Éditions de l'Iconoclaste, mars 2023
"Bien sûr que les poissons ont froid", Fanny Ruwet
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Il y a plein de choses comme ça qu'on fait pour la dernière fois, sans s'en rendre compte. On en sacralise beaucoup : le dernier jour au collège, le dernier jour au taf, le dernier soir des vacances... On en manque beaucoup, aussi. En général, ce n'est qu'après coup qu'on réalise avoir embrassé un amoureux, vu un proche ou entendu une chanson pour la dernière fois.
Il y a probablement des dernières fois qu'on aurait vécues différemment, si on avait su. On y aurait mis plus d'attention, plus d'intensité. On se serait concentrés le plus fort possible pour ne pas oublier ce moment. Comme quand on est ivres caisse et qu'on répète à notre cerveau : "Rappelle-toi de ça, c'est vraiment important !" Au final, on se souvient qu'on devait se rappeler de quelque chose, sans savoir quoi.
C'est vraiment fourbe, la tristesse. C'est pas un truc que tu as envie de partager, mais tu peux en sortir que si t'es bien entouré.
Ces histoires m'ont très souvent rendue triste, tant elles étaient éloignées de la vie réelle. Beaucoup se plaignent des modèles amoureux invraisemblables qu'offrent les romans et les films, mais je trouve qu'ils donnent surtout des attentes folles en matière de cerveau : les personnages de fiction sont plus intéressants que les vrais gens, et trois phrases d'un film sont plus inspirantes qu'une semaine entière de conversation avec le commun des mortels.
J'ai beau savoir que c'est logique, que les dialogues de fiction ont été écrits en plusieurs mois par une équipe entière de scénaristes et qu'en une heure trente, on ne nous a donné que le meilleur de la vie des protagonistes, je suis quand même déçue que notre quotidien, sans montage, soit nettement plus ennuyeux. La fiction, c'est comme une compilation des meilleurs buts de Lionel Messi au Barça alors que la vie, c'est l'intégralité de sa première saison au PSG : vraiment très oubliable.
Je suis en colère parce que tu passes ton temps soit à avoir l'aval d'une catégorie de la population que tu détestes, soit à vouloir plaire à des gens qui te plaisent mais qui, eux, ne te regardent pas. Et ils ne te regardent pas parce que tu ne les intéresses pas. Ils te trouvent touchante, tout au plus. C'est pourquoi ils apprécient de passer du temps avec toi le temps d'un verre, à l'occasion. Mais ils ne feront pas souvent un pas vers toi, parce que tu n'as rien à leur apporter. Tu ne brilles pas par ton raffinement, tu ne brilles pas par ta culture, tu ne brilles pas par ta maturité. La validation que tu cherches ne te permet que d'être considérée. Pas appréciée. A côté de ça, tu as dans ta vie une personne comme moi, complexe, ambitieuse, curieuse, cultivée et stable. Et tu n'y prêtes pas attention parce que t'es obsédée par les gens qui ne t'aiment pas avant de considérer ceux qui t'aiment.
Je me demande souvent si les gens vivent les événements aussi intensément qu'ils le prétendent. Si ça se trouve, on fait tous semblant depuis le début, de peur de ne pas ressentir assez et de passer pour des sociopathes. On réagit peut-être de façon excessive à des futilités pour tenter de se convaincre qu'elles ont de l'importance, parce que pour 90% des gens la vie ne sera jamais qu'un enchaînement de choses banales. On se retrouve alors à juger "profondément bouleversant" un mauvais film pour ne pas admettre qu'on a perdu son temps à regarder une oeuvre vraiment oubliable.
« C’est fou d’avoir si souvent envie de crever et tellement peur de mourir »
Ça me bute que les gens puissent avoir envie de faire des gosses alors qu'on passe clairement sa vie d'adulte à essayer de se remettre de son enfance.
Je l'adore et je la déteste. Hélène est une sorte de première de classe austère sans aucun bon sens qui s'adresse à moi comme à son assistante alors qu'on occupe le même poste. Elle suit les règles, qu'elles soient sensées ou pas. Si notre boss lui demandait de chier dans l'imprimante, elle le ferait et distribuerait une copie à tout l'étage pour montrer son implication.
On s'invente toujours ce dont on a le plus besoin. C'est pour ça que ce sont surtout les gens vraiment dans la dèche qui se demandent ce qu'ils feraient s'ils gagnaient au Loto. Ils savent que ça n'arrivera pas. Mais pendant quelques minutes, ils ont la tranquillité d'esprit de ceux qui ont une douche italienne dans chacune de leurs salles de bains.
"Good Lord", je déteste les musiciens. Une guitare, ça devait être comme une b!te, tu la sors que si on te le demande.