Je sais que les métavers ou la RealSim, c’est du préformaté dont je pourrai pas m’évader. Je suis un prisonnier, je l’oublie jamais. Mais la défonce à la réalité virtuelle me permet enfin d’oublier pour un moment que je suis rien d’autre qu’une tête de bétail. « Bienvenue au Village, Numéro 2 ! »
Quel terrifiant accomplissement, en définitive, que de voir notre société se dissoudre dans les fictions qu’elle a inventées pour se distraire d’elle-même…
Mais après tout, me dis-je, le rêve de Dieu est peut-être simplement cette part d’enfance dont l’homme ne sait jamais se défaire ; ce besoin de tenir encore la main d’un grand avant de traverser…
Et le Vertov, sans quitter cette cuvette rocheuse qui le dissimulait aux yeux du monde, avait pourtant traversé le temps comme on traverse une nuit.
Par conséquent, lorsque ces zombies restent sagement massés à l’entrée du cimetière ou qu’ils laissent fort aimablement le passage au malheureux Graham, cela m’interpelle…
Quelques minutes plus tard, l’homme posait le pied à terre et Stolper n’avait pas fini de se poser des questions à son sujet. Depuis la chute du régime soviétique, Dudinka n’était plus interdite aux Occidentaux mais cette mesure, évidemment, n’avait pas suffi pour y attirer les touristes ; et quand quelques dingues arrivaient l’été, à la recherche du frisson polaire, ils préféraient toujours les six heures de vol depuis Moscou, même sur les coucous d’Aeroflot, plutôt que trois à quatre jours de cargo à travers les icebergs : le frisson polaire avait ses limites. Autant dire que les cargos ne débarquaient jamais de passagers à Dudinka en plein cœur de l’hiver… Tout en se dirigeant vers le nouveau venu, le Russe se demanda même s’il n’était pas en train de vivre une première historique.
Pour la première fois de mon existence, je regrette de me trouver dans cette ville. Je suis à ce point paralysé qu’il ne me vient même pas à l’idée de retirer mon casque pour arrêter la partie. Je suis littéralement shooté par la peur, incapable d’apercevoir ce qui sépare le réel du virtuel, ni même conscient qu’il peut encore exister une différence entre les deux.
De quel droit peut-on se prétendre malheureux, quand on a reçu ce pour quoi l’on vendait son âme ? Les masses n’ont pas été trompées. Nous leur avons donné très exactement ce qu’elles réclamaient.