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Citations de Françoise Bouillot (14)


Françoise Bouillot
Je me dressai sur le lit devant le cauchemar, pour me trouver face à une perruque grossière et blondasse qui dessinait deux fausses nattes, un visage bouffi montrant deux plaques rouges à chaque pommette, des yeux petits et porcins profondément enfoncés dans la graisse du visage plâtré de blanc. Dessous elle portait une robe recouverte d'un tablier blanc et elle tenait un panier à la main. C'était une Cendrillon de comique troupier, issue de la forêt des cauchemars et des sorcières, avec des muscles de déménageur, une barbe drue et un accent pied-noir prononcé.
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J'étais le seul homme de cette bande affairée, j'étais heureux là, on me poussait d'un endroit à l'autre, je nageais dans une odeur de parfum qui me rendait aux femmes, j'avais oublié la vraie nature de Bella. Isa, la plus jolie d'entre elles, se déshabillait en me tournant le dos, face à un miroir que je ne voyais pas de ma place. Son corsage tomba. J'admirai la ligne parfaite de ses reins, la finesse de ses hanches, la blancheur laiteuse de sa peau ... Un désir me souleva. Elle fit tomber sa jupe d'un geste de strip-teaseuse, sous son jupon elle était nue. Ses fesses gardaient la maigreur et la dureté de celles d'un garçon, mais ce léger défaut était compensé par des jambes très fines et bien galbées[...]
Je changeai de visage. Face à moi, sur ce corps parfait et blanc, aux seins jeunes et ronds, était accroché quelque chose de noir et d'obscène, un objet si grotesque et si choquant que j'eus du mal à ne pas détourner les yeux. Là, en plein milieu, non rasée, un peu plus brune que le reste du corps, était posée une verge de bonne taille, intacte, entourée de poils noirs, comme volée à un homme pour un travestissement pour rire. Je restai pétrifié devant ce sexe masculin. Je ne l'avais jamais vu sur Bella. Ce que j'avais fait, je l'avais fait dans le noir. J'avais touché, je n'avais jamais regardé. L'obscurité m'avait protégé et devant moi à présent, en pleine lumière, c'étaient ma crainte et ma honte qui étaient exposées.
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(le curé)
- Vous savez, je n'aurais jamais permis à mon coeur de s'ouvrir à un amour qui ne fût pas infini !

Et je songeai que j'avais laissé le mien s'ouvrir à un amour qui était bien loin de l'être, aussi ardent que le sien mais précaire comme l'humain, précieux comme les choses qui vont périr. Je reconnus dans les paroles du prêtre l'arrogance catholique si proche du péché, l'arrogance de la chasteté imposée qui assure le tourment, l'irrepos, l'inquiétude sans répit. Notre curé moquait les pasteurs confortables des protestants, empêtrés dans leurs menus soucis familiaux. Il m'apparut que pour cet orgueil il lui faudrait payer, il le mènerait aussi sûrement en enfer que moi mes débordements amoureux ... Nous nous retrouverions là-bas, tout au fond, en bonne compagnie, lui avec sa fascination pour les pécheurs et les Marie-Madeleine, moi avec mon amour pour un seul travesti.
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Fillettes bachelières de la cloche
Aux pieds flétris par les trottoirs
Souvenez-vous des anciens soirs
La vie ne fut pas toujours moche.

(Pierre Mac Orlan)
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Je me tenais contre la vitre du fond, protégé par la foule, et cette rue où j'avais été si heureux redevenait sordide en ce soir de printemps sale, je voyais un à un les détails auxquels j'étais resté aveugle, ses réverbères nus, le vent hivernal qui poussait les papiers gras dans la crasse de ses caniveaux, ses fenêtres aveugles de rue désertée de banlieue. C'était un endroit perdu et triste où l'amour n'existait pas, où le plaisir était factice et plus encore la joie bruyante qui s'en échappait certains soir, à cause de l'alcool .....
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La pénombre et les cris nous isolaient et j'en profitai pour me serrer contre elle au comptoir, pour poser ma tête entre ses seins. Elle avait assez bu ce soir là pour consentir à une telle intrusion. Elle posa une grosse patte sur mon épaule, m'embrassa les cheveux, tourna sur elle-même comme un grizzly satisfait et assena à Marcel qui nous contemplait d'un air incrédule :
- C'est à moi ça !
Malgré sa voix rauque et sa tournure d'ours, elle était femme à ce moment : sa protection était celle d'une mère, d'une nourrice, non celle d'un mâle prêt à se battre pour une femelle. Marcel, dépassé, haussa les épaules et retourna à des soucis plus urgents.
[...] J'étais pressé contre elle parmi la foule des corps, je respirais son odeur, j'embrassais doucement son épaule dans la pénombre, j'étais bien comme sont les foetus sans doute, dans le bonheur liquide et stupide, indifférent et sans yeux ...
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Je songeais en la regardant que quiconque suit un travesti se dépouille fatalement de sa nature propre, que tôt ou tard il doit rencontrer le dégoût. Bella était un homme. En termes de droit, son désir était aussi légitime que le mien et nous rendait semblables.[...]
Elle finit par disparaître avec un fiancé qui ne ressemblait pas à Bella. Je la regardai partir avec soulagement, avec un peu d'envie aussi, elle qui retournait au monde auquel j'appartenais, où je ne pourrais plus rentrer.
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Françoise Bouillot
Je songeais à la bizarre cruauté de la nature qui avait injustement placé le désir harcelant d'être une femme dans un corps aussi monumental et je me demandais quelle grâce possédait à mes yeux cette masse travestie, quel chemin elle avait emprunté pour me plaire.
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Alors elle me souriait d'un air incertain et un peu timide, comme si elle avait lu dans mes pensées. Et je me souvenais que je l'aimais comme je n'avais jamais aimé une beauté, que je m'étais mis à ses pieds et que j'avais consenti à ce qu'elle fit ce qu'elle voudrait de moi. J'étais devenu un homme lige, j'avais accepté jusqu'à l'humiliation, et l'élan revenait et j'allais saisir dans mes bras ce grand corps - bras trop courts et trop maigres, torse trop puissant pour eux - et je l'embrassais comme font seulement ceux qui aiment d'un amour profond.
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Françoise Bouillot
Avec l'insatiable besoin d'en être consolées elles remontent, madones de la nuit, portant des prières et des ainsi soit-il vers des maris qui ne sont pas des macs, balançant leurs croupes, plus lasses qu'un troupeau de vaches que l'angélus ramène vers l'étable, les mains gonflées et les chevilles lourdes, traînant des sacs en faux croco où elles serrent des mouchoirs et des médicaments qui aident à tenir.
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Quand vers deux heures ferment nos propres cafés, qui sont pauvres mais honnêtes, nous regardons certains des nôtres diriger leurs pas déjà incertains vers le monde d'en bas, au long de cette rue qui tombe si durement sur Pigalle ; nous savons ce qui les attend là-bas et nous jugeons qu'il n'est pas bon de les suivre. Nous les suivons quand même, parfois : ce sont les soir où nous avons résolu de nous perdre, de nous évanouir dans la nuit en sachant que le lendemain sera pire, porteur de plus grandes détresses et de plus parfaites abominations. Pour ces soirs là et la nuit qu'ils portent derrière eux, c'en est fait de nous. Alors, en chemin vers notre perte, nous levons les yeux : le ciel est sombre et calme ; quelques nuages s'étirent et, immobile entre eux, la lune hostile et pleine qui ne veille plus sur nous.
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les griffes métalliques s'enfoncent dans le sol intouché depuis si longtemps, dans la terre endormie. Elles arrachent les herbes, qui sont hautes et tranquilles, laissant sur leur passage un profond sillon, une blessure neuve et béante. Le sol meuble se laisse pénétrer. La terre se retourne, grasse et riche. ses mottes retombent mollement.(. . .) le sillon brille grassement, luisant dans la terre réveillé e, forcée, et le châtelain a l'air content et très fier. c'est cela qu'il voulait ouvrir lui-même cette terre, frayer le chemin neuf, féconder ce qui était clos et endormi.
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le grand vent souffle et fait bouger la lumière. Et tout respire et tout est vivant, tout frémit et s'agite à ce vent qui a poussé vers nous le châtelain comme il pousse les choses mortes dans les champs, les conglomérats de poils et de plantes qui se jettent pèle mêle dans nos jambes. Rien qui ne grince ou ne tremble ou ne geigne, rien qui ne piaille ou ne gémisse ou ne pépie sous avril. c'est en été que s'installera le grand silence. c'est en été qu'on sera seul.
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la Nature nous est marâtre : au talus, elle a donné des ronces, qu'elles nous piquent; dans les champs desséchés, elle a lâché les vipères, qu'elles nous mordent ; au fer laissé sous la pluie, elle a formé la rouille, qu'elle nous blesse et nous infecte. Elle a semé le chiendent au verger. À l'ortie , elle a donné le poison, qu'il nous brûle :et nous la haïssons.
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