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Critiques de Fabien Sanchez (14)
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Un train est passé

Voici un court roman porté par une très belle écriture , poétique et sensible, intimiste , addictive, aux accents mélancoliques , aux formules stylées et accrocheuses, savamment distillées.

Ce récit explore avec une beauté surannée l'angoisse et les craintes du jeune narrateur, cette sensation d'étouffer, une oppression qui l'empêche d'agir --------tremblements, jambes vacillantes--------il se coule alors dans l'abîme de la solitude , nouvelle chez lui, car il n'est jamais seul à la maison !

Ce garçon de vingt ans , Mathias a soif d'absolu , la vie lui fait peur ........il se cherche , effrayé par l'ombre de son père, dans le silence et le manque d'estime de lui -même .....

Confronté à l'ennui, inquiet , le regard triste, neurasthénique ,flirtant avec l'idée du suicide, il désirait guérir "Tout d'abord de ses parents, ensuite de la mélancolie ".

Nous passerons trois jours et trois nuits à ses côtés car il est à la croisée des chemins .

Lorsque l'on a un train à prendre, peut- on y monter ou décider de le laisser passer ?

Il évoque les rapports difficiles avec son pére , l'amitié indicible de son ami François qui porte sur lui un regard bienveillant parfois sarcastique, à bon escient , la rencontre amoureuse avec une femme blessée , les retrouvailles avec un ancien professeur, avec un junkie philosophe .......

Le destin est- il bien celui que l'on croit choisir ou pas ?

Le plus important ce sont les réflexions intéressantes sur l'art et la maniére d'écrire, la douleur de vivre mais sa douceur aussi ? Et la douceur d'être au monde ........

Cet ouvrage minutieux qui se lit comme un petit précis de mélancolie dessine en creux de superbes portraits de personnages abîmés par la vie .

Une bien belle découverte , édité chez la Dragonne, Distribution : Les Belles Lettres .

"Il eut le sentiment que tout était habitable,

Sauf peut- être ce sentiment lui- même. "

L'auteur, que je ne connais pas est né à Montpellier en 1972, surtout connu comme nouvelliste et

Poète. ( il a écrit une demi- douzaine de livres ) .

Merci à Marie ma libraire .
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Le sourire des évadés

"Quarante ans, bon sang de bonsoir, et je me tenais prostré à poil dans le noir comme Birdy dans sa cage, regardant le ciel par la fenêtre. Partir loin, ne plus jamais donner signe de vie. Disparaître, m'évaporer, comme Frédéric. Plus de femme, plus de fille, plus personne."



Un écrivain obsédé par la disparition de son ami d'enfance revient dans son village natal afin d'écrire... Écrire ? Il n'y parviendra pas...

Entouré de femmes qui l'attirent et dont il devient amoureux, s'adonnant à l'ivresse qui apaise les contradictions d'une vie douloureuse, le narrateur se perd dans les méandres d'une existence où les sentiments, lumineux, sont la source d'une chaleur intense.

Je découvre Fabien Sanchez à travers ce roman superbement écrit. Un style vif et percutant, une histoire saisissante, un suspens... Tout y est.

On y retrouve Cioran ainsi qu'une atmosphère parfois désenchantée et ironique. Le tiraillement entre le désespoir et le désir d'une vie pleine et intense...

Le sourire des évadés ? Une lecture délicieuse que je vous recommande grandement...



"Quand bien même semblais-je avoir tout raté dans ma vie, quand bien même me montrais-je coupable de ne pas grandir, et me décrivais-je comme un prophète de malheur plutôt lourdingue, ma fille justifiait totalement que je fusse autorisé à respirer dans ce monde de douleur et d'injustice."



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Le sourire des évadés

Quoi qu'il tente ou fasse, l'élastique à sa culotte (celle dont se plait à user les fonds sur des bancs d'école) le ramène toujours en arrière. Un tendeur implacable, le souvenir douloureux de 1983, a fait de lui un "sous-Peter Pan cyclothymique", un "fugitivus errans". A la longue, ça lasse une femme, même d'humeur égale. C'est pour enfin cesser de se projeter dans le passé et peut-être sauver son mariage que William est revenu dans sa maison d'enfance. Il a l'été devant lui pour avancer sur son roman. Il veut écrire l'histoire de Frédéric, son meilleur ami, disparu en 1983, évaporé au cours d'une "évasion", une escapade d'adolescents où tous étaient pourtant partis avec le sourire.



Plusieurs figures féminines l'entourent, à commencer par Judith, sa fille, véritable rayon de soleil, indulgente vis-à-vis des dispositions abouliques de son écrivain de père mais intraitable sur son écriture si celle-ci prend du poids sans raison. William sait aussi qu'il peut compter sur la bienveillance d'Elisabeth, sa voisine, la mère de Frédéric. Il la connaît depuis toujours. Elle est son idole, son icône, son baume. Une nouvelle venue dans le voisinage, la jeune et jolie Stella l'intrigue mais la demoiselle, à l'esprit pourtant vif, n'est pas vraiment ce qu'on peut appeler un modèle d'équilibre et pour tuteurer quelqu'un, mieux vaut soi-même ne pas être chancelant.



Pour être tout à fait honnête, j'ai craint un moment que les atermoiements de ce mâle quadragénaire un brin improductif et versatile, manipulant parfois plus la bouteille que le stylo allaient finir par m'agacer (une pensée solidaire avec l'épouse qui a dû avoir bien envie de lui botter le train...) mais il n'en a rien été (reprenons notre posture de lectrice), d'abord parce que l'on n'oublie pas l'histoire qui sous-tend tout ce mal-être, ensuite parce qu'il est quand même le premier à ne pas s'épargner, à se regarder le nombril ou à se triturer le cerveau certes, mais avec une lucidité certaine et une autodérision bien ficelée, le tout servi par une belle écriture.



J'ajoute que c'est un roman à l'érudition discrète avec un vocabulaire précis, parfois rare (j'ai appris 2 ou 3 mots au passage dont un que j'ai utilisé plus haut...), quelques locutions latines, des références à des auteurs et non des moindres... (Cioran, Kafka, Sénèque, Bobin) et, choix risqué mais délicieux selon moi, l'emploi de temps oubliés comme le conditionnel passé ou le plus-que-parfait du subjonctif (quand le propos est contemporain, je ne trouve pas que cela fasse suranné).



C'est quand même le deuxième livre que je lis depuis peu (l’autre, c’est « Toute ressemblance avec le père » de Franck Courtès) où je concède à un narrateur masculin le droit d'avoir autant de défauts, soit je me ramollis dangereusement soit leurs auteurs ont du talent !


Lien : http://leschroniquesdepetite..
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J'ai glissé sur le monde avec effort

Dans ma librairie, il y a un présentoir assez discret, un peu éclipsé par la table des beaux livres. On pourrait presque passer devant sans le voir. Sur ce présentoir, on trouve des livres tout aussi discrets, beaux pour autant. Ils n'ont pas de couvertures brillantes et de titres à rallonge qui m'agacent tant. Ils se déclinent dans des teintes douces ou en noir et blanc, parfois une photographie style sépia orne leurs couvertures mates à grains épais. Ils ne sont pas clinquants et n'appartiennent pas à des maisons d'édition connues.

J'aime bien m'attarder devant ce présentoir.

Le livre que j'avais repéré offrait une combinaison charmante : un titre magnifique (en soi, un poème), un éditeur au nom insolite, une photo à la fois pittoresque et nostalgique où une voiture chargée d'une improbable pile de matelas roule coffre ouvert en direction d'une métropole. M'emparant de l'objet, j'ai demandé à mon libraire de manière particulièrement pertinente : "c'est bien, ça ?"

Son œil a pétillé, c'était bon signe. Il m'a parlé de la qualité du travail de cette maison d'édition; il m'a parlé de l'auteur qui a à la fois une écriture simple mais contemporaine, une écriture qui imprègne en profondeur.

J'ai bien aimé l'idée de repartir avec un livre de poèmes alors que je ne l'avais pas prévu au départ. Je l'ai lu aussitôt. Dès le premier poème, j'ai senti l'émotion monter en moi. Je ne sais pas comment en parler, je mesure toute la maladresse qu'il me faut éviter.

On sent des fêlures, des béquilles incertaines, une façon d'avancer sans grande vaillance mais d'avancer quand même, une façon de se chercher dans les voyages, de se trouver peut-être dans l'amour d'une femme. On devine la volonté ténue d'accepter enfin la sortie de l'enfance, une nostalgie douce avec laquelle il faut se construire ou grâce à laquelle on se construit car elle enveloppe de bienveillance comme autrefois le regard du père.

Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu de poésie. Discret présentoir , tu ne m'as pas déçue, je passerai te revoir.




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Les illusions des vivants

Les poèmes que recouvrent ce recueil ont ceci d’impérieux et d’imposants, sans user de leur force, qu’ils proposent de transfigurer le réel en le prenant pour sujet singulier, et, aux deux pôles de la subjectivité tiraillée de l’auteur, les mots qui sont ici à l’œuvre parlent d’errance, celle qui leur est propre, car, c’est un fait, ce sont des mots errants, mais ils composent au-delà de l’errance, une manière d’unicité, qui se veut être la négation de l’opposition chez l’homme

du pur et de l’impur, qui ne sauraient faire deux, ne sauraient être distincts, pour devenir une seule voix dans laquelle ils se coulent, voix pénétrante qui dépend tout autant des voyages extérieurs du narrateur, que de ruminations introspectives. Des villes sont évoquées, qui sont traversées, mais ne font office que de décors au climat d’une âme, par le prisme de l’expressivité souvent suppliciante et acérée d’une parole intérieure qui refuse d’être mutilée, mais souhaite de délivrer dans une manière de vice et de piété alternés, du sens à leur nature atrabile, corruptible, ou porteuse d’une santé insolente de nature indivisible ou plutôt, indefinie, indéterminée, mais en rien indéfinissable, car les poèmes qui composent ce double

recueil, ne sauraient être abstraits, abscons, partie liée avec les nuées d’un surréalité hardie.

Ces poèmes, s’ils nous évadent du sentiment d’une trop étouffante réalité, celle du réel de la vie de l’auteur, composent avec nos réalités personnelles, différentes, une manière de fraternité blessée, dont les mots de Fabien Sanchez se voudraient les pivots d’une passerelle

unificatrice.
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Chérie, nous allons gagner ce soir

on verra bien
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Ceux qui ne sont pas en mer

Publié en 2009, « Ceux qui ne sont pas en mer » rassemble six nouvelles de Fabien Sanchez, des récits attachants par le manque de confiance de personnages incertains, par ce que ces histoires contiennent de la difficulté de sortir de l’enfance, et par ce goût des heures passées à lézarder au soleil du midi, dans un mas à retaper et avec une vie à construire.



Mais ces textes manquent d’aspérités pour nous lecteurs qui aimons précisément nous aventurer en haute mer ou dans des terres aux paysages inattendus.



Cité par Pierre Michon, Faulkner disait que nous disposons tous d'un territoire pas plus grand qu'un timbre-poste, et que ce qui importe n'est pas la superficie, mais la profondeur à laquelle on creuse. De cette profondeur, je retiens ici la nouvelle éponyme ; les heures s’écoulent lentement pour un enfant de treize ans, l’été, chez son grand-père, avec pour seul loisir une amitié qui se délite dans l’adolescence. Mais le temps s’accélère et l’amitié se ressoude autour de l’angoisse du devenir d’un père sorti de prison et qui prépare un nouveau casse, donnant au grand-père, ancien combattant républicain de la guerre d’Espagne, l’occasion de révéler sa sagesse.



« Lorsqu’ il est parvenu à notre niveau, son allure spectrale a pris la figure d’un Bédouin du désert. Son crâne nu brillait sous la lune. Le profil mauresque de ce grand-père lui venait de ses origines andalouses, du petit village de Sufli où il était né, dans la province d’Almería.

Nous tournant le dos, il a contemplé le cours du canal, pour marmonner quelques phrases que le vent rendait inaudibles. En se retournant, il nous a vu fumer et a jeté un coup d’œil à la bouteille que Gilles tenait entre ses mains. J’ai craint qu’il nous gronde comme l’orage. Il s’est approché et nous a fait signe de nous écarter pour lui faire une place. »
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La Revue des Archers N°35

Recueil de poèmes et de nouvelles des Archers une nouvelle fois agréable à lire.
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Un train est passé



Voici un texte captivant, bouleversant, sur un amour empêché entre un jeune homme de vingt ans désœuvré dans sa vie de province et une femme blessée par les vicissitudes de l’existence.



Le style est parfait : ciselé et d’une grande maitrise narrative, portée par une fluidité avantageuse.

Les personnages sont extrêmement attachants, qui nourrissent chacun des réflexions sur le sens caché ou révélé de l’existence, mais aussi, pour le jeune narrateur qui se pique d’écrire, sur le sens même de sa démarche artistique qui n’est pas sans rappeler qu’il existe encore des auteurs que cela intéresse, dont c’est le véhicule premier de la recherche, je pense ici, par exemple, à André Gide.



Ce livre captivant de bout en bout sur la vie d’une jeune homme écrit par un auteur d’âge mur, nous apprend que le temps ne fait rien a l’affaire ; mais seulement la foi en la vie et en la recherche acharnée de la vérité, à tous le moins, dans les versants où celle-ci nous délivre, non pas sous la forme péremptoire d’un message, mais plutôt celle, fragile, d’une prière, les différents visages que peut emprunter la beauté quand elle soulève le rideau du réel et nous transporte vers ce qu’il y a de plus ténu et de plus précieux en nous- même.



Un livre exceptionnel ! Comme son auteur, je ne pèse pas mes mots !!!
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Un train est passé

il s'agit d'un court roman qui s'attache à mettre en lumière ce moment

dans la vie où tel un animal rétif, on recule devant l'obstacle comme pour

savourer un peu encore cette zone familière de "l'avant". Il l'évoque avec

pudeur et un humour grinçant parfois.Il faudrait ajouter que le style d'écriture y a la part belle, ce qui, dans le champ de la littérature contemporaine est tellement à contre courant que cela ressemble à de l’héroïsme, ne pas flatter la bêtise, ne pas chercher à donner des conseils ou des clés. bref, je vous en recommande chaudement la lecture!
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Arden proche

C’est un existant imprégné d’une époque, imbibé des musiques et des voix (Dylan, Cohen, Reed, Manset, Ferré, etc.) qui livre son agenda de lecteur et d’auditeur urbain, arpentant les rues de Paris avec des livres dans les poches. Perros, Blanchard (André), Reverdy, Bastard, et même ce vieux grognon de Jerphagnon. On voudrait des accrocs, mais non, la vie coule sur la voie centrale, l’auteur reste serein, sans qu’on sache si c’est là une sagesse.
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J'ai glissé sur le monde avec effort

La critique de mon recueil, J’ai glissé sur le monde avec effort (La Dragonne) dans le n°54 de la revue littéraire « Décharge » par Alain Kewes. Qu'il en soit ici remercié.



On savait Fabien Sanchez nouvelliste hors pair depuis son premier recueil, Chérie, nous allons gagner ce soir, dont j’ai rendu compte ici. Voilà qu’il nous propose, sous un titre toujours aussi évocateur, non des proses mais des poèmes ! Diantre ! Comment cette voix plus habituée auxsièges défoncés des Lincoln sur une route poussiéreuse d’Amérique allait-elle se sortir de l’épreuve ? Très bien, merci. Car si l’Amérique est le paradis des nouvellistes désenchantés, on n’oubliera pas qu’elle a un filon poétique des plus originaux. Qu’on retrouve ici, d’ailleurs au volant de la même voiture, dans des virées poético-amoureuses au pays des Native American. « Je traverse la poussière / d’un monde nouveau / auprès d’une Indienne Spokane./ Nous faisons des haltes / dans des road houses / pour boire du café » Mais pas seulement, pas essentiellement. Les poèmes de ce recueil reviennent sur une vie marquée du sceau de l’exil et de l’errance, de l’Espagne mal connue, à Paris et mille ailleurs. La figure du père républicain traverse le recueil. Et Fabien Sanchez continue à lui parler par-delà la mort « comme un solitaire / qui se tient de longs discours / je parle à ceux qui vivent en moi ». En mots simples mais forts, toute la nostalgie d’une enfance perdue : « l’enfance a volé en éclats(…) / j’ai tout essayé pour lui survivre. /Comment dire son absence / à mes côtés ? ». D’autres figures traversent le recueil, Lou Reed, Dylan, Henry Miller, des anonymes aussi, chaque fois estompés, pour dire combien ils furent consubstantiels d’une vie, mais combien aussi, on s’en est éloigné, parce que vivre est toujours s’éloigner, partir, laisser ses bagages sur le bord des routes, dans les paysages, les gens. Cette poésie qui doit beaucoup à la veine narrative des Américains encore (George Oppen, Cid Corman, toute la Beat Generation) sonne ici très juste, avec des lumières tamisées par le temps, la distance, la nostalgie, même quand il s’agit d’évoquer les paysages espagnols ou languedociens.



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Un train est passé

Ce que j’aime avec Fabien Sanchez, c’est qu’aucun de ses livres n’est pareil à un autre.

Certains auteurs ont un style bien à eux, à chaque fois reconnaissable, ainsi qu’ un faisceau d’obsessions identiques de livres en livres, pas lui. De son premier recueil de nouvelles Ceux qui ne sont pas en mer à celui-ci Un train est passé, en passant par des recueils de poèmes et un autre superbe roman Le sourire des évadés, Fabien Sanchez explore le champ de l’écriture,

non pas pour distraire, mais pour nous mettre le nez dans ce qui nous préoccupe tous ; il parle du quotidien mais dans un langage de plus en plus recherché, allégorique, riche de sens et de nuances, l’on a l’impression qu’il reste à la surface des choses et des êtres comme pour mieux

en exprimer les zones cachées et les profondeurs.

Le regard qu’il pose sur les sentiments humains est toujours bienveillant, mais l’on sent bien que lorsqu’il parle des autres, il ne parle pas pour eux, mais pour nous, et de lui-même ; il y a chez lui un souci de la vérité des sentiments et une exigence stylistique, comme si le style voulait leur rendre hommage, et que de cet hommage, naisse une œuvre d’art.

Car ce qui importe chez lui, comme il l’a déclaré, ce n’est pas tant de raconter une histoire, sinon la manière dont on la raconte. Le style est tout, et Fabien Sanchez n’en manque pas.

Sa prose s’enrichit de livre en livre, gagne en maturité, en maitrise ; mais pas en sagesse, et heureusement, elle reste au service de personnages écorchés vifs, jamais tièdes, toujours denses, profonds et inspirés, au point que l’on se demande s’ils ont existé ou ne sont que pure invention, car dans la vie de tous les jours, on ne trouve pas toujours des personnages aussi vivants, inspirés que Mathias le narrateur, ou son ami François, ou Jean Gadenne (faut-il voir dans ce nom un clin d’œil à l’écrivain Paul Gadenne ?) le drogué du village ou cette femme blessée Beatrice Kleinfinger dont Mathias tombe amoureux, sorte d’antithèse (le mot est barbare) d’Emma Bovary.

Rien n’est superflus, tout va toujours à l’essentiel, ou l’effleure, quand il ne tourne pas tourne autour.

Ce court roman se lit d’une traite, le souffle court, et l’on arrive à la fin, hors d’haleine, riche d’émotions, et un brin planant au-dessus du réel., qui, comme l’écrivait René Char, ne se traverse que soulevé.

Fabien Sanchez a déclaré : J’écris aujourd’hui pour arracher sa part d’ombre à ce que l’ombre a autrefois caché dans son indicible clarté.

L’ombre et la clarté sont les deux pôles de ce huitième livre de l’auteur, et entre les deux, il y a des personnages qui sont le reflet de l’indicible, et qui, le reflétant, deviennent les figures incarnées de nos multiples visages.

Chez Fabien Sanchez, je n’est pas un autre ; je est tous les autres.

Ici, je le cite, pour conclure :

Ce qui nous rend tous identiques est que nous sommes tous singuliers.
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Dans le spleen et la mémoire

Fabien Sanchez – Dans le spleen et la mémoire. Photographies d’Olivia HB. Avant-Propos de Christophe Bregaint. Editions Les Carnets du Dessert de Lune. 2016.

ISBN 9782930607771. 12 €



Désespoir sublime

Fabien, c’est terrifiant ! Je n’ai pas envie que tu peuples ta solitude en ayant l’enfant que tu jamais eu,

« de l’enfant que tu n’as jamais eu

de la petite fille à laquelle

tu ne raconteras jamais d‘histoires

de la solitude dans les jardins publics

parmi les enfants des autres ».

Je n’ai pas envie que tu oublies ton passé dans un avenir radieux, que tu noies ta nostalgie dans un présent petit bourgeois,

« Cette manie de regarder en arrière

dans le rétroviseur de l’âme

carburer à la nostalgie

le plein de super pour la marche arrière ».

Je voudrais que tu restes le chômeur désœuvré, sans avenir, qui n’arrive même plus à laisser filer son temps, je voudrais que tu restes le gamin bohème qui a parcouru trop tôt les chemins de la vie et épuisé trop vite les illusions qu’elle suggère,

« j’avais dix-sept ans

et mon cœur connaissait trop de chansons

les lits des filles m’étaient inaccessibles

je dormais sur le bitume ».

Je voudrais que longtemps encore tu écrives des vers qui racontent l’histoire d’un père parti trop tôt et d’un fils jamais devenu père, des histoires écrites avec le jus de tes tripes, la bile amère de ton âme et l’encre de ton désespoir.

« ah maudit gosse, et sale bonhomme

moi chômeur longue durée,

lui poète à ce qu’il parait

tous deux traînent misères, traîne fumée ».

Mais, même si tu es, comme tu le dis : « Je suis devenu celui qu’enfant je n’aurais pas vu », j’espère de tout mon cœur que « la possibilité du retour » que tu évoques dans ton « Intro », te permettra un jour d’écrire à l’imparfait avec le même talent, la même tristesse, le même désespoir des vers de la même intensité, portant une émotion aussi troublante, provoquant une compassion aussi vive. Et que tu trouves un chemin possible pour sortir ta vie du cul de sac dans lequel elle semble enfermée, sans jamais y laisser ton talent. J’espère aussi que l’œil d’Olivia HB sera encore sollicité pour apporter un supplément de vie à tes poèmes car ses photos participent à l’ambiance et à l’empathie que ce recueil dégage.

© Denis Billamboz in Critiques libres


Lien : http://www.dessertdelune.be
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