Rusty James pleure sur le sable.
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