Citations de Gabrielle Deydier (19)
L'obésité, ce n'est pas seulement le petit gros assis au fond la classe, au collège, c'est aussi celui que vous ne verrez pas dans l'amphi à l'université, celle que vous ne croiserez pas dans les cabines d'essayage d'H&M.
Depuis l'enfance, l'adolescence surtout, l'obèse apprend à se taire. Il est, à l'image de ses kilos, toujours en trop. Pointé du doigt comme un individu dépourvu de volonté, alors qu'il est souvent en proie à une lutte pour sa survie.
Je ne comprends pas qui j'ai en face de moi quand je me place devant une glace. Je vois mon reflet comme totalement étranger à ma personne. Ce reflet n'apparait jamais dans mes rêves. Je me sens difforme. J'ai la même impression en me voyant sur les photographies. Pourquoi le monstre du miroir vient-il aussi sur mes clichés?
Si on savait… Si on savait combien ils souffrent! Quand ils pointent le nez dehors, ils souffrent jusqu'à la démesure. Pour eux, la rue est un enfer. L'attaque arrive à coup sûr. Insupportable, inhumaine. Ils n'ont droit qu'à des regards moqueurs, des quolibets, des sarcasmes, du rejet. Anéantis, humiliés, ils se sentent coupables de tout, d'êtres nés, d'exister. Aussi leur cœur se glace. Les gros rasent les murs.
"Je ne suis pas malheureuse parce que je suis grosse: je suis grosse parce que je suis malheureuse."
Un réflexe m'a poussée à écrire les mots que ma bouche n'avait jamais su cracher.
Après quelques semaines, et alors que j'ai déjà commencé à grossir, je me mets à vider les placards la nuit.Le jour, je joue ma "régimeuse"devant mes proches.Passé minuit, j'aspire le contenu de la cuisine: restes de repas, croissants, pain, desserts...Évidemment, cela se voit assez vite.D'autant que je prive mes soeurs de leur goûter.Ma culpabilité grimpe, mes mensonges aussi.
En lisant "Beauté fatale" de Mona Chollet, j'ai mieux compris pourquoi il était si dur pour une femme d'avoir un rapport serein à la nourriture. À l'ère victorienne déjà, toute représentation d'une femme en train de manger était bannie [...] L'appétit féminin suscite la peur et la répulsion.
Nos vies solitaires de gros me font penser à cette scène du film "Requiem for a dream" où Sarah, la maman de Harry, se lance dans un long monologue. Sarah est veuve, son fils est toxicomane. Sa seule compagnie: la télé et les gâteaux.
Pointé du doigt comme un individu dépourvu de volonté, alors qu'il est souvent en proie à une lutte pour sa survie.
Je me suis toujours demandé où se trouvaient les gros. Dans mon quartier HLM, il y avait des gros et des grosses. En revanche, dans mon lycée, nous étions environ 500 élèves, nous voyions bien quelques filles et gars un peu ronds, mais seulement trois filles obèses. Quand je suis arrivée à la fac, c'était pire. J'ai étudié en fac de cinéma pendant 4 ans et je ne voyais pas d'obèses. À la cité U de Montpellier, il y avait peut-être une obèse par bâtiment. Plus tard, quand j'ai repris mes études en fac de sciences politiques, j'étais bien contente qu'il y ait une autre fille "comme moi" parmi la cinquantaine d'étudiants.
Nous, les femmes, on ne peut jamais gagner : bimbo on perd, grosse on perd.
La géographie de l'obésité en France est aussi très évocatrice : plus la région est pauvre, plus on y dénombre des gros.
La femme obèse a souvent la réputation d'être "chaude", en quête perpétuelle de plaisir, et plus ouverte que la moyenne sur les pratiques sexuelles.
La "norme" en matière de poids ou d'apparence tend vers la maigreur, tandis que la société voit l'obésité augmenter. Elle a doublé en France ces quinze dernières années pour atteindre 15% de la population, soit plus de dix millions de personnes.
Dans ces moments, je n'ai pas faim ; manger ne me procure aucun plaisir. Je n'éprouve aucune satisfaction, si ce n'est celle qui consiste à avoir l'impression de saigner de l'intérieur.
Lors de ces phases d'engloutissement, j'ai tellement mal au ventre que j'oublie la souffrance psychologique à l'origine de mes crises. [...] Me suicider serait plus efficace, j'ignore pour quelle raison je ne l'ai jamais fait.