Le plus pénible, je crois, pour une femme de ménage, c’est l’odeur de la vie des autres. (p. 35)
Je suis restée six ans chez une femme, j’ai élevé sa petite comme si elle était ma fille. Elle me voyait plus souvent que ses parents et puis, un jour, j’ai été la chercher à la sortie de l’école, elle ne me donna plus la main comme elle le faisait depuis si longtemps: elle venait de s’apercevoir que j’étais une négresse, elle m’a dit de marcher derrière elle. (p. 95)
Mes gamins sont traités de chinois, de négros, de pieds-noirs ou de gitans, selon l’humeur du garçon qui mène la bagarre. Cet âge est sans pitié et les enfants sont mauvais. Il faut que je persuade les miens que les Chinois sont très bien, que ce n’était pas mal du tout d’être pied-noir, et que les négros, s’ils ne devaient servir à rien, le Bon Dieu n’aurait pas donné une âme à leur corps. (p. 74)
J'arrive facilement à secouer le joug moral que comporte ce sacré métier parce que j'ai un toit à moi, une famille à moi. Mais comme je comprends ces filles liées nuit et jour au service de ses sacrées dames.
La conscience est une chose qu'on devrait pouvoir mettre ou enlever à volonté, malheureusement elle est chevillée à notre corps, et plus d'un, ce soir, doit être gêné avec la sienne.
Ce sont mes lèvres qui l'ont murmuré, mais dans ma tête quelque chose criait : “Est-ce la traite qui recommence ? Mon dieu, dites-moi que j’exagère ! Mon dieu, dites à ces filles qui arrivent par pleins bateaux au Havre, à Cannes ou à Marseille, “Quo vadis ?“ Dites leur donc cela, pour donner la paix à mon âme !
"Je suis l'arrière petite fille d'une esclave Suzanne* et cela je ne peux l'oublier. L'oubli dans certains cas est une trahison, il nous appartient d'enseigner à nos enfants leurs origines afin que dans la dignité il vivent désormais."
Françoise Ega
*Suzanne est une esclave vendue sur le marché de St Esprit à la Martinique pendant l'esclavage.
" Je suis l'arrière petite fille d'une esclave Suzanne et cela , je ne peux l'oublier. il nous appartient d'enseigner à nos enfants leurs origines afin que dans la dignité ils vivent désormais." François Ega
* Suzanne , est une esclave vendue au marché de St Esprit en Martinique pendant la période de l'esclavage